Immigration : le paiement d’une dette

Le texte de la lettre d’Evo Morales sur la « directive retour » (cf. mon précédent billet) pose la question de l’immigration dans son réel cadre historique, économique et politique. C’est la première fois que je vois le problème aussi clairement posé.

En substance, ce que dit le leader bolivien est ceci : lorsque l’Europe était en proie à la famine et aux guerres, vous êtes venus chez nous et personne ne vous a chassés, et vous n’aviez pas besoin de visa, vous avez pillé nos ressources (en particulier minières dans le cas de la Bolivie), et maintenant vous nous fermez la porte au nez quand nous avons besoin de vous. Il dit aussi que l’émigration vers les pays développés est une manière, pour les pays pauvres, de compenser la pingrerie des nations riches qui ne sont même pas capables d’allouer 0,7% de leur PIB à l’aide au développement. Les émigrés, par leurs envois à leurs familles, fournissent une rentrée de devises qui aide les populations de ces pays à vivre. Coupez aussi ce robinet et les pauvres seront encore plus pauvres. Cette manière de voir les choses fait apparaître le débat sur l’immigration tel qu’il est souvent mené en Europe sous un angle un peu ridicule. Je comprends Kiki, de Posuto’s blog , qui s’émeut de la campagne agressive menée par les « anti-immigration » du fond de cet individualisme trouillard qui leur fait lancer « vous n’avez qu’à les prendre chez vous » à l’adresse de ceux qu’ils appellent les « Droits-de- l’Hommistes » (quelle honte, entre parenthèses, que de songer à utiliser les Droits de l’Homme comme une injure… ou bien serait-ce qu’en tant qu’humains eux-mêmes ils songeraient à renoncer à leurs propres droits ?). Ce genre de propos n’est évidemment pas un argument puisqu’il n’a rien de rationnel. Comme le dit Kiki, la question n’est pas là : on n’a jamais demandé à quiconque de prendre des migrants « chez soi », mais aux Etats de prendre leurs responsabilités. Je dirais surtout : aux Etats d’assumer leurs responsabilités étant donné leur passé, leur histoire, l’histoire de leurs relations avec ces peuples qui furent, à leur corps défendant, dominés durant toute la période de la colonisation (une période loin d’être soldée). Je ne dis pas qu’un pays développé (notamment la France) doit accueillir « toute la misère du monde », mais comme le disait ce pauvre Rocard dont on avait sciemment tronqué la citation, qu’elle doit y prendre sa part. Notamment, il va de soi que les anciennes puissances colonisatrices doivent assumer la responsabilité de l’accueil de ressortissants de leurs anciennes colonies qui en font la demande, s’ils ne sont pas capables d’aider celles-ci à s’en sortir économiquement. Quant aux pays situés dans l’Europe géographique si ce n’est encore dans l’Europe politique (je pense au Kosovo, à la Serbie, à l’Albanie etc.), les pays développés d’Europe s’honoreraient aussi à partager leur aide, eux qui ne sont pas toujours innocents au sujet de leurs déchirements actuels.

Cet article a été publié dans Actualité, Immigration. Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Un commentaire pour Immigration : le paiement d’une dette

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s