Ludisme et néguanthropie

Changer le web… ou bien revenir au début ? Si l’on se base sur ce que nous avons vu dans les deux précédents billets, on conçoit qu’il ne soit nullement envisagé de « revenir en arrière », d’ignorer une technologie dont des avantages ont pu être constatés… Dans l’optique d’Ars Industrialis (ancien nom du collectif fondé par Stiegler), une technologie est un pharmakon, autrement dit peut aussi bien être poison (si mal employée) ou remède. Dans l’état actuel des choses, l’Internet donne lieu à des applications toxiques. Autrement dit la technologie est mal employée. Daniel Ross, dans le chapitre 10, en trace un tableau éloquent. L’emploi du mot grec pharmakon, me dit-on, trouve son origine chez Derrida, c’est ce dernier qui aurait d’ailleurs introduit Stiegler dans le monde intellectuel. Cela n’a qu’un intérêt anecdotique et pourtant certains de mes dialoguants (sur FB) y tiennent… En fouillant un peu les ragots répandus sur la toile, on constatera que Stiegler est très attaqué : certains lui reprochent son jargon, ses néologismes parfois construits sur des exportations de termes hors de leur domaine d’origine. Je trouve surtout qu’il écrit affreusement mal… pour certains, cela peut paraître un crime, ce que je comprends, mais moi, je n’en fais pas un crime. Je note aussi que les mots d’entropie, de néguentropie etc. qui sont certes repris au langage de la physique (de la thermodynamique plus exactement) ont été employés avant Stiegler par des scientifiques évoqués la fois dernière : Alfred Lotka et Wassili Vernadsky. Ils ne me semblent pas être hors de propos dans le contexte écologique. Je ne suis pas un « fan » de Stiegler, que je n’ai abordé sérieusement qu’à partir du livre collectif qui vient de paraître (« Bifurquer »). Dans ce livre, comme je l’ai déjà dit, interviennent d’autres personnalités, comme Giuseppe Longo, Daniel Ross et Alain Supiot. Une lettre est publiée en exergue, qui émane de Jean-Marie Le Clézio. Il est vrai que cette lettre ne dit pas grand-chose en rapport avec le contenu des chapitres de ce livre. Néanmoins, Le Clézio n’aurait pas ainsi donné une caution s’il avait eu quelque doute sur le sérieux de l’entreprise. Certains chapitres parlent d’une expérience d’économie contributive effectuée en Seine Saint-Denis, sur le territoire de Plaine Commune. Il ne me semble pas possible d’évaluer le sérieux de cette expérience, présentée de façon assez nébuleuse et sans données précises… c’est peut-être une arnaque.

De la plus-value aux réseaux sociaux

Pour expliquer le rôle pris par les réseaux sociaux en tant qu’organes exosomatiques dans notre société contemporaine, Daniel Ross part d’une thèse dont je sais qu’elle est aujourd’hui contestée (surtout par des philosophes que je qualifierai de « néo-libéraux ») à savoir la baisse tendancielle du taux de profit, « découverte » par Marx, parfois rapprochée justement de la notion d’entropie (cf. Mark Alizart, dans son livre « cryptocommunisme » commenté ici) et en laquelle le philosophe barbu voyait une contradiction fondamentale du capitalisme. Si l’on accepte les prémisses marxistes(*), c’est-à-dire la manière dont le capitalisme produit de la valeur en extorquant un surtravail à ceux qui produisent, ce que l’on appelle la plus-value, il arrive toujours un moment où le taux de plus-value baisse (les producteurs demandent à être mieux payés, la valeur objective de la marchandise baisse parce que les consommateurs ont fait le plein, n’en veulent plus, ou bien aussi les prix baissent à cause de la concurrence), il faut alors compenser par quelque chose. Ce quelque chose a été vu sous l’aspect du colonialisme (manière de trouver une main d’oeuvre et des matières premières meilleur marché), de l’impérialisme (suite du précédent), de la globalisation (on l’a vu particulièrement avec la délocalisation durant ces dernières décennies, dont on paierait paraît-il le prix aujourd’hui…), mais il a pu aussi être vu sous l’aspect des pressions exercées sur les consommateurs : publicité et marketing, rôle des médias (télévision) pour accentuer l’efficacité de la publicité (les fameux espaces libres dégagés dans nos têtes par la télé pour mieux y fourguer les produits à vendre…) etc. Un pas a été franchi avec les réseaux sociaux du genre Facebook ou Instagram qui, non seulement, diffusent de la publicité mais en plus ingurgitent nos données personnelles pour les traiter immédiatement en escomptant, par ce fait même, manipuler nos désirs, nos tendances voire même nos opinions politiques. Ross, Stiegler et al. insistent sur l’extrême rapidité des processus en jeu, une sorte de communication / manipulation en temps réel (et même disent-ils, pour choquer l’imagination, à la vitesse de la lumière, voire plus si possible (!) cela pour insinuer que nos envies et désirs seraient déterminées à notre insu avant même que nous n’en ayons conscience – sûrement ici, se sont-ils fait influencer par les expériences de Libet). Cela n’est pas très nouveau… mais ce n’est pas une raison pour l’ignorer. Là où les choses se compliquent, c’est lorsqu’il faudrait dire comment intervenir pour qu’il en soit autrement. Des arguments existent en faveur du capitalisme qui, à l’instar de la démocratie serait… le pire système à l’exclusion de tous les autres ! Après les multiples tentatives d’instauration d’autres systèmes économiques (« communistes » par exemple) qui se sont toutes soldées par des échecs, on voit mal comment on pourrait passer à autre chose…

