Je n’ai pas du tout aimé quand, pendant l’émission « La Grande Librairie », après qu’Emmanuel Carrère eût fait part de ses doutes sur la justesse de ce qu’il avait écrit, Pascal Quignard s’est penché vers lui d’un air plein de componction pour lui dire : « mais est-ce si grave le mensonge ? Continuez donc à mentir, c’est ce que vous faîtes de mieux ». Je n’ai pas du tout aimé quand, pendant la même émission, Barbara Cassin a surenchéri en disant avec un mépris distant que, elle, elle au moins, « ne croyait pas en la Vérité ». Certes, avec un grand « V » ajoutait-elle, mais on ne pouvait dire avec certitude qu’elle croyait en celle avec un petit « v » (d’ailleurs, où est la différence?) Et quand l’animateur François Busnel lui a justement objecté que s’il n’y avait pas de vérité, la phrase même qu’elle prononçait à ce moment-là n’avait pas de vérité non plus, elle a balayé d’un revers de main en semblant ne même pas comprendre ce qu’il voulait dire… Or, il y a parfois dans ces émissions des moments de… vérité ! C’est un moment de vérité quand une « philosophe spécialiste des sophistes » se met à bafouiller et révèle qu’elle n’a pas grand-chose à dire. Pour se moquer de l’animateur, elle lui a répondu… qu’il la faisait penser à Aristote ! Mon Dieu quelle horreur… si maintenant on se met à rire des gens parce qu’ils ressemblent à Aristote…

Ce qu’il faut reconnaître à Carrère c’est qu’il semble avoir, lui, une notion de vérité, de cette frontière qui sépare la vérité du mensonge, même s’il sait, comme nous tous, que cette frontière est parfois poreuse et que nous avons du mal à la délimiter. Il sait quand il raconte quelque chose qui lui est vraiment arrivé, et quand il brode, quand il invente. On doit lui savoir gré pour cela. Quand Aragon formulait son fameux principe du « mentir-vrai », il savait aussi pertinemment ce qu’il voulait dire, que justement la connaissance d’une barrière entre le vrai et le faux nous permet de comprendre ce qu’il y a de vrai dans une fiction. Il ne faut pas confondre fiction et mensonge, il serait ridicule de croire que parce qu’on invente des personnages, on est dans le mensonge. Les personnages sont vrais non pas dans la mesure où ils existent dans le réel mais dans celle où ils portent des sentiments et des émotions que nous savons être vrais parce que nous les ressentons ou sommes capables de les ressentir.
On me dira : qu’un écrivain doute de la vérité… passe encore, on mettra ça sur le dos d’une coquetterie, c’est pour une philosophe que c’est plus ennuyeux. J’ai feuilleté en librairie le livre de Barbara Cassin, une éloge du « moi, je » à mon avis catastrophique. Elle n’écrit pas mal, elle a appris à parler, à dire ces mots qui font tant plaisir à l’auditeur cultivé… lequel se sent mis dans la confidence et en accord complet avec la locutrice puisque, la plupart du temps, il se fiche lui aussi pas mal de la vérité car celle-ci est vraiment trop dure à attraper et qu’elle exige trop de lui. La philosophe aux multiples récompenses se vante d’avoir manié le mensonge tout au long de sa vie, elle a menti – dit-elle – à ses amants, à son mari, comme elle a menti à ses parents, il n’y a qu’à ses enfants qu’elle dit ne pas avoir menti. J’en conclus donc qu’elle a menti aussi à ses étudiants, à ses collègues, aux gens à qui elle a fait passer des concours. Elle a été très heideggerienne, mais, aujourd’hui, dit-elle dans une interview récente, « je n’ai plus envie d’être heideggerienne… ». Comme si la manière dont on se détermine dans ses choix philosophiques était une simple question d’envie…
Pascal Quignard n’est certes pas philosophe, il s’en défendrait je pense, et il a su trouver une écriture qui ravit le lecteur par sa concision et les marques qu’elle donne d’une érudition extraordinaire. Il revendique pourtant, lui aussi, le mensonge et semble dire sans arrêt : je vous épate, mais peut-être ce que je vous dis est faux, qu’importe, c’est si beau. Comme le dit le proverbe italien : si non è vero, è ben trovato.
