Instantanés ladakhis – VI – Les rives de la Zanskar

La vaste plaine, sorte de dépression au milieu des chaînes et des vallées qui confluent, est dure à parcourir sous un soleil de plomb et par plus de 40°C. D’autant que nous n’avons pas prévu assez de litres d’eau. Nos pipettes s’assèchent et le pas devient lourd. Cette plaine est un désert. Un arbre isolé prend les allures de celui (fameux) du Ténéré… un ruisseau qui serpente entre deux brins d’herbe est un court intermède à la sécheresse. En foulant un sol caillouteux, dont la boue sèche et grise garde de vieilles empreintes de passage de Jeep, nous rejoignons le bord de la rivière Zanskar. Elle est beige et tumultueuse. On raconte qu’elle est poissonneuse, mais la population bouddhiste a fait une croix sur le poisson, non par refus absolu de manger de la chair animale, car on veut bien à l’occasion décrocher des solives un vieux morceau de yak séché, mais parce qu’il faudrait tuer trop de poissons pour nourrir un seul homme, alors qu’un yak a lui seul peut nourrir une famille.

Me voici impuissant, assis les jambes ballantes au-dessus du tumulte des eaux, incapable de me relever et de repartir. Je n’entends plus rien, sauf le grondement de la rivière. L’autre rive, face à moi, oscille et je me demande si je ne vais pas tout simplement mettre ici fin à mon voyage. Mourir au bord de la Zanskar. Voilà ce que je n’avais pas prévu. J’ai perdu connaissance. C. est accourue. Elle connaît les gestes qu’il faut en un cas pareil. Elle descend à la rivière mouiller un linge qu’elle me passe ensuite sur le visage. Je suis couché sur le côté, une jambe un peu pliée par-dessus l’autre. Elle a demandé au guide de se grouiller d’aller me chercher à boire. Le guide n’y comprend rien. Ce n’est pas un vrai guide. Juste un vague « cook » donné par l’agence. Je reprends mes esprits. Heureusement il ne reste plus qu’une demi-heure à peu près de marche pour rejoindre le camp de Zangla. En chemin, nous retrouvons le guide qui rapporte de l’eau. Il faut boire, boire, boire. Jusqu’à ce que tu aies envie de pisser, me dit-on. Tiens c’est vrai, pas pissé une seule fois aujourd’hui. Chaleur, altitude, déshydratation. Heureusement, toutes les fonctions vont revenir. Juste quitte pour la peur.

Le lendemain, nous repartirons comme si de rien n’était, traversant Zangla puis marchant de nouveau sur du plat, mais souvent au milieu des champs jusqu’à Hanumil. Et le surlendemain, nous suivrons de nouveau le cours de la Zanskar. En un sentier étroit, à flan de montagne, qui s’élève de plus en plus, avec la rivière en bas, presque à la verticale. Puis nous quitterons la Zanskar : le chemin s’élèvera jusqu’au Phensi la avec de là-haut une extraordinaire vue sur une gorge vertigineuse, au fond de laquelle il faudra descendre…. Pour remonter ensuite de l’autre côté. Jusqu’à Snyertse. Allons, la forme physique revient…

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4 commentaires pour Instantanés ladakhis – VI – Les rives de la Zanskar

  1. Le voyage a maintenant sa note de « suspense » avec le collapsus du déshydraté (est-ce lui qui est hélas tronçonné sur la photo ?). Belles photos…

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  2. michèle dit :

    dépasser la fatigue jusqu’à acquérir un automatisme. Mais Alain, pas d’ânes pour porter des provisions et des bâches d’eau ?
    à vous lire, gentiment, tout doucement me revient le désir de retourner là-bas : c’est un grand bonheur que vous nous fassiez partager ce périple, mercis, grands.

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  3. Jean-Marie dit :

    En lisant ton récit, je me rends compte que je ne saurais pas quoi faire dans un cas pareil, contrairement à C…

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