Encore sur France-Inter, mais dimanche vers midi, au cours de l’émission Kriss crumble (on ne dira jamais assez la qualité de notre service public de radio, j’y insiste en ces jours de grève) : un formidable chercheur, un de ceux dont on dit sans réserves : c’est un savant. Il s’agit d’un ethnomathématicien belge (voilà, je l’espère, de quoi faire plaisir à l’auteur du blog Je suis Belge mais je me soigne) : Dirk Huylebrouck, qui exposait avec une énorme passion ses découvertes concernant les mathématiques africaines. Nouveau sujet d’étonnement : après les femmes et les maths : les Africains et les maths. Les vieux réacs (Zemmour et compagnie) vont décidément m’en vouloir (mais je m’en fiche pas mal), eux qui croient ces termes antinomiques, alors que pourtant… il y a de fortes chances que les mathématiques aient été inventées en Afrique, et, qui plus est, vraisemblablement par des femmes (car c’est à elles qu’étaient dévolues les activités de gestion et de répartition). Cette reconnaissance ira bien en revanche, je l’espère, dans le sens des billets publiés récemment sur un autre blog apprécié : celui de Chantal Serrière, qui nous racontait en début de ce mois, son voyage au Burkina-Fasso et les découvertes qu’elle y a faites. Et pas du tout dans le sens, bien entendu, d’un tristement fameux discours de Dakar…
Le premier objet portant la marque d’une activité hautement mathématique a été découvert là-bas, et il a environ 22 000 ans. Il s’agit de l’os (ou du bâton, comme on voudra) d’Ishango.
Ishango est un petit village au bord du Lac Rutanzige (connu aussi comme Lac Edouard), une des sources les plus lointaines du Nil, aux confins du Congo et de l’Ouganda (région hélas où il n’est pas recommandé de se promener de nos jours…). C’est là que l’archéologue belge Jean de Heinzelin de Braucourt découvrit il y a plus de cinquante ans un os d’à peine dix centimètres, comportant trois colonnes d’encoches, rangées en groupes de respectivement 11, 21, 19 et 9 entailles, ensuite de 11, 13, 17 et 19 encoches (vous avez remarqué ? les nombres premiers entre 10 et 20 !). la troisième colonne (celle que nous retiendrons comme le « milieu ») présentant, quant à elle, huit groupes d’entailles : 3, 6, 4, 8, 9 (ou 10 ?), 5, 5 et 7.
Certains ont voulu y voir un calendrier lunaire, mais plus sérieusement, un ingénieur du nom de Pletser a fait le rapprochement avec les règles à calcul (celles que les plus anciens d’entre nous ont utilisées à l’école, longtemps avant que n’existent nos calculatrices électroniques) et qui se composaient de réglettes coulissant les unes par rapport aux autres. Les trois colonnes avaient exactement une interprétation possible en termes de ces réglettes !
Bon, prenez une feuille.
Mettez en ligne la colonne du milieu de l’os :
3 6 4 8 9’ 5 5 7
Additionnez 3, 6 et 4 : vous obtenez le 13 de la colonne de gauche. Additionnez 4, 8 et 9 : vous obtenez le 21 de la colonne de droite, 8 et 9 le 17 de la colonne de gauche, 9, 5 et 5 le 19 de la colonne de droite… et admettez pour le reste qu’il y a peut-être des erreurs. Il semble qu’il y ait une imprécision entre 9 et 10. On a aussi remarqué que 5, 7, 11, 13, 17, 19 avaient tous la particularité d’être des multiples de 6 plus ou moins 1 (17 = 3×6 – 1, 19 = 3×6 + 1 etc.), alors hésiterait-on entre multiples de 10 et multiples de 6 ? Oscillerait-on entre une base 10 et une base 6 ? et qui dit « base 6 » dit « base 12 » bien entendu…
Fascinant objet qui nous ramène à d’autres recherches contemporaines portant sur les manières de compter chez des peuples « non lettrés » (les Mundurucus encore…) où l’on perçoit un conflit entre base deux et base cinq cette fois… à moins que cela ne soit qu’une illusion, la base « deux » s’expliquant par un amour pour la symétrie et la base « cinq » par des exigences de représentation sur le corps (pieds, mains).
Le projet de cet ethnomathématicien était d’envoyer une réplique de l’os d’Ishango dans l’espace, à la rencontre éventuelle de civilisations extra-terrestres (car c’est ainsi qu’on a en effet pensé qu’il était possible de s’envoyer réciproquement des signaux, entre êtres intelligents, puisque l’intelligence est synonyme ici de reconnaissance d’un caractère non hasardeux des systèmes d’encoches), mais il raconte qu’au moment de faire l’expérience, ce qui aurait été de plus un merveilleux hommage à l’Afrique, la NASA a préféré envoyer dans l’espace… une broderie de bonne sœur !
Passionnante démonstration où la poésie de cette règle à calcul élémentaire se marie bien à la rigueur des mathématiques.
J’aimeJ’aime
merci totem! oui, mathématiques et poésie peuvent se marier parfois, et je vais encore tenter de le montrer dans de futurs billets!
J’aimeJ’aime
Oui, le service public audiovisuel est une nécessité absolue : je suis également tombé, un peu par hasard, sur cette émission de Kriss qui était passionnante. Autre émission, aussi passionnante, c’est celle de Kathleem Evin (encore une femme, il n’y a pas qu’en Maths qu’elles sont douées), l’Humeur vagabonde, même quand il s’agit de Louis Bozon, l’animateur du « Jeu des mille euros » qui part à la retraite.
J’aimeJ’aime
Je suis encore tout émotionnée d’être associée à un article sur les mathématiques! Moi qui en ai si peur et aurais tant voulu qu’ils m’apprivoisent (ou l’inverse)!
Mais si émue également du renvoi sur la valorisation de l’Afrique par ce biais!
J’aimeJ’aime
Voici pour le bonheur de tous un site qui m’a pris quelques 6000 heures de boulot : ce sont les premiers cours de maths gratuits retranscrits en vidéos courtes éducatives .(850 vidéos en 2009)
J’aimeJ’aime
Bonjour,
Vous trouverez ci joint l’adresse de mon Blog ( fermaton.over-blog.com). Votre visite de mon site est fortement appréciée.
C’est une théorie mathématique de la conscience reliant très bien Art-Sciences-Mathématique-philosophie-spiritualité-poésie-sports.
La page Champagne marathon présente l’aspect mathématique du marathon.
La page Théorème de Nevermore:Math-poésie Verlaine.
Cordialement
Dr Clovis Simard
J’aimeJ’aime