Chronique d’été – I : retour à Avignon

Les chaises, personnages principaux de La Cerisaie de Tiago Rodrigues @Christophe Reynaud de Lage

Retour à Avignon. J’ai passé des heures (un jour au téléphone de 9h du matin à 15h sans discontinuer) pour décrocher deux places pour « La Cerisaie » dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes, avec Isabelle Huppert. Curieux spectacle, Tchekhov façon « opéra-rock »… il y a de quoi être surpris. Tchekhov est un maître du théâtre de dialogue rapproché, intimiste, où les personnages confient leur mélancolie. Mais ici, sur un immense plateau où les comédiens gueulent à la cantonade leur désarroi ou leurs souvenirs d’enfance, cela devient difficile. Alors, on ferme les yeux et on se dit que, de toutes façons, ce n’est pas du Tchekhov, il n’y a qu’à écouter la pièce sans penser qu’il pourrait s’agir d’un Tchekhov. Le retour de Lioubov Andreevna jouée par Huppert est plutôt drôle : l’orchestre rock l’accueille et chante ses louanges. Tout va bien. Puis, il faut bien que, quand même, les personnages s’expriment et alors cela prend une tournure déclamatoire et monotone. On a beau déplacer les lourds lustres montés sur des rails, ou bien mouvoir les chaises, en faire des tas, ou des rangées, on a beau clamer que ces chaises sont le symbole-même de l’ancien monde (vous vous rendez-compte : elles sont les anciennes chaises de la cour d’honneur!), on s’ennuie, et on s’ennuie encore plus aux longs, très longs, intermèdes musicaux qui sont sans motif et sans contenu. Comme le disait un critique du « Masque et la Plume », « madame Huppert sautille »… et oui,son petit filet de voix a du mal à dominer les guitares électriques et la batterie, ou la voix rauque de la chanteuse. Alors… elle sautille. Bien sûr, ce spectacle a un contenu. Ce n’est pas un hasard si de nombreux comédiens, dont celui qui interprète le riche marchand Lopakhine, mais aussi frère et filles de Lioubov sont originaires d’Afrique. Le marchand va finir par racheter le domaine : c’est une vengeance sociale, lui, le descendant d’esclaves (il y a ici collusion intéressante entre les esclaves noirs d’Afrique et les anciens serfs de Russie) dont les ancêtres ont ruiné leur santé sur les terres de la famille de Lioubov, rachète le domaine, et fait d’elle à son tour une dominée, qui n’a plus qu’à repartir vers là d’où elle vient. La cerisaie, avec ses arbres centenaires, va disparaître : on va, à la place, construire des datchas de vacances qui rapporteront beaucoup plus, et surtout, les anciens maîtres vont devoir travailler. Le nouveau monde, c’est cela, aussi : la transformation de la nature, la domination par l’argent et la marchandisation de l’espace. L’attachement au passé devient preuve de sentimentalisme. Huppert / Lioubov est tournée en ridicule, c’est à peine si on l’entend. Ce n’est pas un avenir radieux qui se dessine contrairement à ce que suggère le programme. Nous sommes d’accord avec le constat, mais pourquoi cette lourdeur de ton, cette emphase, cette impression que l’on nous assène un catéchisme ? Quand l’orchestre est parti, on souffle enfin… c’est le quatrième acte. La déchirante séparation de ceux qui pourtant se sont aimés autrefois… On en viendrait presque à être ému, mais c’est trop tard.

Ancien monde / nouveau monde, ce serait un euphémisme de dire que cette édition du Festival tourne autour de cela. Mademoiselle Julie, sublimement interprétée par Sarah Biasini, Deborah Grall et Yannis Baraban dans le cadre du Festival Off, traite un thème semblable à celui de la Cerisaie, sous les auspices du rapport entre maîtres et domestiques. Mais dans cette comparaison, le pauvre Tchekhov part avec le gros désavantage par rapport à Strindberg d’avoir été si mal servi, alors que le texte de l’auteur suédois est scrupuleusement respecté et que l’ambiance de la Suède de l’époque est présente, émouvante, noire comme un film de Dreyer, et que le personnage central est joué avec une maestria ébouriffante par Sarah Biasini.

