Périodiquement, un air frais souffle sur la cuvette grenobloise encerclée comme on sait par Préalpes d’un côté et Alpes de l’autre. Grâce à Libé, grâce à Marianne ou bien à « la République des Idées », belle collection dirigée par Pierre Rosanvallon, tout ce que la France connaît comme penseurs de la société et politiques prêts à débattre se retrouve dans des salles et sur des scènes en général consacrées au théâtre et à la musique. Ce week-end, je n’irai pas lire l’énigme de Chantal Serrière, sur le blog « Ecritures du Monde » : j’irai écouter (voire participer à) quelques débats à la mc2 (ex-« maison de la culture », héritage de Malraux, refaite il y a dix ans en plus moderne, en plus bétonné aussi…). Education, fiscalité, Europe, (dé-)mondialisation, république citoyenne etc. seront au programme, comme cela a déjà commencé de l’être hier.
Ainsi hier, à 11h30, Arnaud Montebourg et Bernard Guetta dialoguaient sur « l’Europe est-elle l’ennemie du citoyen ? ». Oui, répondaient-ils ! Surprenant, non ? Mais ils voulaient dire : cette Europe-là, celle qui s’est construite on ne sait trop comment, ou plutôt si : on le sait trop bien, sous l’emprise d’un libéralisme échevelé, en ne faisant aucun cas des peuples, ni des exigences minimales de la démocratie. Europe diktat, Europe sanction. Europe outil, Europe utilisée par nos gouvernants (tous de droite actuellement) lorsqu’ils veulent faire passer des mesures impopulaires (ils sont contre à la gare du Nord et pour à l’arrivée à Bruxelles, rappelle Montebourg). Pas de démocratie, des commissions sans légitimité qui arrêtent ce sur quoi le Parlement a le droit de légiférer etc. et ensuite, en une nuit, nos députés qui sont appelés à entériner cent cinquante directives en une seule fois, sans possibilité d’amendement, et la menace que si on en retoque une, on soit poursuivi par la Commission européenne, avec lourdes sanctions à la clé…
Certes, l’Europe c’est pourtant aussi la politique agricole commune, qui a si longtemps bénéficié à nos agriculteurs, c’est la paix, c’est Erasmus, comme se plaît à le dire une participante de la salle, et Bernard Guetta acquiesce avec énergie. Aussi, nos duettistes ne baissent-ils pas les bras. Pour Guetta, la solution serait que les partis de gauche s’entendent pour, lors des prochaines élections européennes, faire liste commune, en choisissant une tête de liste qui aurait vocation à devenir le futur Président de la commission en cas d’élection. Après tout, dans les règlements actuels, rien ne s’y oppose, il suffirait d’un peu de volonté politique. Interpellé sur cette question, Montebourg rappelle que le PS et le SPD se sont déjà rencontrés et ont fait une déclaration commune, adoptant des principes de programme communs (qui, malheureusement, excluent toute proposition de changement de statut de la BCE, puisque c’est un sujet tabou en Allemagne !). Rien n’est perdu, donc. Comme toujours, Bernard Guetta se fait le chantre de l’espoir…
Et l’après-midi, bien entendu la séance consacrée à François Hollande… Il fallait se presser devant les portes du Grand Théâtre longtemps à l’avance – même si on disposait d’un billet en bonne et due forme – afin d’éviter de se voir refouler vers l’Auditorium où le débat serait diffusé sur écran. Bousculade garantie à l’entrée. Salle vite comble, avec une grande majorité de têtes blanches, même si, par ci par là, quelques étudiants, IEP ou Ecole d’Ingénieurs, brefs: propres sur eux. Mais qu’attendre d’autre dans un créneau d’après-midi de semaine ? Avec un léger retard, notre futur président bondit sur scène, entouré des journalistes (Maurice Szafran, de Marianne, Nicolas Demorand, Vincent Giret) auxquels s’est joint un jeune de l’Association UniCités. Allure décontractée, sourire facile : le candidat est visiblement très à l’aise. Je ne redirai pas ici les 60 propositions, qui courent partout dans la presse, juste quelques annonces que je n’avais pas entendues jusqu’ici : un gros encouragement au Service Civique pour les jeunes (qui devrait toucher, selon Hollande, au moins 15 pour cent d’entre eux), la