Nuage rouge

C’est la dernière semaine pour Mondrian. Un moment de libre et j’y suis allé ce lundi cherchant sans doute quelque consolation dans cette recherche solitaire que fut, durant toute sa vie, l’œuvre du peintre néerlandais. Comme beaucoup d’expositions, celle-ci manquait de place pour s’étaler, tous ces carrés, toutes ces lignes auraient mérité davantage d’espace mais ici, tout était ramassé, blotti : la reconstitution de l’atelier donnait l’impression d’une visite d’appartement modèle dans une foire d’automne. Et pourtant… Devant ces meubles géométriques, ces pavillons élégants où toutes les lignes concourent à l’harmonie, je ne pouvais m’empêcher de penser : « voilà une modernité que nous n’avons toujours pas atteinte ». Comme quoi, la beauté est de bien peu de poids dans les choix architecturaux. En dépit de cette sensation d’étouffement, on soulignera surtout l’intérêt de la première partie de l’exposition : quand tout cela se préparait. Quand ces peintres épris d’absolu tiraient leur inspiration du courant théosophique, Annie Besant, Krishnamurti … Cela donne des toiles étrangement austères et dans l’esprit du symbolisme, et où déjà apparaît l’obsession des lignes, comme dans ce clocher zélandais rose et vert ou ce chrysanthème pourrissant (« métamorphose »), ou bien encore, un peu plus drôle, cette série de vaches peinte par van Doesburg. « Le nuage rouge » nous sert le cœur (mais c’était involontaire au moment où on a conçu l’exposition) car il rappelle immédiatement un autre nuage, hélas. « Bois » de Jacoba van Heemberck (1912) s’harmonise avec le thème de l’arbre, abondamment travaillé par Mondrian.

De l’arbre comme réseau de nervures dessinant des lignes de tension autour desquelles s’organise l’univers visuel. On pense à ces théories contemporaines de la vision et de l’écriture qui prétendent que les formes des lettres de nos alphabets ne sont pas choisies au hasard : elles correspondraient aux lignes frontières les plus répandues dans la nature. Quête obstinée du sens. La figure de Mondrian demeure impassible et fermée même quand il parcourt les rues de New-York et nous fait sentir les vibrations urbaines dans son boogie-woogie, dernière œuvre, où les barres noires du grillage enfin se volatilisent pour donner des raies de lumière.

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2 commentaires pour Nuage rouge

  1. « Sensation d’étouffement » ? Je n’ai pas eu du tout cette impression quand j’ai visité l’expo. Il est vrai que c’était à une autre date.

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  2. Lali dit :

    Ah Mondrian!
    Souvenir d’un voyage à LA Haye pour voir son triptyque intitulé EVOLUTION…

    Et ce soir, dans le cadre du festival international du film sur l’art, rendez-vous avec lui dans son atelier le temps d’un film réalisé par François Lévy-Kuentz…

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