Or, qu’est-ce que la littérature sans rapport à la vérité ? Des guirlandes de mots et d’expressions. J’avais été troublé, lorsque j’étais très jeune, par les mots du père d’une de mes amies qui m’avait dit qu’il n’aimait pas la poésie parce que ce n’était qu’un jeu avec les mots. Je me suis vite conforté dans l’idée qu’il avait tort en lisant Apollinaire, Reverdy, Eluard, Aragon puis plus tard Jaccottet ou Bonnefoy… mais j’ai du reconnaître aussi que parfois il avait un peu raison… il y a des poètes de plateau-télé qui semblent penser qu’un poème consiste en l’assemblage de mots d’un lexique particulier, celui des mots dits « poétiques ». Ils parleront donc de : bonheur, amour, joie, fleurs, paradis, infini… Rien n’est plus facile qu’en extraire des éléments et d’en faire une phrase… qui sonnera toujours bien. Regardez, par exemple, je fabrique : « l’amour est une fleur dont chaque pétale ouvre une porte vers l’infini » (???) Magnifique n’est-ce pas ? Et pourtant tirée au hasard… elle ressemble à celle-ci : « le bonheur est l’art de faire un bouquet avec les fleurs qui sont à notre portée » que je n’ai pas produite, mais qui est une vraie citation dont je vous laisse le soin de trouver l’auteur. Ceci est de l’ordre du jeu fait pour séduire un parterre souvent conquis par avance. Or, la vraie poésie ne repose pas sur un « lexique ». Reverdy a très bien exposé cela dans « Cette émotion appelée poésie » :
Quand Rimbaud commence son poème Le Cœur volé par ces deux vers, qui n’ont rien de ce que l’on a coutume d’appeler un sentiment ou un sujet poétique :
Mon cœur triste bave à la poupe
Mon cœur est plein de caporalil n’y a là rien d’extraordinaire, rien d’exquis, de précieux, simplement l’expression d’un malaise que quiconque peut s’être mis dans le cas d’éprouver pour avoir trop fumé étant jeune – ou pour avoir pris le bateau par gros temps. Il n’en reste pas moins que, depuis que le monde est monde […] il n’y en a qu’un qui ait exprimé une chose aussi vulgaire avec autant de simplicité, de force et de bonheur, et c’est Rimbaud.
On doit se méfier du « bien parler », la littérature n’est pas concours d’éloquence, et la philosophie encore moins, en dépit des sophistes. Dans son dernier livre, « Les vices du savoir », le philosophe Pascal Engel (que je critique quelquefois, quand je l’appelle Ange Scalpel, mais jamais méchamment), s’en prend à une tradition de la philosophie française, qui veut que la beauté du style l’emporte sur la recherche de la vérité. Ainsi trouvera-t-on toujours que Michel Foucault est un grand philosophe même quand il déforme l’histoire afin de mieux la faire coller à ses thèses. « Nous blâmons un scientifique qui fraude, mais nous parvenons toujours à trouver à un philosophe que nous jugeons grand des excuses pour s’être engagé dans le nazisme, ou à un soi-disant bon écrivain pour s’être illustré dans la Collaboration, comme nous pardonnons aisément à un escroc intellectuel, du moment qu’il écrit bien ». (P. Engel, p. 27).
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Évidemment, toute personne qui défend la notion de vérité se voit rétorquer ironiquement que bien malin qui saurait la définir… « qu’entendez-vous par là ? ». On ne saurait éviter d’aborder cette question, même s’il faudrait tellement de temps et d’espace pour la développer. Disons simplement qu’il existe un rapport des mots au réel qui nourrit l’authenticité. Pour un philosophe, ce sera le fait de se conformer à un état des connaissances donné, pour un mathématicien à l’existence d’une preuve, pour un écrivain, de façon plus générale, à un sentiment éprouvé, à ce qui s’extrait d’un exercice souvent douloureux de connaissance de soi ou… des autres. Les grands écrivains donnent ainsi l’impression d’écrire avec des bouts de leur propre chair. Je dis cela en pensant par exemple au dernier livre, Saturne, de Sarah Chiche, dont j’avais déjà apprécié Les enténébrés. Mais cela s’applique aussi, toute réflexion faite, à Yoga d’Emmanuel Carrère. Et probablement cela s’applique au dernier livre de Quignard (que j’ai seulement feuilleté) étant donné ce qu’est, à ce qu’il dit, son rapport à la dépression. Cela ne recouvre pas que les récits autobiographiques, que dire par exemple de l’extraordinaire entreprise dans laquelle s’est lancé Laurent Mauvignier avec Histoires de la nuit (que j’ai commencé et dont je ne suis pas prêt de terminer la lecture)? N’est-ce pas aussi avec des bouts de sa propre chair que l’on écrit un récit aussi vaste et tortueux dont la narration est si prenante et même angoissante ?


