Le 30 mars 2014 : un évènement prometteur à Grenoble

???????????????????????????????Au milieu de cette foule joyeuse qui venait de porter une nouvelle équipe à la mairie de Grenoble, je pensais que jusque là, je m’étais trompé. Il fallait que je le reconnaisse. La politique n’était pas mon fort.
J’avais fait confiance et je n’aurais peut-être pas du.
Sûrement pas du?
Sûrement pas du.

Analyser le pourquoi des attitudes en politique.

Pourquoi fait-on confiance, éprouve-t-on le besoin de le faire. Après tout, personne n’est là pour nous y obliger, mais si on regarde autour de soi beaucoup de gens font confiance.

Ou pas.

Beaucoup de gens ne font pas confiance, aussi. Le manque de confiance m’a toujours paru préjudiciable, comme s’il était marque d’une fin de l’espoir.

J’allais écrire « d’une fin de l’histoire ».

A première vue, la confiance est préférable à la défiance car elle signifie l’adhésion, une barrière contre la solitude. Refuser la confiance, n’est-ce pas se murer dans une obstination sauvage, un tantinet rebelle. Il y eut donc ma confiance. En des choix politiques, en un homme qui les incarnait, et ce, d’autant plus que cet homme et ces choix étaient rejetés par une masse grandissante de gens, voilà qui est étrange et a priori contradictoire avec ce qui précède, là, en somme c’était la confiance qui risquait d’isoler et la défiance rassemblait.

Mais elle rassemblait sur des bases qui sont loin d’être les miennes, le refus du mariage pour tous, la réticence devant l’impôt… et je ne voyais pas de tendance assez importante en impact et en nombre qui symbolisât une défiance que j’aurais estimé être sur des bases acceptables. Bien sûr, un front de gauche vitupérait, affichait une différence, mais il faisait comme si la sortie de crise ne pouvait relever que de recettes à la mode du « y a qu’a ». on entendit dire qu’il n’y a avait qu’à faire comme l’Argentine qui refusait de payer ses dettes – on a vu ce qu’il lui en a coûté depuis – ou que l’on pouvait s’inspirer du modèle sud-américain, aussitôt estampillé « socialisme du XXIème siècle », incarné par un Hugo Chavez, mort depuis, un modèle qui donne lieu à des combats de rue, et à plus de corruption encore que sous un ancien régime.

Il valait mieux donner confiance à F. H. Lui au moins… avait une vision saine de la réalité, et agissait en fonction d’elle et de contraintes bien réelles que personne ne peut nier: la dette, les marchés financiers, l’euro, un minimum de politique économique européenne commune.

Et puis aujourd’hui, je m’aperçois que la confiance n’est plus là.

Et que cela n’est certainement pas du à la soi-disant « victoire de la droite » aux élections municipales. Car la droite n’a pas gagné aux élections municipales. Une composante nationaliste et fachoïde peut-être… encore que. Victoire à la Pyrrhus diront certains, car il faut ensuite assurer ses arrières et puis dix villes sur des centaines, on a presque envie de dire que c’est anecdotique. La vague bleu marine existe cependant, elle est bel et bien là, notons que pour qu’elle existe il aura fallu de la part de ses instigateurs de sérieuses sourdines, preuve que le peuple qui les élit n’est peut-être pas autant acquis à leurs idées qu’on voudrait nous le laisser croire…

Mais la droite elle-même, celle que l’on qualifie généralement de « républicaine » , elle n’a fait que ramasser ce que les abstentionnistes lui ont laissé, lesquels, on peut le présumer, avaient fait partie deux ans auparavant de ceux qui avaient porté F.H. à la présidence, autrement dit « l’électorat de gauche ».

Ainsi, la gauche a battu cette tendance qu’on appelle « la gauche » (PS) et qui est de moins en moins… la gauche.

Existe-t-il une gauche? Voici le genre de question avec laquelle on a envie de se délecter si on est un passionné de conversations d’idées. Comme cette autre question: qu’est-ce qu’un peuple? Les historiens, les philosophes (comme Laurent Bouvet et Alain Badiou dialoguant sur le site de Mediapart) s’interrogent à juste titre sur la définition de la gauche, dont on sait qu’à l’origine elle est essentiellement un concept topographique, désignant ceux qui s’asseyaient « à gauche » dans les travées de l’assemblée nationale.

On a envie de dire, ou plutôt: j’ai envie de dire, que la gauche, c’est comme « le peuple », c’est un mouvement, quelque chose qui à certains moments de l’histoire, apparaît de manière fulgurante pour porter des idées en rupture avec l’ordre établi, vers plus de liberté et de justice.

Ce n’est pas une masse amorphe, un conglomérat, une institution, un parti. Parti de gauche, vous dites? Eh bien non, ça ne fait guère sens.