La Mégère apprivoisée de Shakespeare au Théâtre du Chêne noir, avec Delphine Depardieu, est aussi dans cette approche. Mais là, c’est un paradoxe, car cette pièce shakespearienne est une monstruosité misogyne, alors la metteuse en scène décide d’en tirer partie en exagérant jusqu’à la nausée les traits affreusement anti-femmes, faisant du « héros » Petruchio ce qu’on appellerait aujourd’hui le type même du pervers narcissique. Cela passe d’autant mieux que le choix de la réalisatrice, Frédérique Lazarini, est de situer le cadre de la représentation dans l’Italie des années cinquante (cinéma réaliste, vespa et mobylettes) époque propice aux machos s’il en est… Le discours final, de la mégère « repentie », fait hurler de rire dans le public, mais c’est un rire jaune, l’ambiguïté est là… allons-nous en rester là ? Pour s’en sortir, la réalisatrice a choisi de compléter la pièce par un court (trop court) texte par lequel elle tente de rétablir l’équilibre, faisant appel aux mannes improbables d’une sœur de Shakespeare qui aurait écrit sans doute autrement cette comédie, et elle ajoute un extrait de Une chambre à soi de Virginia Woolf. Mais il était évident que les plus jeunes spectateurs et spectatrices qui avaient assisté à cela sortaient un peu tourneboulés… Est-ce bien ça que voulait dire Shakespeare ? Etait-il bête à ce point ? Avait-il vraiment une sœur ? Une dame racontait à ses enfants que, dans d’autres pièces, ses comédies féériques, il s’était montré sous un tout autre jour. Alors, question de fond : y a-t-il plusieurs Shakespeare ?

Y a-t-il aussi une opposition entre ancien et nouveau monde à l’intérieur du théâtre lorsqu’on évoque le travail d’Antoine Vitez ? Les temps étant ce qu’ils sont, on pourrait s’y attendre, or cela est loin de ce qu’expriment les jeunes apprentis comédiens (de l’École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre de Lyon et de l’École régionale des acteurs de Cannes et Marseille) qui jouent et mettent en scène « De toutes façons, j’ai très peu de souvenirs » d’après des textes que l’on a demandés aux anciens élèves de Vitez. Voici de jeunes comédiens et comédiennes qui disent avec passion leur amour du théâtre, et tout ce qu’ils ont tiré de l’enseignement du grand maître, lorsque celui-ci n’imposait pas de loi sévère, ne demandait pas aux élèves de se torturer pour accoucher de ce qu’ils avaient en eux, mais au contraire leur disait de vivre et de prendre plaisir à se trouver sur scène, qu’il leur donnait des conseils (parfois facétieux) pour évacuer le trac, qu’il ne leur demandait pas d’être d’abord valets ou soubrettes avant d’accéder aux rôles les plus grands – comme si le théâtre était une ascension sociale – mais leur disait de s’attaquer immédiatement aux grands rôles. A la fin, l’un des jeunes comédiens s’empare d’une lettre de Vitez où il se confesse : il n’a pas été un bon acteur à ses débuts car il croyait vraiment au besoin de souffrir pour être bon comédien, et ce n’est que plus tard qu’il a découvert que la réussite du jeu était une grâce, qui venait à celui ou celle qui le portait de façon naturelle, sans avoir à tout prix voulu l’attraper. Belle leçon, beaux et belles jeunes comédiens et comédiennes (de plus souvent excellents musiciens et chanteurs) qui nous font aimer mille fois plus le théâtre que certaines gesticulations et clameurs d’artistes plus âgés…

