A cause de ses crises, de ses soubresauts et de la conviction qu’elle nous donne que le monde est fini, notre époque a ceci d’extraordinaire qu’elle tend à nous faire réviser nos dogmes et nos pensées profondes en très peu de temps. Si nous voulons être honnêtes avec nous-mêmes, nous sommes contraints d’admettre que de nombreux principes auxquels nous croyions dur comme fer se mettent parfois à vaciller. Notre esprit n’est plus tout à fait le même. Même notre notion de rationalité est ébranlée.
Peut-être n’est-ce pas toujours à bon escient et sans doute devons-nous y regarder à deux fois avant d’accepter ce qui s’avérera aussi un jour comme de nouveaux dogmes. Peut-être notre époque, plutôt que nous faire réviser nos pensées, ne fait qu’ébranler sérieusement notre esprit critique.
Quand un mathématicien (Cédric Villani) dialogue avec un chaman (Davi Kopenawa), nous sommes surpris. Jamais auparavant nous n’aurions cru cela possible. Mais qu’ont-ils à se dire ? Il faut sans doute pour le concevoir se départir de toute vision positiviste des mathématiques. Les vieux mathématiciens (ceux des siècles antérieurs) reprenaient à la lettre le dicton de Galilée selon lequel la nature est écrite dans le langage des mathématiques. Ce qui se traduit par une extériorité totale entre le monde et sa représentation. Les mathématiques étaient alors vues comme outil, un peu d’ailleurs comme le langage lui-même, qui, pendant longtemps, a été vu comme simple outil. Mais un bien mauvais outil pour reprendre les mots que le philosophe Paul Henry employait il y a une cinquantaine d’années… L’approfondissement théorique, les découvertes successives des grands logiciens (Gödel, Girard) et des grands algébristes (Cantor, Zermelo, Eilenberg, Mac Lane et surtout Grothendieck et aujourd’hui Alain Connes) nous ont donné une toute autre vision. Le monde des mathématiques existe en lui-même, le travail du chercheur consiste à en dévoiler les beautés, les symétries et à faire naître des relations entre objets là où nous ne pouvions pas imaginer qu’il y en eût (géométrie et théorie des nombres seraient tout un par exemple). Les structures topologiques se retrouvent à une autre échelle que celle pour laquelle elles étaient conçues initialement, sous la dénomination de topos, notionqui sert alors à unifier un champ de connaissances.


Les objets mathématiques sont-ils de simples écritures comme le prétendaient les nominalistes ? N’ont-ils d’efficace qu’au sein d’un langage symbolique relativement élémentaire ? Illusions de la syntaxe… qui nous firent croire souvent que tout était là, dans l’agencement des symboles. Alors que déjà Jakobson, étudiant un texte d’Einstein, nous avait mis en garde : il y a une pensée non verbale qui fonctionne à base d’images et de fulgurances. Et c’est elle, semble-t-il, qui anime les grands mathématiciens .
Je pensais à cela, donc, lorsque je lisais ce dialogue paru dans un livre sur les Yanomami, peuple menacé de disparition dans la forêt amazonienne. Ce livre, Yanomami, l’esprit de la forêt est écrit par les anthropologues Bruce Albert et Davi Kopenawa, ce dernier étant une sorte particulière « d’anthropologue » puisqu’il est lui-même un chaman yanomami, et il est préfacé par le philosophe Emanuele Coccia. La préface situe ce travail dans le champ des recherche actuelles. Ces auteurs ont déjà publié un livre, paru en 2010 dans la collection « Terre humaine », La Chute du ciel. Paroles d’un chaman yanomami qui, dès sa parution est apparu à beaucoup comme un grand texte comparable à Tristes tropiques. C’était, écrit Coccia, « la première fois qu’un anthropologue tentait de prendre en compte dans le geste même de la prise de parole ainsi que dans la forme de cette parole la volonté de faire parler à la première personne la culture étudiée ».