La gauche peut-elle passer à droite? Non, car si j’en crois ces deux mots: liberté et justice, ils définissent un cadre contraignant, auquel ne peuvent pas satisfaire n’importe quelles velléités portées par un parti extrémiste. On pourrait par exemple imaginer un parti oeuvrant, selon ses dires, pour plus de liberté, alors que sa conception de la liberté serait restreinte, soit limitée à un domaine (l’échange des biens par exemple) soit limitée à des personnes: la liberté pour les nationaux (comme dans la Grèce antique, la liberté des non-esclaves).

Si on est du côté de la liberté, c’est du côté de toute la liberté, cette liberté qui se définit, non comme une absence de déterminations, mais comme une connaissance objective de ces déterminations, et la reconnaissance du fait qu’elles agissent sur tous les humains sans distinction de classe, d’appartenance ethnique ou religieuse ou de choix d’orientation sexuelle.

Les partis que l’on qualifie en général de « droite » en sont loin.

Dans la soi-disant « gauche » incarnée par notre gauche de pouvoir actuelle, il y a parfois des discours qui nous font douter de cette conception de la liberté.

Quant à la justice… nous en parlerons un autre jour car la question me paraît encore plus complexe, mais il est difficile de penser qu’elle puisse être basée sur autre chose que l’égalité entre les êtres humains (hommes ou femmes).

Ces aspirations à la liberté et à la justice sont particulièrement marquées lors de certains évènements, révolutions ou mouvements, ou libérations à l’issue des guerres, qui succèdent à des périodes où une majorité des membres de la société, lesquels alors se constituent en un peuple, en ont été privés.

Voilà les bases, me semble-t-il, à partir desquelles on doit pouvoir évaluer l’orientation d’une ligne politique.

Or, évidemment, un premier ministre qui spécule sur la vocation d’une population caractérisée par son origine ethnique à s’insérer ou ne pas s’insérer sur notre territoire, ou bien qui refuse énergiquement l’idée d’un droit de vote donné aux étrangers, fût-ce simplement aux élections locales, est loin d’être un exemple parfait d’une attitude de gauche au sens où je viens d’essayer de la définir…

Au long du XXème siècle, les ouvriers ont été les porteurs de l’aspiration à plus de liberté et de justice, parce qu’ils étaient (et sont) bien sûr les plus privés de ces valeurs  Sur ce sujet, on ne peut que continuer à donner raison à l’analyse marxiste. L’extorsion de la plus-value sur le dos des travailleurs ne disparaît pas.

Et pourtant, on a parfois l’impression que la gauche n’est plus tellement portée par la classe ouvrière,

soit que celle-ci simplement se détourne des valeurs essentielles de liberté et de justice, s’installant dans l’indifférence et l’abstention,

soit, plus gravement qu’elle adhère à des mouvements dont la seule fin est le maintien du statu quo. C’est que bien sûr, si l’on n’a plus confiance dans les organisations censées nous représenter, il ne reste guère qu’à se recroqueviller sur une position de maintien de ce que l’on a déjà, ses biens de consommation, sa petite propriété, son mode de vie qui, pour pauvre qu’il puisse être n’en est pas moins justement, un mode de vie.

Dans une telle situation, les porteurs de la gauche deviennent d’autres groupes qui ont, eux aussi après tout, de bonnes raisons (même si celles-là, Marx n’a pas eu le temps de les comprendre…) pour revendiquer des droits universels: certains membres de la jeunesse, les femmes, les homosexuels, les sans-papiers, les victimes de trop nombreux accidents sociétaux ou environnementaux… mais ils ne doivent évidemment pas oublier que les ouvriers existent toujours, au moins potentiellement, parmi eux.

Alors, qu’arrive-t-il? Lorsque ces groupes se fédèrent, peut émerger une nouvelle gauche, comme c’est le cas semble-t-il, justement, à Grenoble, lors de ces dernières élections municipales.

Une nouvelle gauche, réellement, au sens où chaque groupe qui la compose aspire, sous son angle propre, qui l’a constitué en tant que groupe, à la liberté et à la justice:

Les écologistes en tant qu’ils se font l’écho des revendications des habitants qui souffrent de devoir absorber un air irrespirable ou d’être exposés à de potentielles nuisances chimiques, radioactives, voire des poussières de carbone issues des industries nanotechnologiques,

les réseaux citoyens en tant qu’ils ont à défendre des causes ayant trait aux libertés: celle de circuler, celle de s’établir où bon nous semble (causes des sans papiers, de l’éducation sans frontières…),

le parti dit « parti de Gauche » aussi en tant qu’il se présente encore comme un défenseur des ouvriers,

et d’autres que je sais mal énumérer et que j’oublie sans doute au moment où j’écris ces lignes.

Voir une nouvelle gauche émerger est toujours émouvant. C’est un moment historique, au sens propre, là encore. C’est-à-dire au sens où il fait série avec d’autres moments de l’histoire, qui ont eu, chacun sa singularité, certes, mais qui néanmoins se ressemblent.

