La Grande Muraille, changcheng, ce long ver qui serpente au sommet des crêtes montagneuses, j’y étais déjà venu autrefois lorsque nous étions en voyage avec C. tout autour de l’empire chinois, ce qui comprenait entre autres le Tibet et une partie du Xinjiang, j’y avais ressenti ce qu’on éprouve à la rencontre de tout lieu où souffle de loin le vent de l’histoire, on peut mettre dans le même sac le Potala de Lhassa, le parvis de la place Saint-Pierre un jour de bénédiction papale, le Taj-Mahal, Epidaure, Pompéi, Timgad, le temple d’Alchi en Inde du Nord et sans doute ces splendeurs que je n’ai pas encore vues ou que je ne verrai jamais … la Grande Pyramide… Palmyre… les jardins de Babylone (mais qu’en reste-t-il?), autrement dit un court instant de vertige – après quoi on s’adapte, il faut bien vivre – face à un bloc de temps qui nous aspire. Je la revois aujourd’hui, au site de Mutianyu. Mutianyu… what is the meaning ? Il y a bien tian dedans, on pourrait croire « le ciel » mais , vérification faite ce n’est pas le même caractère, un homonyme sans doute, alors quoi d’autre ? On est un peu déçu quand même quand on sait que ce que nous voyons n’est qu’une reconstruction de l’époque des Ming (XVIème siècle) alors que ce à quoi on rêve c’est la toute première déjà érigée à l’époque des Royaumes Combattants et parachevée à celle de l’empereur Qin, le plus terrible, le plus puissant, celui en l’honneur de qui deux mille deux cents ans plus tard, on baptise, nous occidentaux, ce pays du nom de Chine. Mais ça ne fait rien, et même si les abords du site, les cafétéria modernes, les halls de commerce et la ligne de téléphériques qui grimpe à l’assaut de la pente nous donnent à penser à une attraction de foire, une fois arrivés là-haut, on a le sentiment que les milliers de kilomètres (6700) sous nos pas pourraient nous faire basculer de l’autre côté de l’histoire moderne, vers un temps d’expéditions et de combats ou un temps de disette, et d’abandon car il y a bien dans les souvenirs quelque histoire de soldat qui s’est perdu au long de ces murs ou qu’on a abandonné à sa garde, pétri de froid ou dévoré par les loups.
L’obsession de construire des murs, qui nous hante encore aujourd’hui, puisqu’on en parlait même à Calais où il s’agit de contenir le flot des migrants, autrement dit ceux qui s’en vont parce qu’ils n’ont plus de sol pour vivre, cette obsession est vieille des débuts de l’humanité, on connaît aussi en Europe le mur d’Hadrien (que j’ai omis dans ma liste de tout à l’heure, mais il est vrai que ses vestiges sont modestes, dans le nord de l’Angleterre) mais elle ne connaît pas partout l’ampleur de cette construction de briques et de pierres qui, de loin, fait ressembler la montagne à un dos de dragon hérissé d’écailles. En cette fin du mois d’octobre, la muraille se baigne dans un océan mouvant de couleurs automnales pendant que des parapluies rose-bonbon et verts fluos à cause des gouttes qui commencent à tomber lui donnent un air de Mary Poppins bien peu en accord avec sa destination guerrière. Notre chauffeur qui nous sert aussi de guide est bien sympathique, il avait tout prévu, même les bouteilles d’eau, nous devons sa présence à l’obligeance d’un correspondant d’une firme française de voyages organisés pour laquelle travaille notre fils Y. Il n’est pas facile de converser, mes rudiments de langue chinoise le font plus souvent rire que comprendre ce que je veux dire. Nous avons l’application WeChat, bien commode pour les traductions simultanées, l’iPhone dernier cri nécessaire pour cela était prêté en cadeau…
J’aime beaucoup ce glissement de la visite « organisée » au surgissement de ce « soldat qui s’est perdu au long de ces murs ou qu’on a abandonné à sa garde, pétri de froid ou dévoré par les loups ». Et je ne suis jamais allée là bas alors merci de me faire visiter comme si j’y étais vraiment
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Merci Aline, je suis très honoré de votre passage. Pas très facile ici de faire du « blogging » compte-tenu du blocage de certains sites informatiques, mais on arrive à contourner par des voies déviées.
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muraille franchissable et photos délectables…
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