Et pourtant… les ressources s’épuisent, le risque de catastrophe est grandissant.

Prendre en compte l’entropie

Pour Stiegler et al., cette contradiction réside dans le fait que jusqu’à présent, nous avons toujours pensé l’économie dans un cadre « newtonien », c’est-à-dire cette abstraction d’un espace infini, sans histoire et sans « frottements » qui devrait nous permettre d’attendre avec quiétude l’édification d’un équilibre durable (je me souviens avoir un jour entendu Longo, intervenant dans un séminaire LIGC à Carry-le-Rouet, montrer que toute recherche d’équilibre était un mythe). Or, la thermodynamique nous a enseigné autre chose et nous savons que même l’univers a une histoire. D’où le fait d’en appeler à une nouvelle économie prenant très au sérieux la notion d’entropie.

Les thèses de Stiegler et al. ne sont pas « anti-capitalistes », elles essaient seulement de (re)mettre sur les rails un système qui semble de plus en plus déjanté. De ce point de vue, on pourra les mettre en relation avec celles d’un Stiglitz. Partir du concept d’entropie pour cela ne semble pas absurde : cela permet de mettre l’accent sur un aspect négligé qui n’est pas en lui-même contradictoire avec le capitalisme, bien au contraire, puisqu’il consiste dans le fait, déjà signalé par Lotka et d’autres, que l’humain est capable d’une pensée, est le siège d’une conscience (voir aussi sur ce sujet les balles analyses de Francis Wolff, commentées ici) qui, si on leur en laissait la liberté, pourraient créer de l’information, dont on sait qu’elle est justement le contraire de l’entropie.

Longo et ses associés s’attachent à distinguer fort justement l’intelligence « vivante », celle que l’on trouve dans les espèces vivantes jusqu’à l’être humain bien entendu, et l’intelligence non vivante, celle qui se trouve liée aux dérivés du silicium (pour ne pas employer le mot « d’intelligence artificielle »). La première est basée sur une faculté que nous ne devrions pas oublier : l’attention, laquelle est dépendante de la conscience. Les ordinateurs n’ont pas ce problème, dès qu’on les branche, ils sont « attentifs » : autrement dit, ils utilisent immédiatement toutes leurs ressources pour résoudre les problèmes qu’on leur pose. Mais je ne sais pas vous, mais moi, dès que je me repose un peu, mon esprit divague, je ne saurais prédire l’état dans lequel il sera à l’issue des dix secondes à venir… autrement dit mon cerveau est instable, il n’est pas plus « résoluble » comme système que ne l’est le problème des trois corps mis en avant par Poincaré. Cette instabilité n’est peut-être pas une faiblesse mais une force. En tout cas, on est absolument incapable de la réaliser dans un système artificiel… C’est de cette instabilité que viennent probablement la rêverie, l’art et la poésie qui sont des composantes indissociables de notre esprit. C’est là que notre métabolisme échappe au mécanicisme.

Poincaré et le problème des N corps

Une autre informatique?