DE TOUTE FACON J AI TRES PEU DE SOUVENIRS Texte et mise en scene Eric Louis, Lumiere Nanouk Marty, Alice Nedelec, Jasmine Tison Son Pierre Etienne Guillem Costumes Noe Quilichini Travail vocal Jeanne Sarah Deledicq Assistanat a la mise en scene Clementine Vignais, Avec Eleonore Alpi, Ligia Aranda Martinez, Maxime Christian, Ioachim Dabija, Adrien Francon, Melina Fromont, Katell Jan, Heidi Johansson, Benoit Moreira Da Silva, Leonce Pruvost, Lola Roy, Quentin Wasner-Launois.
Erik Truffaz et Sandrine Bonnaire dans la cours du Musée Calvet, 18 juillet à 20h

Autre exemple de ce que sont une voix, une posture, une présence en scène : Sandrine Bonnaire était invitée de France Culture pour dire des extraits des carnets de Goliarda Sapienza, la célèbre auteure de l’Art de la joie, et elle était accompagnée par le génial trompettiste Erik Truffaz, avec qui aujourd’hui elle fait sa vie. Très beau texte, très belle diction, les mots de Goliarda sont consacrés à la vie des femmes dans cette Italie de l’après-guerre, dans la Sicile pauvre, à une époque où elle crut elle aussi au communisme, croyance qui fut déchue après un long voyage par le train au travers de la Russie et jusqu’à la Chine de Mao. Mots d’émotion et en même temps d’analyse sociale et historique… quand la raison et le cœur font route ensemble.

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13 commentaires pour Chronique d’été – I : retour à Avignon