présence du jeune d’UniCités semblant être là pour cette annonce (puisque lui-même dit s’être sorti de la galère et de la rue grâce au service civique), retrait immédiat des troupes françaises d’Afghanistan (mais il semble que Sarko lui ait coupé l’herbe sous le pied le même jour en annonçant le retrait pour 2013). Fin de réunion, des dizaines de mains s’agitent, c’est la ruée sur la possibilité de poser des questions. La question de la précarité et de la difficulté de se loger revient, lancinante. On évoque ces travailleurs du plateau matheysin, obligés de trouver du travail autour de Grenoble et qui dorment dans leur voiture, ne trouvant rien de mieux pour se loger à des prix abordables. Les maisons de retraite. Comment faire pour que les meilleurs étudiants en école d’ingénieurs fassent des thèses de sciences au lieu de partir faire du fric. Des questions plus techniques comme sur les traités européens. Et même… que faire pour soulager la souffrance de nos amies les bêtes… (celle-là, le candidat oubliera d’y répondre !). Nicolas Demorand veut clore le cycle de questions, mais la salle en furie en redemande. Une petite dame au fond se lève et, sentant que le micro va définitivement lui échapper, se met à scander : « la san-té », « la san-té » et tout le monde de reprendre : « la san-té », « la san-té » ! Une plus jeune vers les premiers rangs, a plus de chance, et peut poser sa question sur la culture. Hollande répond à toutes ces questions (sauf celle sur nos amies les bêtes, donc…), mais évidemment par des phrases très courtes qui laissent tout le monde sur sa faim…
Hollande ne sera pas victime d’une « conduite de Grenoble » comme certains le souhaiteraient sans doute… Bravo pour être allé le voir en chair et en os !
Au fait, Sarkozy ne lui a pas « coupé l’herbe sous le pied » avec son annonce précipitée sur l’Afgahnistan puisqu’il a annoncé le retrait des troupes françaises « fin 2013 » alors que pour F.H., il l’a redit clairement jeudi sur une seule chaîne de télé (!), c’est pour « fin 2012 », ce qui n’est pas la même chose : dans le premier cas, le candidat putatif entend montrer qu’il sera encore aux commandes l’année prochaine, sa Madame Soleil perso doit être un peu fatiguée !
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oui, en effet, D.H. il est juste de rectifier.
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Lire évidemment : Afghanistan (mon clavier a sauté sur une mine de crayon).
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question d’un étranger à la France et donc à Grenoble, mais outre Malraux, celle-ci ne fut-elle pas aussi et d’abord la Ville de Mendès ?
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@JEA: je n’ai pas voulu dire que Grenoble était la ville de Malraux, mais que les maisons de la culture avaient été une idée de Malraux (même si pas seulement de lui) et que la maison de la culture de Grenoble avait été une des premières, inaugurée par Malraux. Grenoble est la ville de Mendes-France, en effet, parce qu’il y a été élu député et qu’il y a habité de longues années (mais il n’y était pas né). « Definitely », si Grenoble doit être la ville de quelqu’un…. c’est bien sûr de Stendhal!
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@ Alain L
pitié, je n’étais le juge d’aucun procès d’intention mais même un stranger in the night comme moi, place un lien entre les MC et Malraux (ou avec son « Entre ici, Jean Moulin… »)
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Grenoble la ville de Stendhal après l’avoir ignoré si longtemps. Outre le petit Musée dans la maison du grand-père Gagnon, y a-t-il seulement une rue Stendhal à Grenoble? Mais oui, mais oui, une rue Beyle Stendha!
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et un lycée Stendhal (correspondant d’ailleurs à l’école qu’il fréquenta), et une université Stendhal (qui bien sûr n’existait pas…), quant au musée; c’est vrai… il est en réfection depuis bien longtemps, mais l’appartement Gagnon, dit-on, ouvrira bientôt ses portes!
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