Quant au web, aux réseaux sociaux et tout ce qui en dérive, relevons ce passage du chapitre premier :

Dans le contexte contemporain, où l’exosomatisation, devenue de part en part technologique (et non seulement technique), est désormais pilotée par le marketing, il ne suffit pas qu’une technologie ait trouvé son marché pour qu’elle puisse être considérée comme bénéfique. Il est également nécessaire de trouver les modalités positives dont cette technologie est réellement porteuse, et les pratiques et prescriptions sociales qui sauront limiter sa toxicité, que l’on appellera son anthropie, et intensifier sa curativité, que l’on appellera sa néguanthropie.

On pourrait bien sûr se demander comment y parvenir, quelle volonté serait assez forte pour détourner l’évolution des technologies vers autre chose que ce qu’elles sont aujourd’hui devenues : « une exploitation systémiquement addictive des circuits dopaminergiques de la récompense » (!) (p.50). Les réponses apportées au chapitre 7 (« design contributif et technologies numériques ») sont, avouons-le, assez faibles. Ici apparaît l’idée juste selon laquelle, au début de cette ère que nous vivons, traversée par le numérique, on se demandait encore s’il fallait ou non tout miser sur l’automatisation. Je me souviens que, sur le problème de la traduction automatique, par exemple, devant les immenses difficultés qui ne cessaient pas d’apparaître (tant que l’on continuait à s’en remettre au savoir linguistique et qu’on n’avait pas encore trouvé l’échappatoire permis par le Big Data et le Deep Learning), certaines voix raisonnables émettaient l’idée que l’on ne devait pas viser une traduction entièrement automatisée, mais plutôt une aide efficace à la traduction : le traducteur humain se mettait à la tâche et lorsqu’il butait sur une difficulté (mot inconnu par exemple) il pouvait ouvrir une petite fenêtre sur son écran qui lui indiquait plusieurs solutions possibles. Les propositions faites dans ce chapitre 7 vont dans cette direction (logiciels d’aide à la prise de notes, d’annotation…) et c’est pour cela qu’au début de ce texte je formulais ma question sous la forme « changer le web ou bien revenir au début? », mais elles ne sont guère attractives, du moins de la façon dont elles sont présentées. Ailleurs apparaît la vraie question, qui réside dans une évolution de l’informatique qui rende envisageable un retour vers cette orientation et qui soit véritablement convaincante. Cela repose sur une sorte de révolution dans notre conception du jouet informatique.

Vers une intelligence trans-individuelle

Ici, vous voyez pointer le bout de mon nez et le lien que j’aimerais établir avec mes billets précédents sur la logique. Ces billets n’avaient pas que pour but de proposer de résoudre autrement la question des fondements des lois logiques, mais compte tenu du lien entre logique et informatique théorique, ils concernaient aussi cette dernière discipline. Ce que Girard a mis en lumière très tôt dans ses travaux de logique linéaire, puis de ludique, puis de géométrie de l’interaction et maintenant de syntaxe transcendantale, c’est que la problématique de l’interaction (démarrant avec le simple couple question – réponse) était à la source de la logique et donc de l’informatique théorique.

J’ai déjà parlé abondamment de la ludique, une approche qualifiée de « pré-logique » qui se basait à la fois sur la théorie de la preuve et sur la théorie des jeux. Dans les années 10 de notre siècle, un groupe de recherche que je coordonnais a tenté de mettre en application ses principes dans les domaines qui nous intéressent et qui vont de la théorisation du langage aux comportements sociaux et à l’éthique. Vaste entreprise qui est restée inachevée et dont j’aimerais tant qu’elle soit reprise un jour peut-être par une nouvelle génération de chercheurs… L’un des buts (non atteint) était justement l’édification d’outils d’authentique dialogue ou d’aide au dialogue. Il est assez évident pour tout un chacun que rares sont les discussions et conversations menées à leur terme, soit par flemme, soit par incompétence et ignorance. Il est également évident que notre intelligence, en tant que système individuel, se heurte à des limites : limites du savoir disponible pour une seule personne, limite dans la maîtrise du raisonnement à longue distance (quand une conclusion découle de prémisses après une très logue chaîne d’inférences). Ces limites peuvent être repoussées par une mise en coopération contributive des « agents » (remarquer qu’en utilisant la notion d’agent je m’autorise à m’éloigner quelque peu de celle « d’individu », beaucoup trop centrée et fermée à l’intérieur d’une enveloppe corporelle).