H._Dubedout0002Il y eut ainsi le surgissement à Grenoble à la fin des années soixante de ce qu’on a qualifié déjà de « nouvelle gauche » ou « deuxième gauche », incarnée par la personne d’un jeune ingénieur, Hubert Dubedout, accompagné d’une équipe de gens neufs et compétents uniquement intéressés par le bien commun, apparaissant au devant de la scène pour, d’abord, résoudre des problèmes techniques, puis pour proposer une nouvelle manière d’habiter la ville, élan qui hélas fut stoppé lorsque, quelques années plus tard, lors d’un épisode de reflux malheureux, la mairie fut confisquée par un forban et sa bande, le premier étant toujours là à essayer de revenir. (Lourd boulet d’ailleurs pour la droite locale, laquelle, en plus, ne brille pas par son intelligence… ).

1944-05_vercorsAvant ce surgissement, il y avait eu la Résistance, tellement active à Grenoble et les environs, tellement meurtrie dans le Vercors.

Et beaucoup plus avant… juste un an avant la Révolution, la journée des Tuiles, au cours de laquelle la population grenobloise, s’étant solidarisée avec son parlement, avait accueilli les troupes royales à coups de tuiles détachées de la toiture du bâtiment.

journeetuiles7jui...8grenoble-e12989Et puis il y eut aussi Stendhal, il y eut Choderlos de Laclos, et l’esprit libertin… qui n’était pas que dans les moeurs mais aussi dans les conceptions politiques.

stendhal1004056-Pierre_Choderlos_de_LaclosCette série semble s’être continuée ce 30 mars. Et je m’engage à suivre dans le détail les suites de cet évènement, créant tout de suite au sein de ce blog, une nouvelle catégorie: « Vie locale », pour y mettre mes espoirs, des témoignages, des descriptions de l’ambiance ici, dans notre ville, et des critiques aussi car il y aura bien des critiques aussi, non? qu’il faudra faire à certains moments.

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3 commentaires pour Le 30 mars 2014 : un évènement prometteur à Grenoble

  1. Guy Chassigneux dit :

    Tes écrits plaident bien pour une gauche qui cherche à se refonder et témoignent de cette dynamique à laquelle tu participes avec conviction. Pour avoir moi-même trempé dans toutes les tentatives d’Autre gauche (sympathisant PSU, militant CFDT puis syndicat alternatif…) je m’emballe moins : l’attitude des verts au niveau national qui devaient incarner une autre pratique politique tombant dans les pires travers politiciens me refroidit, quand dans le même temps j’apprécie ton accent mis sur la confiance.
    La pureté de l’air passera par moins de déplacements mais il faudra alors proposer des logements sur place et là il me semble que les projets de la municipalité précédente n’étaient pas tous à rejeter…

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    • alainlecomte dit :

      Merci de ton commentaire! je comprends qu’on soit un peu usé après tant et tant d’années de promesses et d’élans non suivis d’effet, ou en tout cas, non suivis d’effets immédiats. Mais l’évènement du 30 mars a été aussi rendu possible par la somme d’actions en tous genres conduites par des acteurs comme toi, au sein des divers mouvements de l’agglomération grenobloise, c’est long à venir mais à la longue, le militantisme porte ses fruits, semble-t-il. Certes, il ne faut pas demander l’impossible. la nature humaine étant ce qu’elle est, hélas, il y aura encore et toujours des magouilles, des coups bas, des gens qui ne songent qu’à s’enrichir, donc des profiteurs etc. mais s’il y a en face des citoyens vigilants, peut-être pourrons nous éviter le pire. En tout cas, l’expérience de soutien à cette nouvelle gauche grenobloise me semble à tenter. Sur les moyens de parvenir à diminuer les déplacements, il faudra sans doute encore beaucoup de discussions. Difficile en tout cas de faire revenir près de leur lieu de travail les gens qui ont choisi d’habiter dans la vallée du Grésivaudan, ou sur le Vercors, pour ceux-là covoiturage (à encourager par tous les moyens) et transports en commun me semblent être les deux mamelles de l’espérance!

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  2. @ alainlecomte : je n’ai vu que trop tardivement ton article… mais je me suis réjouis, le soir du deuxième tour des élections, de la victoire d’un Vert à Grenoble qui inaugure aussi une autre façon de faire de la politique.

    La gauche demeure, malgré ses déviations (de droite ou de gauche…) en tant qu’aspiration à plus de justice sociale et à l’engagement pour la défense d’un certain nombre de valeurs fondamentales (les combattants du Vercors avaient un idéal de liberté, d’égalité et de fraternité).

    On verra ce que fait Manuel Valls – qui a obtenu… la confiance de la majorité des députés et du PS et des Verts ! – et s’il ne penche pas plus vers le Medef que vers les « ouvriers ».

    Grenoble sera un laboratoire in vivo : j’ai bien aimé que le nouveau maire déclare qu’il gelait d’ores et déjà la trentaine de caméras de « vidéosurveillance » prévues par l’ancienne municipalité et que, pour la quarantaine existante – vu leur inutilité démontrée, car quand on « casse » une bijouterie on porte une cagoule ou un casque de moto… – il était prêt à les revendre à Estrosi pour sa bonne ville de Nice !

    C’est bien que tu puisses observer ces changements politiques sur place !

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