Carnet de lecture: Montagne magique (III), où tout sombre dans l’apocalypse guerrière

Dernier bout de chemin avec Thomas Mann et la Montagne magique… Pour un peu, ce serait comme la dernière étape d’un trek de montagne où l’on est à la fois heureux d’arriver puisque les souffrances de la marche vont s’apaiser et qu’on va se reposer à l’ombre d’un parasol, sirotant une eau gazeuse ou bien un verre de vin blanc, et déjà dans le regret d’un effort de longue durée qui nous aura permis de mieux faire connaissance avec nous-mêmes, notre résistance physique, et surtout de nous remplir le regard de ces vues aériennes un tant soit peu mystiques qui auront parsemé notre parcours. La dernière étape est souvent facile car elle est en descente et déjà les cheminées fument, des bêtes paissent dans les prairies et des paysans entrent le foin à grand renfort de cris et de chants. Bref, l’humanité est de retour. Or, ce n’est pas tout à fait comme cela que se passe la toute dernière partie de ce long roman. Elle connaît ses propres péripéties, les unes dépendant des chapitres précédents et les autres tout à fait nouvelles, indépendantes d’eux. Parmi les premières, figure ce numéro de bravoure que constitue le retour (enfin!) de madame Chauchat. L’inconvénient est qu’elle ne revient pas seule mais accompagnée d’un homme tonitruant, imposant et même spectaculaire en la personne d’un colon hollandais qui s’est enrichi dans la culture du café dans la lointaine île de Java. L’homme se nomme Mynheer Peeperkorn, il se comporte en chevalier servant de madame, vivant dans le même appartement, au grand dam de Hans Castorp qui voit avec désespoir disparaître ses plans de (re)conquête de l’être aimé. Les retrouvailles de Hans et de Clavdia Chauchat ne sont pas empreintes, au premier abord, d’une réelle chaleur… Ils se sont quittés un soir de carnaval où le premier a déclaré sa flamme, sans que probablement l’héroïne ne sache s’il s’agissait de sentiments sincères ou de simples effets des effluves d’alcool emplissant la salle de bal, et ils se retrouvent au grand jour dans des circonstances qui ont complètement changé (Joachim, le cousin de Hans, est mort, son bacille de Koch ayant migré vers le pharynx). Dans de tels cas, on a tendance à dire effaçons tout et recommençons. Mais Castorp tient à ce qu’il croit être son avantage. Après tout, il a fait le premier pas, normalement devrait arriver le second. C’est dans une salle vide, où il lit tranquillement, que lui arrive le son d’une voix toute proche qu’il chérit entre toutes, s’adressant à lui. D’emblée, il la tutoie, ce qui sans doute pour l’époque devait paraître d’une audace folle. Et la jeune femme russe ne manque pas de s’indigner face à ce culot. Mais que s’est-il passé vraiment entre eux, après cette déclaration à la fois comique et pathétique ? L’amour a-t-il été consommé en coulisse comme le suggère la traductrice Claire de Olivera dans son excellente post-face ? Il faut ici mentionner le tour de force littéraire : ce roman est moderne par ses thèmes mais aussi par sa conception. Il illustre les thèses que devait défendre quelques années plus tard le critique soviétique Bakhtine sur la polyphonie. Le narrateur n’est pas la voix omnisciente qui dirait tout ce que le lecteur a besoin de savoir, le lecteur doit aussi deviner, et le narrateur n’est qu’une voix parmi d’autres, d’ailleurs il se retourne souvent vers le lecteur en lui jetant un clin d’œil. Etait-il là lorsque Hans a (peut-être) transporté Clavdia Chauchat dans ses bras jusqu’à son lit où ils ont fait l’amour ? Non. Bien sûr. Alors c’est à nous de nous imaginer la scène…

La belle Marie-France Pisier dans le rôle de Clavdia Chauchat avec Christoph Eichhorn (Hans Castorp)