On a depuis quelques temps – et c’est heureux – abandonné l’idée que l’anthropologie et l’ethnologie devaient être un discours de Blancs, tenu depuis la position des colonisateurs ou de leurs descendants, tentant de décrire avec des concepts plus ou moins appropriés quelque chose (des faits dits « culturels ») que, fondamentalement, on ne comprend pas, ou plus précisément que l’on n’est pas destiné à comprendre. Les mondes humains – ça, Lévi-Strauss l’avait bien dit, dès son magnifique essai sur « Race et culture » – sont tous différents et doivent ces différences à des choix aléatoires qui ont été commis lors de la « fabrication » d’une culture. Il n’y a jamais de choix de valeur intrinsèquement supérieur à d’autres. L’espèce humaine est ainsi : elle expérimente tout le temps, et si nous étions des « gens raisonnables », au lieu de pourchasser les cultures différentes des nôtres, nous entrerions en dialogue avec elles car elles ont peut-être déjà trouvé des solutions aux problèmes qui nous accablent. C’est la voie que suit l’anthropologie moderne. Albert et Kopenawa, par exemple, font germer un tel dialogue sans qu’aucun des deux ne s’érige comme dominant. L’anthropologie va même plus loin, elle est vouée à se transformer en écologie dans la mesure où l’on est prêt aujourd’hui à admettre que les sociétés animales elles aussi ont une « culture » (je sais qu’ailleurs Coccia va même jusqu’aux plantes…). L’animalité n’est plus à renvoyer du côté de « la nature », ni même la forêt, au sens où l’entendent les Yanomami. On se prend à penser que les animaux ont leur langage (et peut-être les plantes aussi) et que le seul tort que nous avons eu, et qui nous a fait si longtemps les rejeter dans le brouillard de la « non – culture », est que nous ne savons pas les comprendre. Coccia écrit ceci, qui nous fera réfléchir : « si les religions adoptées par l’Occident ont préféré se concentrer sur l’histoire d’une division nette et absolue avec le monde animal, si elles ont fait de l’humain une espèce supérieure face à toutes les autres, c’est pour pallier la tragédie de l’incommunicabilité avec elles ».
Les peuples des forêts ont développé depuis longtemps une pensée qui, pour être « mythologique », n’en a pas moins la capacité d’appréhender le sol, la terre et la vie des espèces en continuité avec la vie humaine, ce que jamais n’a réussi à faire notre pensée post-galiléenne, c’est la raison pour laquelle nous les scrutons d’un regard avide, mais cela ne signifie pas que leur culture ou leur pensée soit « supérieure » à la nôtre, il faut sans doute simplement cesser de vouloir à tout prix hiérarchiser les modes de penser. Coccia lui-même le signale en dénonçant une tendance actuelle au retournement naïf qui consisterait à faire de sociétés autres (animales ou humaines) « des modèles de sainteté morale appelés à résoudre les problèmes d’une forme historiquement et géographiquement limitée de la culture de l’espèce humaine ». On se trompe en effet si l’on croit que les animaux, par exemple, ont une sorte de « supériorité morale ». « La vie sous toutes ses formes est ambiguë et continuera de l’être ». Le but est de « connaître le monde, interroger les autres espèces, chercher la meilleure alliance avec elles ».
Se pose alors immédiatement la question de la rationalité. Evoquer les « esprits de la forêt », ces xapiri pä, êtres-images qui hantent la forêt et avec lesquels seuls les chamans peuvent entrer en contact, défenseurs de la forêt, grands connaisseurs en écologie avant même que les Blancs n’inventent cette science, ne fait pas très « rationnel ». Imaginer qu’au cours de transes (causées le plus souvent par des produits parfois très toxiques (nous inhalons la poudre yakoana a)) le chaman puisse entrer en communication avec des esprits bel et bien « réels » éveille notre scepticisme. Il ne fait pas de doute que si nous rencontrions près de nous, au sein de notre culture, des personnes prétendant avoir ce pouvoir, nous hausserions les épaules. Les faits culturels ne sont pas exportables, si les états de conscience modifiés existent bien puisqu’ils ont été observés et étudiés par des chercheurs en neurologie, il n’est pas en général établi qu’ils soient le siège de contacts avec des entités invisibles mais présentes parmi nous. D’autres cultures le croient, le pensent, et en font le soubassement de leur conception du monde, nous devons le prendre en compte. Ils élaborent ainsi des schémas, des modèles auxquels ils donnent une interprétation naïve, mais n’est-ce pas de la même façon que nous autres, Blancs qui avons pris l’habitude de lire Platon et Aristote, et qui nous adonnons parfois aux mathématiques, élaborons des structures, des schémas auxquels nous donnons une interprétation que nous jugeons peut-être moins « naïve » (cela sans doute avec l’arrogance qui sied à ceux qui croient avoir conquis le monde), mais qui n’en est pas moins arbitraire, limitée par nos structures mentales. C’est le sens de la discussion entre Cédric Villani, Michel Cassé (astrophysicien), Bruce Albert et Davi Kopenawa. « L’univers reste incompréhensible à tout jamais, dit Cédric Villani, alors le mathématicien le lit avec le prisme mathématique, s’en construit une représentation, inscrit le monde dans la mathématique et la mathématique dans le monde. Mais pour raconter ce monde aux autres, il faut bien en tirer des histoires ». Le chaman yanomami n’aurait pas d’autre fonction, ayant le pouvoir d’appréhender des images très abstraites auxquelles il doit donner sens pour les autres. C’est la thèse implicite défendue par l’ouvrage. Selon elle, il y aurait donc plusieurs rationalités, la nôtre connaitrait son sommet dans les mathématiques alors que celle des yanomami ou d’autres peuples amazoniens (mais aussi d’autres endroits du monde) aurait son apogée dans le dialogue avec les esprits. C’est ce qui, évidemment, ouvre à discussion.