Je me rends compte que lorsque je dis cela, je me place du point de vue de la littérature comme connaissance. D’autres points de vue existent. Celui de la littérature comme distraction, bon moment à passer, récit dont on a besoin avant de s’endormir, vieille réminiscence des contes que l’on nous lisait lorsque nous étions enfants. On parlera alors d’une lecture agréable, d’un « page-turner », d’un livre que l’on dévore parce que l’on veut à chaque instant connaître la suite. Ces points de vue ne sont pas négligeables, cela appartient au loisir, mais toute littérature n’est pas loisir. On attend aussi d’elle qu’elle nous apporte une connaissance véritable. Même la poésie. Même et surtout la poésie. Et c’est là qu’intervient la problématique du vrai et du mensonge. Il s’agit donc d’un point de vue épistémique, dépendant d’une fonction que nous attribuons à la littérature, celle de nous faire connaître un réel que nous ne connaîtrions pas sans elle, ou dont nous n’aurions pas conscience, ou insuffisamment conscience.
On réalise alors qu’il est probable que lorsque Quignard s’adresse malicieusement à Carrère en lui demandant si c’est mal de mentir, ce n’est pas à ce plan épistémique qu’il se place mais au plan moral. Quel lien y a-t-il entre les deux ? Pouvons-nous toujours affirmer qu’un manquement épistémique (le fait de préférer le mensonge à la vérité même si cela induit chez autrui des « connaissances fausses ») entraîne un manquement au plan de la morale ? Autrement dit, est-ce moralement mal de mentir ? C’est à cette question principalement qu’Engel tente de répondre dans l’ouvrage cité ci-dessus dont je me garderai bien de donner une synthèse ici en si peu d’espace. Mais est-ce bien là ce qui nous intéresse en premier ? Nous sommes bien d’accord qu’écrire n’est pas un geste moral, alors à quoi bon transposer le débat sur ce plan ?
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Faire dévier la question de la vérité du plan épistémique vers le plan moral trahit quelque chose de la littérature : le fait que celle-ci a non seulement le droit mais le devoir de s’emparer de tous les sujets sans préoccupation d’ordre moral ou politique. Or, ce principe est remis en cause aujourd’hui. Il serait ainsi « mal » de raconter la vie et l’histoire de quelqu’un qui n’appartient pas à notre culture ou à notre « race » (dans ce retour du mot « race » qui n’a pas fini de nous surprendre) comme l’affirment ceux qui parlent à ce propos « d’appropriation culturelle ». Si cela est vrai, on en vient à penser qu’à la limite, ce serait mal de raconter l’histoire de quelqu’un qui ne serait pas « moi », et c’est justement ce que semblent penser certains auteurs actuels (Eddy Louis par exemple) qui se félicitent de ce que, selon eux, la fiction soit en passe de mourir. Ou bien d’autres (Nathalie Azoulai) qui remettent foncièrement en doute le fait même d’écrire des romans.
C’est se méprendre encore une fois sur ce que l’on peut et doit entendre par vérité dans la littérature, celle-ci en effet n’est pas automatiquement atteinte parce qu’on dit « je » comme si… le simple fait d’emprunter la posture subjective nous garantissait de toujours dire vrai (il y a des « je » qui mentent… et même sans doute beaucoup). C’est autre chose qui est visé : pas la vérité « dénotationnelle » du rapport d’un dit avec le réel régi par le principe de correspondance, mais une vérité « intensionnelle » (excusez l’anglicisme) qui repose davantage sur une conception « cohérentiste » du vrai. Le roman est vrai parce qu’il expose un point de vue cohérent sur le réel, que nous saurions faire notre si nous étions dans telle ou telle disposition décrite par l’auteur (le poème est vrai parce qu’il donne l’expérience d’un sentiment, d’une sensation dont nous savons qu’elle appartient à notre fond commun à tous, comme l’a dit aussi Reverdy, mais que le poète seul arrive à exprimer).