Depuis que je sais que la belle madame Chauchat fut campée à l’écran par Marie-France Pisier (dans le film de 1982 réalisé par le metteur en scène allemand Hans Geissendorfer), difficile de ne pas penser à elle sous ces traits-là, de ne pas songer aussi à l’effroyable destin de la magnifique actrice française, morte au fond d’une piscine entortillée dans les pieds de chaises métalliques, en élément du drame familial autour du comportement odieux d’un politologue français… Chauchat / Pisier souffre du sort des femmes de leur époque. On pourrait s’attendre à ce que Hans et Peeperkorn s’affrontent puisqu’ils sont amoureux de la même femme, on pourrait s’attendre surtout à ce que madame Chauchat soit libre de ses désirs et opte pour celui qu’elle aime le mieux, du vieil homme imposant ou du jeune ingénieur encore inexpérimenté, voire même pour un autre, voire même pour une autre… Mais ce n’est pas ainsi que les choses se passent. Etonnant dialogue entre Hans et Peeperkorn qui se lancent des proclamations d’amitié et d’admiration réciproque par dessus le corps de la belle jeune femme, comme si finalement elle leur importait peu, comme si leur désir seul existait, et très peu celui de la femme puisque d’ailleurs ils ont scellé son sort : D’après ce que j’ai pu constater, la femme, dans le domaine amoureux, se considère foncièrement comme objet ; elle attend que tout se fasse et ne choisit pas librement dit Hans (p. 927). On a beaucoup parlé de l’homosexualité comme thème récurrent dans l’œuvre de Mann, et dit que lui-même avait découvert sa propre homosexualité sur le tard, premier grand écrivain peut-être à en faire l’enjeu d’un combat. N’y a-t-il pas à faire de la Montagne magique une lecture centrée sur les jeux du désir ? Ce serait une lecture inspirée par la psychanalyse et par la notion lacanienne d’objet « petit a », qui se déplace au gré des circonstances en différents lieux sans que jamais l’on soit sûr que l’objet « réel » (si cela a un sens) soit atteint, car sous chaque objet de désir il y en aurait un autre, comme Hippe sous Clavdia et Peeperkorn encore…

On notera le caractère fragmenté du désir, tel qu’il apparaît par le biais des différents sens, la voix, le parfum, on n’oublie pas que lors de la première partie, l’apparition de Clavdia Chauchat était toujours précédée d’un bruit qui résonnait comme un signe, celui d’un claquement de porte-fenêtre, l’objet du désir apparaissant ainsi toujours comme en éclats multiples que l’amoureux transis rassemble ou reconfigure selon son propre désir… On note aussi le rôle des mots, comme si ceux-ci étaient les seules armes d’attaque : le tutoiement éperonne sa victime, en l’occurrence cette pauvre madame Chauchat… Celle-ci a-t-elle seulement le choix ? Ses indignations initiales (Comment osez-vous?) s’affaiblissent au fur et à mesure des débats pour que de guerre lasse (à moins que ce ne soit aussi son désir après tout, on n’en saura jamais rien) elle consente à embrasser Hans sur la bouche… mais là encore, ambiguïté, est-ce un vrai baiser d’amour ou bien un baiser à la mode russe ? De toutes façons, Clavdia Chauchat s’éteindra comme un incendie après que son tuteur se soit donné la mort dans une scène épique où transparaît un autre drame, jamais avoué, celui de la vieillesse et de l’impuissance sexuelle. Et Hans se retrouvera seul à nouveau, en proie à ce démon qui avait pour nom l’inertie…