  1. Debra dit :

    Je ne vais pas parler d’Avignon. Cela fait quelques années que je ne fréquente plus Avignon, après y être allée en long et en large pendant plus d’une décennie, et après avoir vu des spectacles de Peter Brook, d’Ariane Mnouchkine à la carrière, dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes.
    Il y a trois ou quatre ans où j’ai tiré un trait sur Avignon, fatiguée par ce que je percevais comme une ligne idéologique uniforme et uniformisante, assez virulente, mais qui par sa virulence, gâte la possibilité de faire de la fiction. La fiction est fragile : elle a besoin d’un espace de JEU. Le théâtre a besoin de la possibilité d’accéder au jeu, et je ne vois pas d’indication en ce moment que la société française dispose de cette capacité d’accéder au jeu. Quand un rouleau compresseur idéologique nous écrase, la GRACE du jeu s’en va. C’est le prix à payer pour… la révolution. Dit autrement, on peut avancer que quand le spectacle est partout, quand la politique est un spectacle, quand les gens se filment sur leurs engins et envoient leurs films partout dans le monde, les limites structurantes qui permettent d’encadrer… le théâtre foutent le camp. Et puis, j’ai eu l’occasion de voir des spectacles où il était question (idéologique) de détruire le théâtre lui-même en tant que cadre, illusion.. poétique ? Basta.
    A quoi bon ? L’année où nous avons assisté à une pièce de Tchekov mise en scène de manière très prometteuse, mais où la compagnie a laissé choir l’illusion théâtrale en cours de route pour déballer sur scène la vie intime des acteurs était la fin pour moi. Maintenant je n’ai plus l’énergie pour compulser le catalogue pour essayer de trier minutieusement ce qui POURRAIT nous plaire. Le « jeu » n’en vaut pas la chandelle.
    Pour la manière très conventionnelle dont vous avez traité la crise… non pas sanitaire, mais politique qui nous secoue, qui est en préparation depuis de longues années maintenant, j’ai envie de dire ceci :
    Il y a treize ans, devant l’enclos des fauves au zoo de Washington D.C. j’ai vu le panneau suivant : « Vous pensez peut-être que nos animaux sont malheureux dans cet enclos (vaste enclos, en passant), mais demandez-vous bien ce que vous préféreriez, être ici dans cet enclos où vous avez de la nourriture à volonté, de l’eau, un vétérinaire si vous tombez malade, et une balle pour jouer si vous vous ennuyez, ou dans la nature, où vous ne savez pas d’où viendra votre prochain repas, ni s’il viendra, où il n’y a pas de vétérinaire, et si vous tombez malade, vous pouvez même mourir ? »
    Je suis restée scotchée, et incrédule devant ce panneau. De retour en France, j’en ai parlé dans MA SPHERE SOCIALE, pour rencontrer de l’incompréhension en face.
    Vous savez… il est très facile d’approuver la conduite d’un gouvernement… quand on fait partie d’une élite.. apprivoisée ? par tant de « culture » d’une certaine sorte, dont les intérêts épousent en grande partie les intérêts de ce gouvernement, et qu’on a très peur… de mourir.
    Nous vivons des vies… très confortables dans l’ensemble, sur tous les plans, et depuis trop longtemps, probablement. Nous vivons des vies très confortables avec, en arrière plan dans les têtes, la culpabilité ? du coût de nos vies confortables ? L’idée que tout ce confort… ne peut pas durer ? L’idée que ce confort que NOUS avons eu, pour notre génération (très nombreuse) ne sera pas le confort de nos enfants, ni de nos petits enfants ?
    Il me semble que c’est bel et bien le cas, mais que nous ne voulons rien voir.
    La vaccination comme remède… monothéiste à notre.. mortalité ? notre déchéance, ne marchera pas. Le refus de voir à quel point le gouvernement transforme notre santé de personnes singulières en gestion de la santé publique des masses aura des conséquences néfastes, car nous ne serons pas plus protégés de mettre tous nos oeufs dans le même panier… de la foi dans la vaccination (des masses), qui n’a pas éradiqué la tuberculose, en passant. Négliger les traitements précoces de la maladie (faits par les médecins individuels, avec des patients individuels) pour prôner UNE solution… idéologique témoigne de la foi dans le.. Un…
    Comme vous devez le savoir, la grande raison pour le recul des maladies dans nos pays a été l’amélioration de nos conditions de vie. Ce n’est pas nécessaire d’être un prophète pour savoir que nos conditions de vie dans les années à venir vont régresser. Quelle que soit.. notre caste ?…(Nos conditions de vie sont déjà en train de régresser, pour ce qui concerne nos libertés.)
    Et puis, au moment de l’élection d’Emmanuel Macron, j’ai dit que le peuple français (sur fond d’une énorme abstention, déjà très problématique) n’avait pas élu un président, il avait choisi.. un roi. Pour être plus précis, il a élu… un messie : sortir du lot un homme n’ayant pas d’enfant, donc, PAS PERE, à moins de 40 ans, pas SENATUS, assez beau, affilié à aucun parti politique, et bien on peut voir.. Emmanuel (Dieu avec nous), tout comme on peut voir le dieu nouveau, Dionysos, par exemple…Ceci sur fond de l’effondrement d’une alternance politique viable, ce qui est le signe manifeste de l’effondrement des conditions nécessaires pour maintenir la structure de la république REPRESENTATIVE en France, mais pas que.
    Depuis son élection, Emmanuel Macron n’a pas hésité à chambouler la société française dans un sens qui rejoint (oui..) un certain chamboulement… évangélique du monde, jusque dans le fait d’appeler son parti politique : la république.. EN MARCHE (l’Evangile était déjà une affaire de marche).
    Il a fait cela, se sentant… FORT de l’ATTENTE du peuple français… d’un nouveau messie.
    C’est fou comme les vieux schémas se révèlent parfois les meilleurs pour comprendre l’actualité…

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  2. Debra dit :

    Et puis… pour « La Mégère Apprivoisée »… la pièce m’a longtemps laissé perplexe, mais maintenant que je suis une vieille femme avec beaucoup d’eau ayant coulé sous le pont, une femme qui a été beaucoup aimée, et aimé, je me suis dit que ce qui métamorphose cette femme, c’est la découverte de sa satisfaction… sexuelle par l’intermédiaire de cet homme qui la satisfait, en tant qu’homme. Elle découvre que si elle n’est que LE MEME que lui, les choses se passent mal entre eux. Et elle doit passer par une initiation pour le découvrir.
    A une époque où je ne vois pas beaucoup de satisfaction sexuelle autour de moi, où je vois beaucoup de consommation de chair fraîche et pas que, la satisfaction sexuelle reste une chose rare et fragile qui ne peut pas advenir dans toutes les circonstances. Je vais hasarder pour dire que malgré tout le tintouin autour de la sexualité, tout le « pousse à jouir », la satisfaction sexuelle, la satisfaction affective DANS le couple restent en grande souffrance dans notre société.
    Cette femme découvre que ses revendications viriles ? étaient un obstacle à une relation épanouie, vivante, satisfaisante avec son homme. Et cela la transforme. Et c’est tant mieux pour elle. Et pour lui, bien entendu.
    Après tout… que voudrait-on plus ? AVOIR RAISON SUR TOUT CE QUI BOUGE ou être satisfaite ? Des fois on ne peut pas avoir le beurre ET l’argent du beurre…Il y a tout un travail pour accepter certaines.. réalités ? vérités ? dans l’existence.