Nous savons bien qu’il est difficile de définir la raison dans son essence. Nous sommes bien sûr tentés de dire que, pour nous, occidentaux, c’est le legs d’Aristote : des règles de raisonnement (dont le syllogisme), qui sont en toute circonstance utilisables de manière imparable, ce qui explique en grande partie le succès de la science occidentale. Des formes de logique différentes ont existé dans le monde, on peut penser notamment à Nâgârjuna et à son tétralemme, et on n’a pas fini d’explorer des logiques pas aussi simples au premier abord que la logique classique, et qui sont adaptables à divers types de situations (logique de l’échange économique par exemple exprimable en termes de logique « linéaire »). Ce qui demeure c’est l’interrogation constante sur la manière dont nous allons enchaîner nos idées ou nos actions (dans le dernier exemple, c’est d’actions qu’il s’agit) ou même nos idées avec nos actions. A quoi s’ajoute la manière dont nous allons exprimer dans un langage les visions que nous avons d’un monde mathématique : les premiers travaux de logique moderne, ceux de Frege puis ceux de Russell n’avaient pas d’autre fonction qu’enfin donner un langage précis pour l’exploration des propriétés des objets mathématiques, le tort de la logique a été ensuite de considérer que le travail s’arrêtait là, qu’on avait enfin donné une forme syntaxique à ces objets et que cette forme ne bougerait plus jamais. Erreur… Les fameux théorèmes de Gödel et de Turing montrèrent que le travail ne s’arrêtait pas là, qu’on pouvait toujours continuer à explorer le monde mathématique, que le langage qu’on avait cru fabriquer pour lui ne serait jamais « complet » (au sens où il contiendrait toutes les vérités de ce monde). Alors, faut-il admettre que les objets mathématiques sont ces structures mystérieuses qui surgissent dans nos têtes comme les visions d’un chaman ?
Or, « comparaison n’est pas raison », et le raisonnement analogique a ses failles, l’analogie est la mise en rapport de deux mondes ou de deux entités à partir d’un noyau de ressemblance, ici, dans le cas du mathématicien et du chaman, le côté mystérieux, l’inaccessibilité apparente des objets ou des structures qui sont appréhendés mentalement, objets mathématiques chez l’un et « images-êtres » chez l’autre. Mais l’analogie n’est pas superposition, n’autorise jamais à mettre un signe « égal ». On n’a jamais dit par exemple que l’absorption de drogues puissantes augmentait les pouvoirs du mathématicien… ce serait plutôt le contraire ! Visualiser les objets mathématiques est réservé en effet à une petite minorité de gens (des « êtres d’exception »… comme les chamans (!) dit Bruce Albert), mais la manière d’atteindre cette faculté doit plus au travail qu’au « don » extérieur (et si je souffre de ne pas avoir été capable d’atteindre un haut niveau en mathématique, je ne peux m’en prendre qu’à moi-même et pas à quelque « don » ou à quelque drogue qui m’aurait manqué !). Voilà où pêche le discours sympathique des Villani, Cassé et consorts…

Josane et Aldeni. Territoire indigène yanomami, État d’Amazonas, Brésil, 2014., 2021 (Sebastiao Salgado)
Gelatin silver print on baryta paper.