Je ne sais si l’oisiveté, autre nom de cette inertie, est « mère de tous les vices » mais elle est sûrement propice à des amusements douteux, qui font le plaisir des crédules et l’embarras des gens raisonnables, c’est là qu’intervient un autre type de péripéties, de celles qui n’ont pas de lien avec les chapitres précédents et font intervenir de nouveaux personnages comme la jeune Ellen Brand, une sorte de médium mise en vedette par le fameux Krokovski, le professeur conférencier, fan de psychanalyse, que nous avons déjà rencontré dans la première partie, un expert en « décomposition psychique ». Il a ouvert cette fois les salons où se tiennent ses conférences à des réunions occultes où ont lieu de très obscures expériences de spiritisme. Difficile aujourd’hui de comprendre le rôle que ces expériences ont pu jouer dans les salons du XIXème siècle, et surtout de comprendre ce qu’elles apportent au livre de Thomas Mann. Nous n’avons toujours pas élucidé ces « mystères » apparents de table qui frappe le sol (si oui, frappe un coup, sinon deux), de verre renversé qui se déplace d’une lettre à l’autre sujet aux « ondes » que lui envoient les participants, voire même comme c’est le cas ici apparition d’un spectre ayant les traits du cousin disparu… De grands esprits ont cru à tout cela (Victor Hugo…) et il me souvient même qu’au cours de mon enfance j’ai vu ma propre mère pratiquer ce genre de prodige sans que j’aie jamais pu comprendre si elle trichait ou si elle avait un « don » authentique… Le lien avec l’hypnose (qui est un phénomène reconnu) est sûrement patent, mais qui un jour l’explicitera vraiment ? Pour revenir au roman lui-même, et en y réfléchissant, de telles scènes apparaissent comme les détails d’un tableau (songeons à un Bosch ou à un Breughel) qui fournissent comme des compléments, voire des oppositions par rapport à d’autres détails, c’est-à-dire d’autres scènes, comme les emportements rationalistes d’un Settembrini, le soucis mainte fois manifesté de s’en remettre à des expériences scientifiques, ou bien l’absorption de Hans dans des ouvrages de médecine et de biologie qui nous permettent de voir exposé le raffinement des connaissances de l’époque. La vie au Berghof se veut un microcosme, un condensé de société de l’époque d’avant la Première Guerre, et les conférences de Krokovski participent de cet esprit en nous procurant comme un avant-goût de la science freudienne (malgré les déformations que lui fait subir le conférencier, et la confusion qui l’entraîne sur la voie du spiritisme). Deux mouvements contradictoires parcourent l’histoire : l’un est un tourbillon d’optimisme, d’espoir dans la science et dans la raison qui s’empare de certains pensionnaires en attente de guérison – après quoi ils pourront « redescendre », c’est-à-dire rejoindre le plat pays paisible – et l’autre la lente corruption qui gagne les corps et les esprits, cette propagation du « virus », entendons-là non pas le virus au sens propre que nous connaissons en ce moment, mais à la fois le bacille de Koch (qui n’est pas un virus à proprement parler) et celui, métaphorique, de l’abandon, de la nonchalance des esprits, d’une sorte d’engourdissement qui gagne les cœurs. C’est en grande partie à cause de cet engourdissement que la chute sera rude, car il ne s’agit plus pour nos héros (ou ceux qui restent) de rejoindre la plaine pour y mener une vie paisible qui leur fera oublier à la longue les événements ayant troublé leur vie de malade, mais très tristement, de tomber dans le gouffre de la guerre, la guerre atroce, la plus sanglante ayant jamais eu lieu, la plus stupide aussi car déclenchée pour rien et n’apportant rien à personne sauf une situation pour l’Allemagne d’où germera une autre guerre, affreuse elle aussi bien qu’affreuse différemment à cause des millions de morts des camps… A la fin du roman, on suit vaguement Hans Castorp sur les chemins des affrontements sanglants, on voit sa silhouette encore une dernière fois vaciller entre les fils de fer barbelés, brusquement éclairée par l’éclat d’une bombe tombée tout près, on devine les mottes de terre soulevées, qui lui heurtent la jambe, puis… « Ainsi, dans la mêlée, la pluie et le soir qui tombe, il se dérobe à notre vue ». Pourtant Thomas Mann – ou le narrateur – a un dernier sursaut d’espoir, décidément il veut croire en un monde meilleur puisque ses derniers mots sont : « Cette fête mondiale de la mort, et même, alentour, cette mauvaise ardeur fébrile enflammant le ciel pluvieux du soir, l’amour en émanera-t-il un jour ? ». Or, nous savons ce qu’il adviendra plus tard, les millions de morts, les camps d’extermination, les différents totalitarismes, et aux jours que nous vivons l’incertitude concernant notre futur du fait des désastres écologiques qu’il ne pouvait prévoir.

Sam Mendes signe, avec « 1917 », un film brillant sur les atrocités de la Première guerre mondiale. (©DR)

La Montagne magique est un roman magnifique, qui nous fait réfléchir sur le temps, que ce soit dans son contenu ou dans sa structure (on a parfois rapproché la conception du temps chez Mann de celle chez Proust ou Bergson), à la maladie et à la mort, ainsi qu’au désir et à l’amour.