On pourrait envisager des outils qui relancent le débat et éclairent les questions abordées sous des aspects que peut-être ignorent les participants. Ce serait alors ouvrir des voies nouvelles à l’intelligence… On questionnerait un réseau de systèmes qui, non seulement pourrait nous renvoyer des réponses (comme le fait un vulgaire Google) mais en plus nous renverrait d’autres questions, construirait des hypothèses à partir des interactions ayant déjà eu lieu etc. permettant aux utilisateurs de se faire leurs propres idées et de nourrir les débats avec d’autres participants. Et en plus, ceci serait en temps réel, autrement dit ne considérerait pas le « savoir » comme figé à un instant donné (sur le mode d’une encyclopédie), mais comme un système en déséquilibre constant qui évoluerait sans cesse en fonction des interactions concrètes ayant lieu avec d’autres participants.

La Convention Citoyenne sur le Climat, première tentative moderne de dégager un ensemble de propositions à partir de la mise en oeuvre d’une intelligence collective.

Une des innovations sociales récentes qui a été à mes yeux un acquis à porter au crédit de notre actuel président a été la mise en place de la Convention Citoyenne sur le Climat. Beaucoup a été dit à ce sujet et il est inutile de revenir en détails sur la démarche. Rappelons simplement qu’une telle commission n’apporte des conclusions efficaces que si ses membres sont abondamment informés. Un grand pas a été accompli sans aide technologique particulière (un défilé d’experts humains, mais cela n’ouvrait-il pas la porte à des contestations, comment ces experts étaient-ils choisis ? Quelle assurance avait-on quant à leurs compétences, leur neutralité etc.?). L’outil technologique pourrait ici être utilisé dans le sens « néguanthropique » souligné par Stiegler. Il suffit que cet outil agisse par enregistrement de multiples dialogues, ensuite emmagasinés et prêts à se déclencher en face de toutes les questions posées puis de synthétiser les interactions sous la forme de réseaux d’idées obtenues après normalisation… Nous n’en sommes pas là. Pas encore là. Un jour viendra peut-être… ce jour-là, nous aurons franchi un grand bond dans l’intelligence, et ce ne sera peut-être que par un tel bond que pourront être résolues les questions qui nous assaillent aujourd’hui comme le réchauffement climatique ou la difficulté de l’accès à l’énergie disponible. C’est dire en somme que nous avons bien plus besoin de cette mise en coopération contributive que d’hypothétiques robots ouvrant la voie à un transhumanisme mortifère.

(*) je sais que certains les contestent, ils disent par exemple que Marx s’est trompé sur l’origine de la valeur, que ce n’est pas « le travail » parce que, disent-ils, on n’a jamais vu quelqu’un acheter « une quantité de travail » lorsqu’il acquiert une marchandise. Certes, la quantité de travail est dissimulée, refoulée et même forclose lorsque nous achetons un produit qui correspond à nos désirs, mais il n’empêche qu’elle est toujours là, que la force de travail nécessaire à produire a un coût, et que l’entrepreneur cherche à réduire ce coût. De quelque manière que l’on tourne la question, la force productive est présente.

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7 commentaires pour Ludisme et néguanthropie