La pensée rationaliste, dont Pascal Engel est un défenseur acharné et respectable, plaide pour une vérité unique et refuse le « pragmatisme » qui a pourtant inspiré nombre de philosophes importants du XXème siècle ou de maintenant, de Nietszche à Foucault et de Dewey à Brandom. Il semble que si nous regardons avec effort de lucidité les phénomènes qui tombent sous l’éclairage de l’anthropologie moderne, le pragmatisme serait gagnant : il sauterait aux yeux qu’il existe une grande diversité de systèmes de pensée la plupart n’étant pas régis par l’idée de vérité, et que nous ne saurions hiérarchiser ces systèmes mais seulement reconnaître en chacun d’eux ce qu’il a de bon et d’utile pour la société qui le développe. Avouons que le dilemme est entier : ou bien admettre qu’il existe une vérité une et une manière de l’atteindre basée sur une raison universelle, mais alors donner peu de poids aux cultures qui ne partagent pas cette option ou bien au contraire renoncer à cette unicité et à l’universalité de la raison pour donner plein rayonnement à d’autres systèmes de pensée qui ont indéniablement leurs mérites. Mais on peut voir les choses d’une manière qui transcende ce dilemme. Dans son salutaire Manuel rationaliste de survie, Pascal Engel répond à un interlocuteur fictif défenseur du relativisme : « jamais les rationalistes n’ont nié que le fonctionnement de la raison diffère d’un pays ou d’une culture à une autre […] Je ne nie pas que celui qui dit avoir été ensorcelé ne pense pas tout à fait comme nous. Mais peut-on dire qu’on n’a pas affaire à la même raison ? Les calculs astronomiques des mayas n’étaient pas les mêmes que les nôtres. Mais s’ils étaient corrects, ils devaient parvenir aux mêmes résultats que nous ». Autrement dit, nous sommes dans la situation à laquelle nous avons aussi à faire face concernant lle langage. Chomsky (qui tend à disparaître de l’actualité à cause du grand âge) y avait appliqué cette idée : une matrice essentielle (appelée Grammaire Universelle, GU) commune à toutes les langues, avec de multiples ajustements possibles grâce à des paramètres.
La méthode « anthropologique » n’est donc pas nécessairement liée au relativisme, elle n’est pas l’acceptation du n’importe quoi proféré par quelques gourous se faisant passer pour des mages, c’est juste la reconnaissance de constances dans l’esprit humain, avec des variations qui sont autant de récits possibles, mais que notre « raison » peut parvenir à décoder, pour peu que nous y mettions le temps et que nous sachions dialoguer.
Voici une réflexion qui m’intéresse beaucoup merci. Deux remarques ci après.
Dans le cas des mathématiques il ne faut pas négliger le moteur des maths une sorte de jouissance intellectuelle esthétique et ludique et le goût des défis – je pense que plus que toute autre raison externe sur la place des maths c’est leur raison d’être pour le mathématicien.
Pour ce qui est de l utilité des drogues voevodsky parlait de son alcoolisme conséquent et des visions que ça lui apportait. Il me semble que dans les années soixante dix un grand mathématicien topologie médaillé fields était connu pour son amour du rock psychédélique (il a même fait une pochette d’album) et des substances qui vont avec. Je ne vais pas donner son nom car je n’en suis pas sûr. Peut être est ce milieu social l’université qui faut qu’ils n’abusent pas de substances illicites.
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Salut Christian!
Le point n’est pas tant que les mathématiciens consomment ou ne consomment pas de la drogue dans leur vie privée, il est que, contrairement aux chamans, la prise de drogue n’est pas un prérequis pour accéder aux entités que les mathématiciens appréhendent! comme c’est le cas, semble-t-il, des chamans… Evidemment, des mathématiciens et des logiciens peuvent se livrer à toutes sortes « d’excès » en marge de leur travail scientifique. Peut-être pourra-t-on trouver certains qui diront que ça les aide, mais ce n’est pas courant et en tout cas ce sera juste un adjuvant. Maintenant qu’en est-il du comportement desdits mathématiciens dans leur vie courante? Bien sûr on ne saurait dire que c’est un comportement « rationnel », il ne l’est pas plus que celui de tout un chacun. Qui peut assurer qu’il a un comportement rationnel en chaque moment de sa vie? personne bien sûr… comment déterminer la rationalité au moment présent dans une activité quotidienne? mais une chose est sûre, quand ils font des mathématiques, même si leurs motivations peuvent être de différentes sortes, esthétiques, affectives, jouissives ou autre, il y a forcément un moment où leur activité est purement rationnelle.