Œuvre ici magnifiquement traduite par Claire de Olivera qui dit, dans la postface, la difficulté qu’il y a eu à traduire. N’existait jusque là qu’une traduction hâtive due à Maurice Betz, mais dit-elle, celui-ci n’avait pas en main toutes les connaissances accumulées sur ce texte qui contient de multiples références à d’autres auteurs, autant Virgile que Goethe, et qu’il fallait dépouiller pour qu’on arrive à comprendre toutes les subtilités afin de les traduire au mieux. Le texte ainsi traduit est vivant, l’ironie est restituée. Hommage soit donc rendu à cette grande traductrice dont la post-face, en plus, nous éclaire grandement.

Il n’est bien sûr pas nécessaire de développer les ressemblances et les analogies avec la situation que nous connaissons, elles vont d’elles-mêmes me semble-t-il… j’ai déjà dit le sentiment que nous avons de vivre en un sanatorium à ciel ouvert depuis le début de cette pandémie et les confinements qui ont suivi, on pourrait s’étendre sur le sentiment particulier du temps que cela engendre, assez proche en fin de compte de celui qu’éprouvent les malades de « là-haut », et qui conduit à un engourdissement semblable, le quotidien des gens ayant tendance à se fixer sur de tous autres paramètres que ceux qu’ils connaissaient autrefois et qui leur semblaient être « le réel » , le travail par exemple n’ayant plus tout à fait le même sens du fait qu’on y ajoute désormais souvent le préfixe « télé », ou du fait que l’on s’habitue à percevoir une rente, tout comme les personnages du roman, dont on ne sait plus trop de quoi ils vivent, et avec tous les effets liés à l’inaction provoquée, les colères épidermiques se traduisant en des agressions sans queue ni tête (ainsi toute une affaire se développe-t-elle dans les dernières pages de la Montagne, sombre histoire de mots de travers échangés entre pensionnaires, et puis l’animosité allant jusqu’au duel et au suicide, avec la mort du sombre Naphta) ou parfois bien pire, avec les prémisses montrées par Thomas Mann d’un anti-sémitisme qui emportera le siècle dans la tourmente une seconde fois… Tous ces signes nous interpellent et nous font craindre que cet engourdissement ressenti ne s’accompagne, lui aussi, de catastrophes que nous n’aurions pas vu venir.

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7 commentaires pour Carnet de lecture: Montagne magique (III), où tout sombre dans l’apocalypse guerrière

  1. Girard dit :

    Analyse captivante et vivante qui fait remonter des images, des scènes, des émotions et me donne personnellement l’envie de relire ce roman fascinant.
    je vais également vérifier si je n’ai pas omis de lire cette postface.

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  2. Très belle analyse. M’interpellent surtout votre passage sur le désir de Mme Chauchat, de Mann lui-même et votre réflexion finale sur les conséquences possiblement catastrophiques de l’engourdissement général. J’admire votre capacité à mettre en forme vos sensations et réflexions de lecture sans faire perdre son épaisseur au livre. Cela reste souvent un magma pour moi, que je ne peux pas séparer du livre.

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    • alainlecomte dit :

      merci de votre commentaire. Cette capacité dont vous me gratifiez, je crois pouvoir vous dire qu’elle est peut-être due… à mon grand âge. J’ai observé qu’en vieillissant, on gagnait en perception… (ça vous laisse de belles perspectives, vous qui êtes déjà arrivée assez loin 🙂 )!

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  3. Debra dit :

    Ceci me fait penser à cette fameuse lettre de Goethe où il faisait remarquer qu’il voyait arriver le moment en Occident où le monde serait un vaste hôpital.
    Oui. Nous y sommes. Même avant le Covid, dans la génération de mes enfants (trentenaires), il y avait beaucoup de jeunes partis dans le « soin ». Vous ne pouvez même pas manger un yaourt, ou écouter un morceau de musique sans qu’il soit question de ses qualités pour vous soigner maintenant…
    Le weekend dernier nous étions en comité restreint avec des amis pour manger à midi, et j’ai lancé l’idée de mettre un pot de chambre tout propre ? au centre de la table pour obliger l’assistance à mettre une pièce de monnaie à chaque « gros » mot prononcé (et comme j’étais chez moi, je m’octroyais le… droit de décider ce qui était gros mot ou pas). J’ai oublié le mot « soin », ou « soigner »…Je n’ai PAS oublié le mot « efficace »…ou « gérer », « manaGER », etc. Nous avons passé un excellent moment ensemble à slalomer pour éviter les gros mots. Une manière plaisante d’éviter l’engourdissement.. FORCE, si forcé. Avec de menus moyens, certes, mais quand même.
    Ce n’est pas que j’aime la guerre, je crois, mais je me lasse… des soins…
    Je vieillirais moins vite que je ne le crois ? Pourtant je me sens déjà vieille.