  1. Debra dit :

    Je me trompe peut-être, mais je crois que vous n’avez pas encore répondu à ma question sur la formation de ce mot « néguanthropie », et le statut de ce préfixe « négu », par rapport à ce qu’on voit dedans, c’est à dire… la NEGATION. Pourriez-vous le faire, svp ?
    Vous savez que je suis beaucoup plus pessimiste que vous.
    Quand Freud est parti aux U.S. en bateau « apporter la peste » aux U.S., il avait une idée nébuleuse de ce en quoi la psychanalyse était un pavé dans la mare par rapport à une science essentiellement positiviste, et à ce jour, la donne n’a pas changé.
    Beaucoup de choses tiennent au statut de l’inconscient en tant que… science/savoir insu. La théorie freudienne est en porte à faux avec des conceptions positivistes de la conscience, dans la mesure où pour Freud, le Moi comporte une dimension inconsciente. (D’ailleurs, je trouve ça extraordinaire qu’en français, les traducteurs ont eu la TRES MAUVAISE IDEE de traduire le « ich » allemand, rendu par « l’ego » latin en anglais par le.. MOI. A la dernière nouvelle, le.. MOI est dans le cas objet, alors que le « ich » est dans le cas SUJET. C’est une différence de taille, et qui échappe à la traduction… automatique, je suppose.) Dit autrement, on peut dire que la fonction principale du Moi, de… gérer les informations ? venant de l’extérieur et de l’intérieur dans une optique de… contrôle, et de maîtrise, afin de permettre une « solution » qui débouche dans la motricité, « l’acte », échappe en partie à la conscience volontaire du sujet. Cette manière de voir est très importante, et reste… très radicale et incomprise par la majorité de nos pairs.
    Pour le « pharmakon », je suis un peu médusée. C’est quoi, l’affaire de Derrida ? Le mot « pharmakon » existe en grec depuis… des lustres. Je crois me souvenir qu’il est en rapport avec la pratique religieuse, d’ailleurs ; le fait de charger un bouc-émissaire de stigmates pour ensuite le sacrifier afin de purifier la communauté et ENLEVER LA SOUILLURE DE LA COMMUNAUTE. Si…. on transfère le mot qui avait cour dans ce contexte envers la technologie, alors, ça devient très intéressant.
    L’argument comme quoi une chose serait neutre si elle n’est pas employée à mauvaises fins, ou à mauvais escient ne me semble pas tenir la route, tout simplement parce que je crois que la neutralité appartient au monde de Dieu, et pas au monde où nous vivons, qui est un monde où les causes, les effets, les conséquences sont… mélangés irrémédiablement.
    A l’heure actuelle, il me semble que le plus gros problème pour la planète réside dans notre consommation délirante d’électricité en vue d’être… connectés, et je vois que nous sommes dans un état de déni important sur ce dossier. Nous ne voulons rien y voir. Donc… je pourrais dire qu’on s’en fout si la chose est mauvaise ou bonne EN SOI ou même neutre, à partir du moment où la démocratisation d’une technologie très carnivore en électricité et en énergie fait couler la planète entière. Et passer du temps à faire de la… scolastique pour déterminer si la chose est neutre EN SOI ou pas me semble…politiquement ? irresponsable.
    Une bonne nouvelle (information ?…). Il semblerait que de plus en plus de personnes décident de ne pas écouter LES INFORMATIONS, ou d’être connectés. J’ai même rencontré jeudi dernier un jeune homme de 25 et quelques années qui n’est pas connecté. Comme quoi… il n’y a que les vieux qui sont censés ne pas POUVOIR se connecter pour refuser de céder leur état de personne sujet singulier pour être… « augmentés » afin de devenir.. PLUS INTELLIGENTS, PLUS PERFORMANTS, PLUS MIEUX, PLUS PLUS etc.
    Se souvenir que le fichu mot « intelLIGEnt » contient quelques lettres qui font nettement penser au « ligo » qui dans la nuit des temps humains civilisés nous a donné l’idée de LIEN, et de reLIGion. Ah… ces mots, ces lettres, décidément, on ne peut pas y échapper…
    Pour la question de la relation, et non pas de l’interaction, et le couple « question/réponse », je suis fascinée de voir pointer le statut du sujet par rapport à sa parole. Saviez-vous que l’idée de question est inséparable sur le plan étymologique avec le contexte juridique, et que le mot « question » renvoie également à la torture ? Piquant, non ? Derrière le simple couple « question/réponse » il y a la cour de jugement, et… la coercition. Difficile à imaginer, mais je vous assure que les mots chamboulant tant d’histoire derrière, « nous » savons quelque part que quand on nous pose une question, on nous SOMME de répondre, et en répondant, NOUS NOUS ENGAGEONS… quelque part. Tous ceux, (et ils sont trop nombreux…) qui se refusent au moindre relent de coercition…. se défilent.
    C’est passionnant (et o combien frustrant…) de voir ça en oeuvre.
    Fin de méditation pour aujourd’hui…

