(du 30 décembre)
Hier, drame de la montagne face au chalet. La Dotse est cette montagne un peu plus basse, un peu arrondie au sommet, où l’on va volontiers en été cueillir les edelweiss, mais en hiver, en ce temps-ci, la neige là-haut se soulève et tourbillonne emportée par le vent. Les skieurs chevronnés la gravissent puis empruntent ses flancs pour la glisse. Hier donc, cela a mal tourné pour l’un d’eux. Vers 20 heures, un hélicoptère de la compagnie de sauvetage locale, Air Glaciers, est venu s’obstiner en ce bout de vallée, rotor vrombissant, projecteur dirigé vers les sombres pentes, comme un bulldozer aérien qui sans cesse s’attaquerait aux ombres pour les faire reculer et sans cesse reculerait pour mieux repartir à l’assaut. Inlassable. De temps en temps prenant du répit, s’éloignant, montant dans le ciel jusqu’à ne plus être qu’un point rouge, puis redescendant, restant en vol stationnaire, une ou deux minutes, repartant à l’assaut, enfin localisant, déposant alors des hommes, des sauveteurs, des guides, un par un, à chacun se posant presque puis remontant dans les airs à la façon d’un ascenseur, pour aller cherche un autre homme et à nouveau le déposant et ainsi de suite exécutant ces navettes avec le sérieux, l’abnégation d’un chien d’avalanche. Vers 21 heures, il a retraversé le ciel noir comme une flèche, soutenant par un câble un paquet allongé que l’on devinait renfermant un corps, puis se posant deux kilomètres plus bas pour transmettre son butin. Revenant alors chercher les hommes (ou peut-être aussi des femmes, de si loin, comment savoir ?) qu’il avait déposés et qui, à ce que l’on pouvait déduire de ce premier passage aérien, avaient terminé leur tache. L’exploration avait eu lieu dans un couloir très avalancheux, on pouvait voir d’ailleurs, au bas, un amoncellement de neige en forme de cône. Puis la nuit s’est refermée sur son silence. Peut-être certains habitants du hameau, plus religieux que d’autres, ont prié pour que le corps enlevé à la neige soit encore en vie. D’autres ont spéculé sur les circonstances qui ont pu amener quelqu’un à se trouver dans ce couloir précisément, alors que tout laissait penser qu’il y avait danger. M. nous dit qu’il avait vu l’avalanche se produire vers 16h30. Le lendemain matin, les nouvelles devaient arriver. Elles n’étaient pas bonnes. L’homme que l’on avait sorti des neiges était mort à son entrée à l’hôpital de Sion. L’homme n’était pas un novice. Il était même le garde chasse de la contrée. Le plus jeune garde-chasse de Suisse. Il n’avait que 31 ans. Un reportage de la télé suisse romande, il y a peu, avait été réalisé sur lui. En descendant de la Dotse, il s’était retrouvé trop bas. Avait jugé peut-être qu’il était inutile de remonter. Qu’il était possible de couper pour rejoindre le chemin normal. Il fut emporté par l’avalanche à vingt mètres de cette trajectoire normale, à cent mètres à vol d’oiseau de chez nous, nous au coin du feu, attendant les invités, débouchant le vin blanc. Comme on dit dans les ballades de Paul Fort chantées par Brassens : « allez, pleurez, les Anges ».
(photo: Le nouvelliste)
Hélas, la montagne n’est pas ce paradis serein dont les pubs pour touristes nous vantent les beautés.
Même un pilote automobile peut sortir de piste…
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