Lorette est au milieu de nous. Elle s’est pointée jeudi vers 21 heures pour nous saluer. Nous, c’est-à-dire : A., l’homme de cinquante huit ans qui en fait dix de moins, M., la jeune photographe qui ne travaille qu’en chambre, et moi, dans ce petit village de la Drôme qui cache en son nom un secret. Sa haute taille évoque la descendance d’une lignée de chevaliers, ce qui est en accord avec le livre qu’elle vient de publier : « La clôture des merveilles », une vie de Hildegarde de Bingen, moniale du XIIème siècle. Elle nous parle d’emblée de cette idée de littérature pour laquelle il n’est de vraie reconnaissance que par nous-mêmes.
Lorette est parmi nous, elle tente de nous faire partager sa foi dans le Verbe. Atelier d’écriture où l’on « n’apprendra » pas à écrire, car ce que nous avons besoin de connaître pour cela, nous le possédons déjà en nous. Elle dit que l’écrivain est d’abord un lecteur, et qu’il faut lire. Elle a déposé une montagne de livres sur la petite table autour de laquelle nous partageons nos écritures. Exercices simples à énoncer : apprendre à regarder le regard de l’autre, s’imprégner des lettres de notre nom, mettre en accord une image et une musique. Dans ce dernier exercice, il s’agit de saisir la différence entre force et hauteur. Nous finissons par reconnaître que les textes ont une vibration (la ponctuation, la part ménagée au souffle). Elle dit qu’écrire, c’est descendre en soi et demeurer au plus près de son épine dorsale, celle qui nous fait tenir droit. Que, dans cette descente, nous rencontrons la Lettre, unité discrète, séparante, autour de laquelle le Vide circule, et que, lorsque nous accédons à elle, la Lettre, cela signe le deuil de la libération de notre trop-plein d’être, de la possibilité de nos épousailles avec le Réel, la Nature, le continu.
Au deuxième jour, elle dit que la poésie a commencé de venir en nous.
Dans son lit, H. écarquille les yeux sur ce ciel qui est en elle : chaviré et trouble de vent, d’air, de lumière et de bleu. Longtemps, elle boit la foule des étoiles jusqu’à s’endormir pour mieux se réveiller dans le monde des âmes où, en une nuit, l’enfant H. vieillit de plusieurs siècles. (La clôture des merveilles, p. 21)
Merci à Lorette, à A. et à M(1). pour avoir permis cette merveilleuse aventure d’un week-end, et merci à Christophe, l’intendant et cuisinier plein d’humour et d’entrain, qui nous aura préparé tout au long de ces trois jours des mets simples mais succulents.
(1) on peut voir ici les extraordinaires photos de Marine Lanier
Coïncidence… je participais samedi à un atelier d’écriture : certes, ce n’était pas avec Lorette Nobécourt mais avec une « auteure musicienne », Manuelle Campos [ pas eu le temps d’en parler sur mon blog car mon compte du monde.fr est bloqué à cause de la perte de mon mot de passe ]. Est-ce que Lorette Nobécourt fera un autre atelier prochainement, si possible pas trop loin de la Bretagne ? Préviens moi …
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Elle ne les fait que dans la Drôme, près de chez elle, mais je t’assure que ça vaut la peine, Sa voix porte loin et surtout profond en nous (même si tu peux ne pas être toujours d’accord). C’est trois jours en isolement dans un paysage magnifique, une maison simple mais où tout ce qui est nécessaire est réuni, un cuisinier drôle et sympathique. Si ça t’intéresse, regarde sur son site, je crois qu’elle a plusieurs dates en prévision, fin juin, en aout et en septembre – octobre.
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pouvez vous donner les références ou le lien à son site ? merci 🙂
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Un atelier est-il bien nécessaire à partir d’une certaine expérience; par exemple votre article sur l’arrivée à Montréal était d’une belle écriture; mais je pense que cela va bien au delà de la technique. En tous cas en Drôme on n’est jamais loin de l’été.
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Bonjour Guy! Notre expérience n’est jamais vraiment suffisante, on peut toujours en tout cas accroître la conscience qu’on en a, et puis en l’occurrence, ce qui apporte beaucoup c’est le contact avec un écrivain, et je tiens Lorette Nobécourt pour une grande écrivaine. Ce qu’elle fait passer par sa parole et sa présence est inestimable. A bientôt j’espère.
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L’écriture est aussi une gastronomie typographique.
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c’est vrai qu’avec l’encre, on fait parfois des pâtés…
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