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Le propos de Nathalie Azoulai est encore plus inquiétant : si elle trouve qu’il ne faut plus écrire de roman, ce n’est pas à cause seulement de la prévalence du « je » par rapport à tout « il » ou « elle » qui pourrait advenir mais c’est simplement parce que la lecture d’un roman demanderait trop d’efforts à nos concitoyens ! Lesquels sont déjà bien assez harassés par leur journée de travail, il ne faudrait pas en plus les obliger à lire des pages et des pages pleines de personnages que l’on risque d’oublier d’une fois sur l’autre… « car lire un roman a un coût. Et adhérer à la fiction d’un livre coûte au lecteur actuel plus d’efforts qu’au lecteur d’autrefois, que ne tentaient pas autant de supports fictifs concurrentiels et que ne menaçait pas, surtout, l’effondrement du temps d’attention qui nous menace tous, comme si le moindre roman contemporain demandait à son lecteur, pour qu’il s’y embarque, le même effort que les romans russes surchargés de noms et de généalogies. » (Nathalie Azoulai : « Le doute creuse en moi son sillon : et si le roman, c’était fini ? », Le Monde, 13/14 septembre 2020). Stupéfaction. Ecœurement. Feu Bernard Stiegler, dans « Bifurquer », nous avait prévenu que les inventions technologiques avaient pour but, entre autres, de capter nos efforts d’intelligence en réduisant notre attention, et que c’est contre cela qu’il fallait lutter si nous ne voulions pas devenir les vassaux des systèmes d’IA. Azoulai, elle, n’en a cure, au contraire, elle se précipite dans cette voie d’abandon que Stiegler dénommait anthropie.

Ces idées qui apparaissent en ce moment menacent la littérature, autrement dit quelque chose de notre humanité, ce n’est donc pas un hasard si elles apparaissent maintenant (et simultanément). Les annonces triomphales faites par des boîtes d’IA à propos de la possibilité désormais d’utiliser des générateurs automatiques de textes qui parviennent à simuler Balzac ou n’importe quel autre écrivain (voir Syllabs) ne doivent pas être traitées indépendamment de ce mouvement de repli. Toutes ces tendances convergent vers la même idée de renoncement, « d’à-quoi-bon-isme », de facilité dans l’expression qui finira par dévaloriser le langage, avant, tout bonnement, de dévaloriser l’humain.
Oui, surtout la poésie. Merci d’avoir écrit ce texte dont j’épouse entièrement le point de vue. Je suis effarée de découvrir les déclarations que vous exposez à la fin de votre article. Plus généralement ce mépris / cette ignorance de la vérité est terrifiant et j’ai du mal à comprendre comment ces gens sans nul doute intelligents en arrivent là, et surtout comment il se fait qu’ils ne semblent pas éprouver la douleur qui, je crois, accompagne cette dissociation du langage d’avec la vérité, d’avec le réel. La confusion, la cécité, le déracinement, la tristesse de la perte.
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merci, merci beaucoup pour cette appréciation, j’y suis très sensible. A priori, je pouvais m’attendre à peu d’approbations étant donnée la tendance majoritaire actuelle, qui va vers la facilité et la dissociation radicale par rapport à la vérité, au réel. Il faut défendre une une conception de la poésie comme autre chose que le jeu de mots.
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Peut-être suis-je naïve mais je veux croire que beaucoup partagent notre façon de voir, qui ne sont pas les gens qui ont la parole ou sont représentés dans les médias. À l’heure où on réévalue notre rapport à notre environnement, à la nature – au monde et au réel – cette promotion d’un relativisme absolu, de l’irréalité du langage, m’étonne et me perturbe. On peut user du langage comme ils le disent. Mais à quelle fin ? Pour démontrer la brillance factice de son esprit ? Et ensuite ?
