C’est dur à croire, mais plus jamais, non plus jamais je n’aurai de cours à préparer… Cet après-midi, vers 14h 15, j’ai dit aux étudiants qui se trouvaient là : « vous continuerez ça l’année prochaine, mais ce n’est pas moi qui l’enseignerai car aujourd’hui, c’était mon dernier cours »… Stupeur. L’une a dit « waouh ! De toute votre vie ? », « Oui, j’ai dit, mon dernier cours de toute ma vie ». Un autre a dit : « vous allez être retraité, alors ? », « oui », et la première à demandé : « ça vous fait plaisir ? », « oui » , ai-je répondu, « mais qu’allez-vous faire ? », je n’ai pas répondu. Juste, évasivement : « plein de choses, dont m’occuper de mes petits enfants ». Et nous nous sommes séparés. A vrai dire, lorsque je disais ça, j’éprouvais une certaine émotion, mais en même temps, une absence de croyance, comme les gens qui portent un deuil mais ne s’en sont pas encore vraiment rendu compte. Il va me rester à gérer les examens et divers rapports. Des obligations liés à la recherche jusqu’à la fin de l’année, puis après… on verra. C’en sera fini en tout cas de ces petites épiphanies que j’aurai provoquées chez des esprits encore assez jeunes pour que la soif de connaître soit en eux une seconde nature, et que je croyais voir parfois s’ouvrir à une compréhension soudaine de ce pourquoi une idée pouvait découler d’une autre. Mon contact avec ces personnes, quelques garçons, mais surtout des filles, aura été, malgré la lourdeur du système éducatif, son caractère de plus en plus administratif, malgré aussi les conditions plutôt mauvaises dans lesquelles s’effectue l’enseignement aujourd’hui (encore que… il y a pire ailleurs) une multiplicité de petites joies, une potentialité de surprises dont je préfère ne garder en souvenir que les bonnes, perles dans les copies, naïvetés excusables ou questions surprenantes. Qui, à tout prendre, valaient mieux que des silences. Mais au fond, y a-t-il quelque chose que l’on comprenne de ces auditoires face à soi, qui miment la réception parfaite ? ne sont-ils pas les purs reflets de soi-même, de ce que l’on voudrait que soit la manière d’entendre ce que l’on dit ou professe, alors que ne s’y manifeste que le bruit mat que font des pierres envoyées contre un mur plein ? Ou bien, loin d’être ce mur opaque, ce genre d’auditoire agit-il comme celui d’un court de tennis, en apparence passif, mais qui, en vous rendant à chaque coup la balle, joue sa partie, même si de façon muette ? Ne faut-il pas accepter que, comme le disait ce bon Roland Barthes, « pour le professeur, l’auditoire étudiant est tout de même l’Autre exemplaire parce qu’il a l’air de ne pas parler – et que donc, du sein de sa matité apparente, il parle en vous d’autant plus fort » (Le bruissement de la langue, essais critiques IV, alentour de l’image). C’est de cette parole, très particulière, que Barthes a rapprochée de la parole psychanalytique – le professeur n’étant pas l’analyste, mais au contraire, l’analysé – que je serai donc privé. A moi désormais d’en retrouver l’équivalent ailleurs ou d’une autre façon, sauf à prétendre que l’analyse est désormais terminée. Ce dont je doute.
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Le jour où l’analyse est terminée (si elle a jamais une fin), on peut analyser les autres – enfin, d’après ce que j’en sais livresquement.
Belle « retraite » ou « traite » tout cours… d’autres joies et « petites épiphanies » qui t’attendent !
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Merci! le blog est en un sens une certaine continuation de cette analyse…
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oui, une autre vie après cette vie-là, l’analyse, sans le rituel des réunions inutiles, mais sans les visages jeunes réceptifs. (Veiller à ne pas s’enfermer dans la génération des retraités, leurs activités et leurs rites).
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Je ne crois pas au silence de l’auditoire. Ils résonnent fort, longtemps. Leurs mots restent à défaut de leurs noms curieusement. Une classe n’est jamais silencieuse. Au contraire, plus c’est calme, plus cela crie!
Beau retrait à vous. Je pense que votre silence est déjà rempli!
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A en juger par tes articles mis en ligne et les réactions que tu as fait naître, les paroles continuent à vivre. Je préfère mettre mon petit mot au sujet de la retraite que je n’avais pas vue, car c’est un moment qui n’est pas anodin. Tu vas avoir du temps et je sais que pour la compagne affairée, les nouveaux rythmes différents ne sont pas forcément faciles.
Portez-vous bien.
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Merci Guy, et à bientôt, nous aurons donc plus de temps pour nous rencontrer!
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