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  3. Frog dit :

    Moi j’aimais bien la partie de votre billet que vous avez supprimée. 😉

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  4. J’abonde avec Frog. C’est dommage de censurer une voix calme, raisonnable et éclairée comme la vôtre sur ce sujet. Je sais que les autres savent crier très fort et nous impressionner. N’empêche qu’ils ont tort 😉

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  5. alainlecomte dit :

    Chères Joséphine et Frog, voici ici les mots que j’ai supprimés, chacun pourra ainsi juger sur pièce:

    Ces mots : « enfin, on peut sortir, enfin on peut vivre » sont dans toutes les bouches, comme si auparavant on ne pouvait pas vivre, comme s’il n’était pas possible de s’évader par le rêve ou l’écriture (et comme si tout danger était écarté, alors que chaque jour on nous annonce une contagiosité accrue du virus). Puis, quelques mots de l’État, concernant un « pass sanitaire » ou une obligation de vaccin dans certaines catégories professionnelles font repartir l’invective, les cris étranglés de rage devant ce qui serait des « mesures liberticides ». Curieuse représentation de la liberté. Spinoza l’aurait dit : la liberté, c’est d’abord la prise de conscience d’une nécessité. Il y a nécessité de se protéger avant de pouvoir jouir d’une liberté de se déplacer, de se mêler à d’autres que soi dans des salles de spectacles ou de restaurants. La crainte des vaccins fut alimentée de diverses manières, d’abord au nom d’un refus de participer à l’enrichissement des entreprises pharmaceutiques, aujourd’hui parce que nous n’aurions « pas de recul » sur les effets des vaccins proposés. Pour le premier argument, on songe à Brassens et à son Corne d’auroch : il refusa le médicament parce qu’il était dû à un allemand, ô gué, ô gué (et il en mourut bien entendu). Le deuxième argument est spécieux, il voudrait que l’on attende… mais combien de temps ? Certains craignant que les effets potentiels se produisent à très longs termes, on pourrait bien sûr attendre que le virus ait muté mille fois et que nous soyons tous morts, alors peut-être aurions-nous une certitude… mais sous la tombe, elle nous tiendrait chaud.

    *
    J’ai récemment consacré ce blog à mes lectures, de plus à des lectures longues, à de grands livres, de ceux dont on dit qu’on les lira un jour lorsqu’on aura le temps de les lire parce que nous n’aurons plus rien à faire d’autre que les lire. Et ce temps est arrivé. Pendant de longues semaines, la liberté s’est limitée aux agissements du monde intérieur, mais cet intérieur ne peut bien sûr se supporter que de lire, sauf à se briser, et ne plus trouver de ligne définie à suivre dans un brouhaha de pensées.

    *
    Lecture / écriture / peinture. Je n’ai presque jamais parlé de la peinture, qui, pourtant, occupe une grande place dans ma vie. C’est sans doute que je n’osais pas en dire grand-chose. Peindre exclut le dire. A moins d’être très fier de ce que l’on fait, au point que l’on se croit permis de le commenter. Montrer sa peinture ? Là aussi, il faut être « un peu gonflé », c’est pire encore que montrer ses poèmes. Il y a tant de grands dans ces mondes de l’art et de l’esprit, tant de grands peintres, tant de grands poètes. Si on écrit un vers, c’est pour s’élever au niveau d’un Jaccottet ou d’un Bonnefoy, si l’on a conscience de ne pas y être du tout… alors ce n’est pas la peine, on peut garder ses poèmes pour soi. C’est bien sûr la même chose pour la peinture… à modérer cependant : il me semble qu’on progresse mieux dans l’art de peindre que dans celui d’écrire. J’y reviendrai un jour.