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Merci pour cet article très intéressant. Je trouve que le débat sur la rationalité est mal posée dans ce cercle de penseurs.
Déjà, qualifier les mathématiques de science de Blancs est raciste à mes yeux : tous les Blancs n’y sont pas doués, loin de là, et plein de non-Blancs font d’excellents scientifiques et ils ne trahissent pas pour autant leur culture. Je ne sais même pas si cela a du sens historiquement, nous n’avons pas le monopole de la science, c’est-à-dire d’une connaissance raisonnée (description factuelle du monde, inférence et déduction, abstraction de modèles), même si nous l’avons rendue toujours plus rigoureuse et précise. Chomsky avait dénoncé en son temps le racisme inconscient de ce type de discours.
Les deux interlocuteurs disent une vérité, le chaman et le mathématicien, mais ce n’est pas la même vérité. Il serait plus intéressant de voir un chaman parler à un autre religieux. Déjà, cela permettrait de ne pas dire que l’Occident ignore ou méconnait le monde animal ou végétal. Lieu commun de notre époque dont la fausseté criante laisse sans voix. Ce n’est pas le cas du christianisme, encore moins du paganisme qui le précède. Peut-être que les Français sont coupés de la nature (et encore, lisons la richesse des descriptions du monde rural dans les romans du XIXe siècle), mais leurs voisins, l’Allemagne ou l’Angleterre, ont un rapport très étroit voire fusionnel avec la nature. L’Occident (ou les Blancs) est ici comme toujours une catégorie fourre-tout et en grande partie imaginaire.
Pour revenir à la vérité du chaman, les religions (ou spiritualités comme on dit aujourd’hui pour sembler plus élevé) formulent des réalités morales, des vérités humaines, qui ne sont pas celles des mathématiques, mais tout aussi vraies. Elles nous parlent non de la matière ou de la structure du monde, mais de nos manières d’agir, des règles de l’action et de notre responsabilité envers les autres, nous-mêmes, notre environnement, vivant et non vivant. Elles nous parlent aussi de la souffrance propre à l’existence et du sens qui s’y révèle. Leur expression est symbolique et non logique, ce qui ne remet pas en question la pertinence de la logique. Le mythe ne contredit pas le théorème. Ce n’est pas le même champ de savoir et d’expérience.
Je vois dans tous ces débats une grande ignorance de l’irrationalité. `À force d’avoir banni et diabolisé notre héritage religieux, nous sommes devenus analphabètes en la matière et abordons ces sujets avec une naïveté confondante.
Quant au relativisme, il ne tient pas parce que nous sommes incapables de penser que tout se vaut et surtout d’agir comme si tout se valait. Ou le mariage forcé de fillettes ne comporte-t-il aucune violence ? Ce n’est que la valeur d’une autre culture aussi respectable que nos droits des enfants ?
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Il n’est pas vraiment dit ici que les mathématiques sont considérées comme une « science de Blancs », tout le monde sait que les mathématiques sont pratiquées dans beaucoup de civilisations différentes, des Mayas aux Egyptiens, des Chinois aux Indiens, et ce livre rend plutôt hommage aux mathématiques, via la présence de Cédric Villani. La thèse proposée n’est pas inintéressante, c’est celle selon laquelle certaines activités pratiquées par des peuples isolés s’apparentent aux mathématiques. Ce que je critique c’est simplement le fait de passer d’une comparaison peut-être légitime à l’affirmation d’un signe « égal », ainsi que l’idée sous-jacente qu’il y aurait « donc » plusieurs rationalités selon les peuples, ce que je ne crois pas.
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Oui oui, je suis d’accord avec vous ! Je critiquais les dérives de ce type d’approche, qui sont très courantes, mais j’ai compris que votre pensée était plus nuancée.
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