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    • alainlecomte dit :

      en effet, je ne vous ai pas répondu (excusez-moi). Le préfixe « negu- » est utilisé dans le sens de la négation. Ailleurs les mêmes auteurs parlent d’anti-entropie et d’anti-anthropie dans à peu près le même sens. D’un point de vue biophysique que vous réprouvez mais qui existe quand même, la vie peut se définir comme un processus qui combat l’entropie, c’est donc un processus néguentropique. Entre parenthèses, j’estime que tous les points de vue sont intéressants, ils permettent justement de changer nos points de vue sur un objet, ce qui est fondamental pour la connaissance. Sur le rapport avec la psychanalyse, je suis d’accord avec vous mais n’oubliez pas quand même que Freud lui-même a eu recours à la thermodynamique physique (d’où vient le terme entropie) dans sa « Métapsychologie », alors vous voyez… il s’agit plus d’intrications entre positions que d’oppositions à proprement parler. Oui, « pharmakon » est un vieux terme grec. C’est Derrida qui l’a employé dans le sens précis de quelque chose qui est à la fois remède et poison. Mes correspondants qui dialoguent avec moi sur mes articles via Facebook (au lieu de le faire ici, c’est dommage!) m’ont fait le reproche de ne pas citer Derrida et surtout ont dit que Stiegler, en gros, ne faisait que reprendre ce que disait Derrida. Je m’en fiche un peu (c’est anecdotique). Tout à fait d’accord sur le fait que le gros problème du siècle est la consommation effrénée d’énergie occasionnée par Internet (cf. le réchauffement de l’Islande etc.). la question est: supposons que grâce à des calculs compliqués on puisse un jour éviter la catastrophe, ces calculs consommant beaucoup d’énergie, est-ce que l’évitement de la catastrophe va justifier la consommation d’énergie? En tout cas l’énergie consommée ne sera jamais justifiée par les photos et vidéos que les gens s’échangent allègrement via FB ou Instagram… Intelligent, religion etc. tout cela est intéressant… oui, les mots sont connectés (et leurs connexions à eux ne consomme pas d’autre énergie que celle de nos cerveaux!), mais je vous rappelle que, definitely, je ne suis pas religieux. Sur question / réponse à la fin, je suis tout à fait d’accord avec vous, et je crois que la première chose à laquelle nous devons réfléchir lorsque nous pensons aux rapports humains et au langage c’est aux rapports d’engagement réciproque. Asserter, c’est S’ENGAGER à soutenir cette assertion… Amicalement.

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  2. Debra dit :

    Merci.
    Il me semble important de s’interroger sur l’apparition du mot « négu » dans la négation, et c’est ça qui m’intéresse. Finalement, je suis quelqu’un qui est passionnée par la négation. On me le reproche souvent, car il n’est pas facile d’être passionné par la négation. On s’expose à beaucoup d’incompréhension.
    Vous m’accorderez, je l’espère, que la négation s’exprime de manière très variée dans le langue, à la fois au niveau syntaxique mais au niveau du lexique aussi. Si je dis le mot « dé-passionner », j’ai exprimé une forme de négation par le préfixe « dé » qui exprime en plus une nuance au niveau de la négation. Je vais me permettre de prononcer un jugement en disant qu’il n’est PAS BON d’employer « anti » et « négu » de manière.. indifférente. D’autant plus que la langue ne se permet ni l’indifférence, ni l’indifférenciation. Credo. La synonymie est une fiction pour les paresseux, pour leur donner bonne conscience.
    Pour les calculs et la consommation d’énergie, je dirais… SI c’est la croissance de la technologie dans notre besoin d’étendre notre si pauvre main sur toute la création, pour bien serrer les vis qui pousse à faire couler la planète, c’est un peu tendancieux de s’imaginer qu’en poussant encore plus loin le.. CALCUL, on va éviter de couler.
    Mais, pour revenir à la négation, on POURRAIT se demander… POUVONS-NOUS nous arrêter ?
    Pour une maîtrise, le POUVOIR DE S’ARRETER en serait une, non ? Le pouvoir de.. NE PAS FAIRE. Voilà, je crois que c’est peut-être ce pouvoir là qu’il faudrait cultiver en ce moment. Je crois qu’il faudrait encore plus de maîtrise pour ne pas faire que pour faire…
    Et pourquoi ça ne serait pas un pouvoir ?
    Pour la religion, je suis franchement mystifiée…
    Il y a quelques jours, une amie m’a dit que je me faisais consoler par la religion.
    Mais non. Je ne suis pas religieuse. Je n’assiste à aucun culte, je n’appartiens à aucune communauté religieuse, je ne suis pas baptisée. Je ne crois pas que Jésus est le fils de Dieu, etc. (Par contre.. je crois à la nécessité de Dieu pour épargner à l’Homme l’impiété de son terrible hubris, mais Pascal croyait à cela aussi, et les Anciens en étaient persuadés aussi.)
    MAIS… quand mon papa chéri est mort à 57 ans pour mes 25, j’étais en train de travailler « Le Requiem Allemand » de Brahms, et je l’ai beaucoup écouté pendant ce très long deuil. Je connais très bien « Le Requiem Allemand ». Brahms a beaucoup cité Quoeleth/Ecclésiastes dans « Le Requiem Allemand ». Dans Ecclésiastes, le poète/prophète dit « alors, toute la chair est comme l’herbe, et tout le bonheur de l’Homme est comme les fleurs de l’herbe : l’herbe est flétrie, et les fleurs sont tombées. » Quoeleth dit aussi qu’on n’a aucune garantie que quand l’Homme meurt son âme va dans un autre endroit que « l’âme » des bêtes.
    Après vous allez me sortir que « lareligion » est l’opium des peuples ??
    Allons donc, je pense que trop de personnes en ce moment pensent par.. catégories. C’est à dire, qu’on prend un mot, et on fourgue des gens dedans, sans se demander le moins du monde ce que le mot pourrait vouloir dire, ni si les gens y « vont » dedans ou pas. Vous vous souvenez : « tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! », et bien… on peut se comporter pareil sans que la religion soit de la partie, et encore moins Dieu.
    Par frilosité envers le mot « religion », par bien pensance, et par le désir de nous ranger sous les bannières des.. catégories, nous sommes en train de laisser choir l’HISTOIRE européenne, qui est aussi l’histoire de ce que les religions ont suscité de BEAU et de BIEN dans notre passé.
    « Laréalité » ne peut pas être que… négative… ce ne serait pas.. réaliste…

