Que des bons sentiments ? Et alors ? Que de la beauté ? Et alors ? N’en avons-nous pas besoin tous les jours ? Beauté des paysages de bord d’océan et de larges vallées, beauté des cerisiers en fleurs, beauté des jeunes femmes, de la plus jeune, Suzu, à la plus âgée, Sachi, beauté des lèvres roses et des kimonos noir et blanc, des érables rougeoyants et des intérieurs en bois et papier, beauté des cérémonies funéraires, grâce des mains qui se joignent et des bustes qui s’inclinent en marque de respect. Le magnifique film de Kore Eda Hirokazu, qui succède à un autre grand film que fut « Tel père, tel fils », et qui a pour titre en français « Notre petite sœur » mais dans la version originale « Le journal de Umimachi » (Umimachi diary), tiré d’un manga, c’est Tchékhov au Japon, quelque chose de « La Cerisaie » et des « Trois Sœurs » en même temps, la tragédie en moins. Dans la mélancolie, la douce fuite du temps, les questions existentielles de ces quatre femmes (ou trois plus une puisque la dernière est encore une enfant), leurs déboires amoureux, leurs réflexions sur le destin des choses et sur la mort (la plus âgée, Sachi, acceptant de prendre la responsabilité, dans son hôpital, du secteur des soins palliatifs). Avec en plus humour et drôlerie – la petite qui fête son premier but marqué au foot en buvant un verre d’alcool de prune… et juste ce qu’il faut de mystère sur un passé qui ne sera jamais entièrement dévoilé : elles ont le même père, qui vient de mourir loin des trois grandes, mais dont la plus jeune ne connaît pas grand-chose non plus, si ce n’est qu’il lui faisait parfois des tartines aux alevins, les trois grandes ont la même mère, qui les a laissé tomber il y a quinze ans pour aller vivre à Sapporo, et revient pour honorer la mémoire de sa propre mère et en profite pour suggérer qu’on vende la maison. Quant à la mère de Suzu, qu’en savons-nous ? Faut-il croire ce que crie Suzu quand elle se lâche, comme ce jour où, pour la première fois de sa vie, elle s’est soûlée d’alcool de prune ? Thème fréquent des films de Kore Eda : les parents sont souvent irresponsables, moins mûrs que leurs enfants. Ici, comme dans « Nobody knows » déjà, ce sont les enfants qui s’organisent entre eux du fait de la démission des parents, mais à la différence du film ancien, ce n’est pas dans la douleur, l’abandon et la pauvreté, mais au contraire dans l’harmonie des jours, sous la douce responsabilité de la plus âgée. La caméra de Kore Eda est virtuose, elle montre des plans superbes de jeunes femmes gracieuses grimpant les pentes raides des rues de Kamekura ou des monticules de terre en haut desquels sont perchées de vieilles maisons de bois, un vieux restaurant en bordure de plage dont la spécialité est le maquereau grillé, Suzu à vélo avec son camarade de foot sous les cerisiers en fleurs, des traces de pas dans le sable, dans lesquels les quatre filles essaient de remettre leurs propres pas, des tortillards qui relient des villages paumés dans la montagne – tous les trains japonais ne sont pas des Shinkansen ! – des recettes de cuisine et des prunes qui s’épanouissent dans les bocaux dorés remplis d’alcool. Natures mortes, nature vivante et vie urbaine réglée au quart de tour. Le Japon qu’on aime.
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Les Japonais ont une approche du cinéma qui semble totalement imbriquée dans l’histoire de leur pays (loin des petites comédies françaises copiées sur « Au Théâtre ce soir ». Il est vrai qu’ils ont de grands prédécesseurs.
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