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Bon jour,
Je n’y connais pas grand chose en littérature. Je me disais qu’il n’y a pas de vérité sans croyance (au sens large) … et puis la contrevérité se nourrit par effet … c’est dans l’ordre des choses … enfin, je pense …
Max-Louis
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Il y a donc encore quelques vérités ici à lire (sauf harassement)… notamment sur les tenants du mensonge et du roman (l’un équivalant à l’autre, pour ceux-ci), mais on peut espérer que comme celui de Renart, ce dernier a encore la vie dure ! 🙂
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Avis fort intéressant et juste (vrai?) même si je suis plus réservé sur les liens entre vérité et littérature. La poésie a quelque chose de sincère (vrai?) parce qu’intime sinon elle sonne faux ou convenue, elle n’a pas de prétention d’accès à une vérité intersubjective, elle s’en contrebalance. La philosophie en revanche a cette prétention d’accéder à la vérité et certains auteurs mentent ce qui peut être délibéré. La littérature me semble voguer entre ces deux conceptions. Badiou (ami de cassin) a récemment écrit un livre sur poésie et philosophie. Badiou philosophe et à mon avis menteur ce qui ne l’empêche pas de nous proposer certaines vérités.
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Fiction et mensonge sont distinctes, tout comme justesse et vérité. Votre texte m’a fait réfléchir profondément à ces conditions, la littérature s’écrit avec « des bouts de chair », elle n’existe que si elle donne à y faire croire. Pareil pour la poésie: sensibilité ne veut pas dire irréel mais le charme opère si les mots et leur agencement sont bien-fondés. Mais je m’égare… merci tant pour votre texte. Passionnant!
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Chaque écrivain écrit sa « propre vérité » qui est parfois très éloignée de la réalité. Les philosophes pensent parfois que cette vérité peut éclairer le monde et servir d’universalité. Parfois ils font avancer ce monde et parfois ils le font régresser.
Cependant, s’il s’agit d’un roman, on peut admettre que cette « vérité » ne soit pas tout à fait « vraie ». Le problème pour cet écrivain est qu’il pense qu’en inventant sa propre vérité, il ne blesse personne et intéressera le monde entier pour son propre profit. Ce qui est faux pour qui sait lire entre les lignes.
Comme vous le voyez malgré les éloges médiatiques qui accompagnent son livre (yoga) je n’apprécie pas cet homme.
La différence d’intelligence entre lui et Pascal Quignard est éclatante.
Je ne donne pas souvent mon opinion surtout quand elle est aussi négative, en général dans ce cas je me tais, mais là « couverture médiatique » de cet homme à la mode m’énerve …
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Merci de donner votre point de vue, Marie-Christine. Il m’éclaire un peu car c’est vrai que je n’étais pas complètement convaincu par Emmanuel Carrère, j’ai beaucoup voulu pratiquer à son égard une « écoute charitable », mais peut-être me trompé-je du tout au tout. Difficulté d’émettre des jugements… on erre, on suppute, on croit savoir et puis souvent on se trompe. J’entends ce matin sur France Inter que son ex-compagne l’attaque en dévoilant quelques gros mensonges dont il se rendrait coupable. D’autres antennes me soufflent que tout est fait cette année pour qu’il ait le Goncourt. On va jusqu’à éliminer de la liste des concurrents brillants comme Mauvignier… Mais vous voyez, quand même, la vérité a un sens car c’est bien par rapport à elle que nous nous déterminons, il ne nous plaît pas qu’un écrivain ait si manifestement menti alors qu’il se présentait comme disant sa vérité.
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Bel article avec lequel je suis en accord. Et nous avons eu la même réaction intime devant l’émission de La grande librairie. Cela m’a mise mal à l’aide de voir l’attitude de Quignard, que j’ai beaucoup aimé lire. Il m’a semblé que tous sauf Carrère qui semblait sur la défensive mais au moins réel, parlaient pour ne rien dire et nous égarer dans des pirouettes sans grand intérêt et surtout sans signification.
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Merci Aline de votre soutien! Il est important de discuter et d’échanger nos impressions, cela aide à préciser nos pensées. Marie-Christine Grimard ci-dessus est d’un avis légèrement différent du notre, mais je comprends aussi sa gêne, qui va dans un autre sens, elle s’interroge sur le cas d’Emmanuel Carrère et son interrogation peut s’entendre aussi. Il est certain que des émissions de télé comme La Grande Librairie n’ont pas vraiment une prétention à la vérité et que nous pouvons facilement nous laisser berner par le ton patelin de François Busnel, non?
