« Une séparation », film iranien d’Asghar Farhadi, avec Leila Hatami, Sarina Farhadi, Sareh Bayat, Peyman Moadi, Shahab Hosseini (Ours d’Or du festival de Berlin), est un film qui tourne autour de la notion (ambiguë) de vérité, ses jeux, son escamotage, son insaisissabilité. La vérité toute plate, transparente, la vérité des faits, comme on dit, relève d’une simplification fautive, qui ne convainc que ceux ou celles qui ont intérêt à y croire. Si vérité il y a, elle se dégage par des procédures plus subtiles que le constat d’un réel qu’on croit être là, mais qui s’efface. D’ailleurs, les meilleurs indices s’effacent. Avec le temps, on n’est plus très sûr de ce qu’ils voulaient dire. Ce n’est pourtant pas dire qu’il n’y a pas de vérité car à la fin, l’aide-soignante a bel et bien perdu son bébé et que si cela s’est produit c’est bien à la suite de quelque chose. Mais de quoi ? Là, les avis peuvent diverger. Premier temps : le jeune bourgeois de Téhéran, qui a son vieux père à faire garder (Alzheimer), a bien poussé dans un geste d’énervement la jeune femme dans l’escalier après qu’elle ait laissé le vieil homme ligoté à son lit pendant qu’elle était sortie. Mais savait-il qu’elle était enceinte ? Ici, les avis divergent. Sa femme (ou plutôt sa future ex-) et la prof de sa fille en avaient discuté. Mais était-ce devant lui ? si c’était en sa présence, avait-il fait attention à ce qui se disait ? Doit-on toujours être attentif à ce qui se dit autour de nous ? Il savait qu’elle avait demandé le numéro de téléphone d’un gynécologue. Donc il avait aussi entendu le reste de la conversation, non ? Et puis, quand bien même le savait-il, était-ce son geste, le responsable de la fausse couche ? Les jeux de la vérité et des faux semblants sont d’autant plus visibles, révélés, qu’ils se produisent en présence des enfants, qui n’ont pas encore succombé à cette manie et ne voient pas toutes les raisons de ces travestissements. La fille de 11 ans joue ici un rôle de révélateur. Mais les jeux en question ne tolèrent pas longtemps la présence d’un partenaire impartial, sorte de référent, de page blanche où la vérité peut s’écrire, donnant aux protagonistes, enfin, un semblant de répit, et c’est même ceux ou celles qui croient pouvoir endosser ce rôle qui sont les plus durement touchés, renvoyés à leur solitude. La vérité est un tourniquet qui distribue les rôles. Tel qui y entre innocent en ressort coupable et tel qui y pénètre coupable a des chances de voir réduire sa peine. Mais comme dans beaucoup de jeux, elle a sa stratégie fatidique, son arme de destruction massive, sa bombe. D’autant plus que nous sommes en Iran, dans une société où les gens du peuple sont censés s’identifier à des valeurs religieuses fortes. Mais n’y a-t-il pas danger à utiliser une telle arme ? ne se révèle-t-elle pas à double tranchant ? Ne peut-elle revenir en boomerang en pleine gueule de celui qui la lance ? Le témoin innocent qui ne supporte pas d’être convoqué au spectacle de « l’épreuve » ne va-t-il pas modifier ses préférences ?
Evidemment rien à voir avec des faits actuels ou supposés qui auraient entraîné la déchéance a priori d’un notable international. Là sans doute, les faits sont avérés. Les traces d’ADN sur le col blanc de la dame ne sauraient mentir.
Dans le flot des critiques concernant ce film, l’originalité de votre avis ressort, en partant de la notion de vérité . De même que l’actualité DSK, qui a tendance à s’effacer après avoir tout emporté , pouvait être évoquée
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J’ai beaucoup aimé ton texte, Alain. J’ai quant à moi l’impression que tout commentaire passe à côté de ce film, qui avec une finesse toute orientale parle aussi, me semble-t-il, de la légitimité, de l’avoir raison, de l’assurance qui mène à la séparation et du doute qui mène au déchirement. Et par dessus tout, le regard qu’échangent ces deux filles, dans la scène de l’épreuve, chacune témoin de l’autre reflet. Séparation, à travers des portes, des fenêtres et des miroirs, parce que chacun reste avec sa vérité, ou son doute.
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>bonjour Alain L.
La femme qui fait la fausse couche est enclenchée dans une spirale infernale avec ce mari colérique et violent.
L’autre femme veut casser les répétitions et que sa fille connaisse autre chose et donc migration.
Mais lui, m’émeut avec la belle relation qu’il a à son père, à l’accompagner dans sa fin de vie.
Je ne peux le conspuer.
J’ai trouvé ce film moderne et reflétant parfaitement bien l’incompréhension absolue masculin/féminin. Ce matin, ou hier soir, je pensais à nos enfants et me disaient que si nous déjà arrivons si peu à nous en sortir, eux, ils auront vraiment à inventer autre chose.
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L’expression inscrite sur la bouche du père est belle ; sans amertume ni aigreur mais avec une bonté qui apparaît, une douceur.
Eux, ils ne communiquent plus ; ils ne se touchent plus ; ils ne s’aiment plus.
Elle, elle attend qu’il lui dise reviens, il ne lui dira pas : un il n’a pas encore pigé pourquoi elle était partie alors qu’elle est son épouse, divorcer lui est impensable, il admettra de le faire pourtant de manière à continuer à camper sur ses derniers retranchements. Deux sa priorité immédiate est son père. La mort de son père le blackboulera totalement et il sera à son tour à son rôle de bouclier, de pater familias, sans arrières pour le protéger.
La mort d’un père change radicalement la vie de celui qui la subit. De ceux : enfants, compagne, épouse et lui il tient à vivre ce moment-là comme il l’entend.
Elle, elle va vers l’avenir, lui il règle son passé.
Ils sont buttés, l’un et l’autre et en butte à leurs limites.
Quoiqu’il en soit je l’aime bien, lui ; je crois parce qu’il est déterminé. Je le trouve stable.
Ce matin, juste avant le réveil, j’ai rêvé de chimpanzés, libres, dans leur biotope naturel.
Et j’ai pensé, qu’un jour, peut-être, connaîtrions-nous cette vie en cage au milieu de chimpanzés libres d’évoluer ; et que quand ils auraient un coup de blues, ou bien pour leurs enfants, ils iraient au zoo pour nous visiter, nous les humains. J’aimerai bien être habillée dans la cage, pas nue.
L’avant-dernière fois, je visite toujours le jardin botanique et le zoo, même seule, le mâle était loin et discret, il se reposait. La femelle faisait la sieste à côté du petit et gardait un œil vigilant sur lui ( jamais elle ne l’aurait laissé le ficeler, elle présente) et le petit, ben, il faisait le singe, dans toute sa splendeur, pour sa mère et pour nous les visiteurs qui fondions littéralement de tendresse pour lui sautant de branche en branche.
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