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  3. Debra dit :

    Pour le problème aiguë qui me préoccupe aussi depuis très longtemps, pour lequel vous employez le mot « intrication », oui, on peut dire que c’est un problème qui explore la nature de ce qui fait LIEN et permet l’ENSEMBLE, le travail ensemble.
    La nature du LIEN entre deux « INDIVIDUS » ou deux plans, est complexe, et très difficile à penser. Il est tentant d’imaginer des « liens » en forme de substitution : un être va se substituer à l’autre, le faisant disparaître/effacer par la même occasion. Nous sommes tentés de penser le rapport entre les générations de cette manière, comme un rapport de pure.. substitution. Vous savez bien que le registre de pure substitution dans les générations est celui de la diachronie, et non pas de la SYNchronie.
    Penser le « ensemble, en même temps » en tant que CONTINUITE est une casse tête qui sollicite toutes les capacités de représentation qui sont à notre disposition. En découle des considérations sur la complémentarité, sur l’antagonisme, sur la symétrie, le même, le ressemblant.
    Je crois que nous y sommes aidé par la nécessité de nous y trouver confrontés dans la langue elle-même, donc, une langue qui MULTIPLIE des différences… DE CONJUGAISON, DE DECLINAISON, au lieu de les élimer, est une langue qui nous aide à.. CONJUGUER, et à maintenir une continuité.
    Si vous regardez bien l’anglais moderne, vous verrez que la conjugaison est élimée, historiquement. Cela ne me semble pas bon pour nos capacités de REPRESENTATION, donc, de pensée.

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  4. Des « exosquelettes »… faisant de « l’exosomatisation » (un peu comme pour cette « Convention citoyenne » dont le Président a vite, d’autorité, retiré trois mesures, dont la limitation à 110 km/h sur les autoroutes qui n’aurait pas eu l’heur de plaire aux concessionnaires privés d’icelles…) : on est bien partis : mais, au fait, la pandémie, dans tout ça ? 🙂

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    • alainlecomte dit :

      que dire de la pandémie qui n’ait été dit mille fois… si ce n’est que nous devons nous préparer à pire dans le futur. Le président était dans son rôle (c’était le deal d’ailleurs) quand il retirait certaines mesures comme non faisables et non, ce n’était pas pour faire plaisir aux concessionnaires d’autoroutes (!) mais bien plutôt pour s’éviter une reprise du mouvement des gilets jaunes…

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      • Debra dit :

        Encore heureux qu’on ait retiré la mesure de réduire la vitesse sur l’autoroute.
        Le Français.. est zélé… Quand on sera tous immobile, « on » se grattera la tête en se demandant pourquoi nous ne sommes pas encore plus.. en sécurité…

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