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En lisant votre billet, me vient en tête la magnifique scène dans « Ridicule » où on voit Bernard Giraudou en prélat quelconque dans la cour de Louis XVI, je crois, faire une prêche « philosophique » pour « prouver » (que Dieu existait ? je dois fabuler, là. Vous m’aiderez, si vous retrouvez la scène). Tout ému de son triomphe, l’ecclésiastique s’adresse à son auditoire en annonçant avec fatuité, « mais j’aurais tout aussi bien pu prouver le contraire », et… la délicate meringue s’effondre. La cour, scandalisée, tourne le dos à celui qui ,après avoir goûté le sublime, tombe dans le ridicule, et l’exclusion.
Dans un article de « Tragédies grecques au fil des ans » qui s’appelle « L’actualité intellectuelle du Vème siècle, le Philoctète de Sophocles », Jacqueline de Romilly expose et analyse le séïsme qui frappe la société athénienne avec l’arrivée des sophistes et leur thèse que le bien pouvait s’acquérir par l’éducation, donc, que l’Homme pouvait changer, que sa nature n’était pas éternelle. L’arrivée de cette nouvelle thèse a profondément déstabilisé une société basée sur une aristocratie héréditaire. L’avantage de la société d’aristocratie héréditaire est de promouvoir une tradition qui résiste à la progression infinie du monde, un.. relativisme évident…
Mon cher William en 1600, fait de l’art de faire dire n’importe quoi aux mots un des grands sujets de ses pièces. On ne peut presque pas trouver une pièce de William qui ne met pas en garde contre les gens qui font dire « blanc » et puis « noir » aux mots, et au discours. (Mais… les mots.. ne « mentent »-ils pas dans la mesure où on ne peut pas les clouer sur une épingle, « ils » ne font que se faufiler, s’échappant pour nous laisser en plan avec notre désir collectif puéril de leur faire dire une fois pour toutes, une seule chose, et de préférence, collée à une réalité qu’on peut voir et toucher ?)
…
Encore une fois, je trouve qu’il y a des subtilités à interroger dans le « publier », rendre public, une idée, ou une position. Toute vérité n’est pas bonne à dire, mais il n’est pas bon pour le corps social ? d’entendre faire la publicité, l’éloge même, du mensonge. Ceux qui SE LAISSENT ALLER ? à faire l’éloge du mensonge ne sont-ils pas au moins momentanément emportés par le pouvoir que leur position publique, l’oeil du caméra, le strass, et les paillettes leur confère ?
Je ne voudrais pas les excuser pour autant. Pauvres créatures (comme nous tous…), ils ne savent pas ce qu’ils font…
Pour Carrère, je vois dans ses.. aveux ? littéraires, imprimés ou sur un plateau télé, une difficulté pour délimiter « privé » et « public », d’autant plus que Carrère a étalé sa position de défi envers la psychanalyse, et les psychanalystes, où on peut (et doit) parler de soi, soumis à la REGLE FONDAMENTALE de ne rien.. cacher, dans le bureau d’un seul, et en privé.
Et pour la fiction… je vous recommande, comme je recommande aux lecteurs nombreux sur ce sujet, le beau, bref, livre « A quoi sert la littérature » de Danielle Sallenave. Elle explore avec perspicacité la montée de l’autobiographie moderne qui attaque la légitimité de la fiction au profit d’un « je », INDIVIDU, isolé, à l’expérience ineffable, intraduisible, et intransmissible, également.
Fin de partie pour l’égocentrisme cartésien ?
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Oh que oui, comme il faut se méfier des sophistes qui font dire aux mots tout et son contraire!.. je ne connais pas ce livre de Danielle Sallenave mais je vais me renseigner! Prenons garde au leurre de la pseudo-confession…
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J’oublie toujours cette émission: la grande librairie. J’apprécie ce dernier billet car pour avoir relu ces jours ci « les sirènes de Bagdad » de Y. Khadra, moment de plaisir,de détente et de fort ressenti au cours de ce roman de chair, je trouve cette réflexion fructueuse.
Une fiction conduite par un auteur qui a vécu et qui nous révèle avec des mots des vérités géopolitiques, les noirceurs, les folies, et les désirs d’humanité qui nous habitent, nous les humains, des vérités révélées jusqu’à comprendre un Kamikaze. Avec des mots très simples. Il est lui même simple.Je trouve qu’avec l’expérience de la réalité et le talent à dire une sensibilité éprouvée , non factice, la vérité transpire à travers les mots.
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