    Belle analyse. Merci.

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  4. Debra dit :

    Dans la veine de ces éléments anecdotiques que je trouve souvent extrêmement importants, mais qui semblent très anodins, je voudrais faire remarquer que c’est en 1910 que le Président américain (s’agit-il de Woodrow Wilson ? je ne parviens pas à construire un esprit encyclopédique digne de ce nom dans ma tête…) déclare officiellement que « the Frontier is closed ».
    Les lecteurs français qui regardent cette phrase anglaise auront l’impression de bien reconnaître le deuxième mot qui fait penser à « frontière » en français. Bien sûr, comme beaucoup de mots en anglais, celui-ci tente diablement le lecteur français à penser qu’il SAIT CE QUE ÇA VEUT DIRE, mais… c’est ce qu’on appelle un « faux ami ». Pour nos pas si lointains ancêtres que ça, le mot « frontier » était un mot magique qui résonnait dans la tête, et servait à délimiter plus ou moins les limites de la civilisation urbaine, forcément urbaine, sur un territoire où la démographie n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui. Le mot « frontier » était un appel à l’inconnu, au danger, à la possibilité de s’installer sans avoir un shérif à côté pour vous protéger, mais.. sans avoir l’administration à côté non plus pour vous dicter comment il fallait vivre, ce qu’il fallait penser pour être Une Bonne Personne, etc.
    Autour de 1860, également, l’Afrique restait un continent noir à découvrir, et dont la cartographie n’avait pas été tracée. Il restait.. du mystère sur la terre, des lieux inexplorés, (par les citoyens de l’Occident, en tout cas…).
    Au moment de la Grande Guerre, donc, « on » venait de fermer « the frontier » américain, ce qui est presque la même chose d’après moi que pour un poisson rouge de découvrir brutalement qu’alors qu’il pensait déambuler en toute liberté, d’après ses choix de déplacement, il est dans un bocal avec des bords.
    Je crois qu’on pourrait appeler ça une catastrophe métaphysique.
    A la hauteur de ces photos de la terre prises de l’espace qui montrent notre prouesse technique en même temps qu’elles… ferment d’autres frontières, des frontières de l’imagination qu’il est important de garder ouvertes.

    Pour l’engourdissement, je crois qu’il y a un rapport aussi.
    L’engourdissement est ce qui se passe quand, pour des raisons souvent mystérieuses, la volonté dégénère en velléité, sans qu’on puisse renverser la tendance pour la contrer, ni savoir pourquoi. La volonté… est un muscle qui travaille, alors que la velléité ? C’est une dégénérescence de la volonté. Un pissenlit qui est monté en graine. L’engourdissement, c’est le vécu du poisson rouge en bocal après avoir découvert qu’il est en bocal, après la catastrophe métaphysique, et l’extinction du désir comme moteur d’une existence humaine ?
    Il y a de vilains préjugés qui poussent à penser qu’il s’agit d’une affaire d’âge, mais pour faire un petit retour à Goethe, dont je suis partie, il est resté.. très actif au delà de 70 ans, et était même amoureux d’une jeune femme qui devait se sentir très flattée d’avoir ses attentions, quel que soit son âge. Les femmes… sont des créatures mystérieuses. Des fois elles peuvent préférer être avec un séduisant homme de 70 ans… pour sa conversation ? sa culture ? son esprit ? plein d’autres qualités en laissant dans l’ombre ce qui se déroule dans un lit (sans les caméras, on l’espère). Il y a de sérieux pièges dans le matérialisme qui nous submerge en ce moment, car l’Homme ne vit pas que du Pain, pas plus qu’Il ne vit que du numérique…ou des vaccins.

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  5. ange scalpel dit :

    je ne jette pas la pierre a maurice betz. c etait deja un tour de force.
    merci de cette lecture, tres belle.
    apres le zauberberg, jadis, j ai lu docteur faustus.
    je fus decu. et vous?

    Aimé par 1 personne

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