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    • alainlecomte dit :

      Pourquoi les ai-je supprimés? (je prépare un texte plus explicite sur ce sujet). Parce que bien sûr, comme vous le savez, la simple évocation de la raison suscite la colère, et que je n’ai pas envie de répondre à la colère. J’ai peut-être tort car en effet, si tous les gens raisonnables font comme moi, il ne reste plus que l’expression de cette hybris qui court les rues aujourd’hui, et surtout les réseaux sociaux. Il y a autre chose aussi, qui me semble plus sérieux, c’est la sensation de créer des fossés toujours plus profonds entre les partisans de cette hybris et moi, ou nous… J’ai peur, oui, j’ai peur que plus on en dise plus ce fossé se creuse, promettant à notre avenir un champ de ruines. (pour les paragraphes suivants, je pense que ça va, ce n’est pas polémique, cependant juste un peu… narcissique? c’est pour cela que je les avais supprimés aussi).

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      • Oui, je vous comprends.

        Mais j’ai l’impression que l’hybris nous emportera tous si nous ne résistons pas. Les cataclysmes de la déraison nous mènent à ce champ de ruines que vous craignez. Je suis moins calme que vous. J’ai perdu patience et peut-être des amis. Mais d’autres m’ont été reconnaissants de prendre la parole. Parce que ces gens si amoureux de leur liberté n’ont aucun scrupule à nous interdire de nous exprimer.

        N’est-il pas possible de construire des ponts au-dessus du fossé ? Ceux qui voudront les emprunteront. Et ceux qui chercheront à les détruire se révèleront pour ce qu’ils sont : des fauteurs de chaos.

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  6. Il semble bien que Tiago Rodriguez ait voulu marquer son entrée « en » Avignon par une pièce désacralisant Tchekov (après « Célébrons les grands hommes », c’est « Dézinguons les grands auteurs dramatiques ») et montrant ainsi qu’il était digne de succéder à Olivier Py, ce dont on peut d’ores et déjà douter – si l’on en croit un certain nombre de critiques dont celle-cI.

    Les chaises de Ionesco auront quand même eu droit à la Cour d’Honneur, il n’est jamais trop tard !

    Heureux enfin d’apprendre qu’ Eric Truffaz, un trompettiste que j’adore et que j’ai souvent « invité » (sans sa permission) sur mon blog « Métronomiques », ait trouvé une compagne qui aime forcément sa musique d’outre-songes.
    Le jazz, quand il est sublimé, peut jouer le rôle d’un vaccin (contre la morosité ou la contamination des pensées emberlificotées. 🙂

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    • alainlecomte dit :

      salut Dominique! heureux de te retrouver. ON était un peu fâchés… mais c’est du passé! oui, ce festival, comme chaque année, mêle le meilleur et le décevant. Je suis pessimiste sur la direction qui sera celle de Tiago Rodriguez. Et puis je trouve curieux ce genre de nomination express qui ressemble plus à cooptation qu’à un choix un tant soit peu démocratique…

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      • @ alainlecomte : Oui, parfois l’humeur l’emporte sur l’humour, hélas !!! Il faudrait écrire une pièce sur ce genre de malentendus (mais ce serait donc un spectacle entièrement écrit à partir de mails échangés sur Internet !)…
        J’ai aussi été étonné de ce choix concernant le nouveau directeur du festival d’Avignon : on espère qu’il mettra à son prochain programme une pièce d’Olivier Py ! 🙂

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  7. Guy Chassigneux dit :

    Je prends connaissance de ce texte avec retard et j’apprécie ce que tu dis du théâtre et d’autres théâtres. J’ai répercuté ton texte « sans nom » et il a été retransmis donc approuvé.

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