La gauche, le pouvoir et l’Espagne

Il fallait donc qu’elle le fasse… Lorsque j’ai lu le titre accrocheur de Christine Angot dans « Libération » du 24 mai : « DSK vient de prouver  qu’il est de gauche », j’ai bondi, j’allais en savoir plus. Mais en gros, l’auto-f(r)ictionneuse ramène l’affaire à une question de préférence sexuelle : « De Zahia à Carla Bruni, dit-elle, il aurait pu cibler n’importe qui. Là il n’a pas eu la sexualité d’un chef ». Rajouter : « Personne n’imagine qu’il a eu envie d’elle parce qu’il se savait comme elle, pour qu’elle le sauve de tout ce mensonge autour de lui », c’est de la mauvaise littérature, on n’y croit pas. Je m’attendais plutôt à ce que l’on dise – ce que je serais presque disposé à penser – que DSK avait prouvé qu’il était de gauche par le simple fait d’avoir créé les conditions de son refus obligé du pouvoir. Car au fond, être de gauche, n’est-ce pas avoir la conviction, chevillée au corps, d’une égalité fondamentale entre les êtres humains ? Et, partant de là, éprouver une répugnance à se poser en chef, c’est-à-dire en supérieur à tous les autres ?  Qu’y a-t-il de plus antinomiques que les notions de « gauche » et de « pouvoir » ? En particulier de pouvoir au sens de la constitution de la Vème République ? Constitution monarchique, on l’a dit sur tous les tons. Or, a-t-on vu de mémoire d’homme un « roi de gauche » ? Ceci est à modérer, j’en suis d’accord, par les toutes premières années du pouvoir mitterrandien… mais vous admettrez que ce fut de courte durée.
De vrai président de gauche, je ne me souviens que dans un pays et ce fut dans les années soixante-dix, quand Salvador Allende eut les rênes du pouvoir au Chili, pendant quelques mois. On sait ce qu’il advint.
Le pouvoir et la gauche ne se marient pas.
Soit que des forces extérieures brisent leur alliance par le meurtre ou le suicide, soit que cette alliance donne lieu aux pires déprimes, au sentiment d’une trahison, à la dépossession de soi. Bref, au syndrome Beregovoy, qui se résout là encore par le suicide.
Admettons-le : la gauche sera « au pouvoir » en France non par le fait d’un homme, mais par celui d’une foule en mesure enfin de bousculer les institutions et de contraindre à ce que s’invente une démocratie. Une révolution ? Pourquoi avoir toujours en tête les représentations sanglantes associées à ce terme ? Une révolution n’est rien d’autre qu’une mise en cause radicale, un tour complet pour revenir, non pas comme on le dit trop souvent, « au même point », mais dans une situation où, entre temps, les choses ont radicalement changé.
Le mouvement espagnol actuel, de ce point de vue, me semble tomber à pic. Il touche en plein cœur les défauts essentiels de nos sociétés développées occidentales (ce en quoi il se distingue un peu des mouvements dans les pays arabes). Il s’en prend aux pouvoirs, aux institutions. Les gens crient : « vous ne nous représentez pas ! » à l’adresse des politiques, tant ceux du PSOE que ceux du PPE, et, à la lettre, ils ont raison. Dans leur diversité, ils expriment une notion de rassemblement, et le désir que les modes de représentation politique soient différents. Le mieux que l’on puisse espérer est que ce genre de mouvement fasse tache d’huile.

Rêvons que la perspective d’une élection présidentielle soit, d’ici mai 2012, balayée par un mouvement de masse opposé à ce qu’on continue à élire tous les cinq ans un monarque qui peut se permettre absolument n’importe quoi, depuis les écoutes téléphoniques jusqu’à l’espionnage des mœurs par sa police politique (lire, cette fois,  « Le Monde » du 25 mai, p.3).

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2 commentaires pour La gauche, le pouvoir et l’Espagne

  1. L’article d’Angot a souffert de la comparaison, sur la même page de « Libé », avec le dessin de Willem !

    Quant au « monarque » que l’on élit tous les cinq ans, oui, l’exemple espagnol peut donner de l’espoir : mais un jour, il faut bien se mettre aux commandes de l’Etat…

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  2. alainlecomte dit :

    oui, il y a toujours un moment où ça bascule… dans le pouvoir. Jusqu’à la fois suivante. Mais entre temps, on a vécu des moments qui font évoluer la donne. Changer la constitution ne serait pas un luxe. Les pays scandinaves et l’Allemagne ont des institutions plus démocratiques que les nôtres. Montebourg… pas si mal.

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