Il y a quelque chose de confondant dans les commentaires que nous entendons à longueur de journée après la défaite des bleus en Coupe du Monde, et il semble que ce soit un « philosophe » qui ait donné le ton. A savoir celui qu’un commentateur sympa d’un de mes billets récents nomme « Finkie ». Qu’a dit en substance Finkie ? Que tout ça… c’est la faute des banlieues. Il a trouvé une jolie formule pour ça : « l’esprit de la cité remplacé par l’esprit des cités ». C’est ce qu’on appelle une approche bottom-up : ce qui va mal dans la société (ou dans le sport) trouve son origine dans ses strates les plus basses, chez les plus misérables, les plus laissés pour compte, qui ne trouvent rien de mieux, à ce qu’on croit comprendre, que secréter pour se venger une idéologie malsaine qui s’insinue dans le corps social telle une gangrène.
Ainsi, ces joueurs benêts, qui roulent en Ferrari, achètent des prostituées, et s’enferment, pleins de morgue, dans des palaces cinq étoiles, ce serait des Cités qu’ils s’inspirent. Si un joueur grande gueule traite son entraîneur de « fils de pute » c’est parce qu’on parle comme ça dans les banlieues.
Drôle de raisonnement, où je verrais plutôt une inversion des effets et des causes. A l’approche bottom-up, je préfère l’approche top-down. Allons, Finkie, d’où vient l’exemple ? Des banlieues vraiment ? On peut aussi penser que ce qui va mal dans une société et dans le sport vient plutôt du pourrissement de la tête, et que lorsqu’un chef de l’Etat se permet de traiter un de ses concitoyens de « pauv’ con », l’exemple vient de haut. Rouler en voiture de luxe, se payer des cinq étoiles, arranger des rencontres clinquantes, arborer ostensiblement la Rolex au poignet ne sont pas des comportements de cité, mais bel et bien des comportements de notre prétendue élite.
Il y a une tendance bien française qui devrait nous faire peur : croire que « le monde nous envie ». Les joueurs bleus perdaient déjà leurs matches avant mais ce n’était qu’apparence : lors du Mondial, on allait voir ce qu’on allait voir, puisque nous avions quelques-uns parmi « les meilleurs joueurs du monde ». Similairement il est entendu que la terre entière a les yeux braqués sur nos intellectuels, quant à notre chef de l’Etat… n’en parlons pas, ils paieraient cher, les autres, pour en avoir un comme ça. Seulement voilà, quand on regarde plus avant, le Roi est nu, les soi-disant meilleurs joueurs du monde ont en réalité un niveau technique lamentable (dixit Arsène Wenger hier), quant aux autres… je vous laisse deviner la suite.
Beautés de l’Afrique du Sud…
(photo prise sur le site http://wwwbergoiata.org)
ça c’est bien dit ! voilà qui remet les pendules à l’heure !!! Bravo !
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C’est gentil de me citer, mais je dois dire que la formule n’est pas de moi, mais de Sébastien Fontenelle:
http://www.politis.fr/-Sebastien-Fontenelle,060-.html
qui a consacré un livre à la question:
http://editionslibertalia.com/La-Position-du-penseur-couche.html
en fait je crois que les penseurs que le monde pourraient nous envier, s’ils existent, ne passent pas sur europe 1.
Par contre il paraît que jacques ellul est très étudié aux états-unis.
Récemment sont décédés deux grands savants français:
Jean-Marie Zemb (1928-2007) et Henri Meschonnic (1932-2009), pas très médiatisés, pourtant parmi les plus grands linguistes du deuxième 20e siècle.
il y a aussi des collectifs qui ne mettent pas en avant une personnalité en particulier pour ne pas tomber dans le piège du narcissisme, comme Pièce et Main d’oeuvre à Grenoble.
Et je suis sûr qu’en cherchant un peu, on aurait trouvé quelques bons footballers pour qui l’aventure africaine aurait représenté une occasion de montrer ce qu’ils avaient dans le ventre à la place de ces narcisses millionnaires idiots et nuls.
Mais par contre, les têtes d’affiche du cirques médiatiques sont d’une nullité crasse. Cacher ce qui se fait de bien a une fonction précise: continuer de monopoliser les places indépendamment de leur qualité, car vu le nombre de gens qui pourraient avantageusement les remplacer, il vaut mieux que personne n’en entende parler…
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On a connu les black-blanc-beur mais on n’apprend pas de ses victoires, alors une bonne défaite bien grasse de temps en temps, ça remet les pendules (molles) à l’heure.
En sport comme en politique…
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Alain Finkielkraut, dans son intervention à France Inter (cette radio plus complaisante pour un « philosophe » que deux humoristes) a atteint le fond de l’abjection.
Il ose utiliser le mot « coeur » en titre d’un de ses derniers pensums (pas lu, pas envie de dépenser un euro pour ce type qui quémande avec des subjonctifs de l’imparfait) ?
On sent qu’il jouit de la haine qu’il crachotte, qu’il se repaît dans son remugle digne d’un Maurras : l’autre jour Marine Le Pen a tenu exactement le même discours sur « les différentes ethnies » qui composaient l’équipe de France de foot.
Ils devraient écrire un livre à quatre mains : croix de bois, croix de feu, si je mens je vais à l’Académie française !
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En 1998, au printemps, en revenant du Frioul, apparait un portrait pleine facade du côté d’un immeuble marseillais en front de mer : Zinedine Zidane. Marseille c’est une ville populaire et qui vibre de ses idoles. Le stade de l’Olympique draine des foules pas pensables, tous milieux sociaux confondus.
Annonçant le lundi à des petits de cm2 sa gloire prochaine et son accès aux plus hauts rangs, cela s’est avéré juste trois mois après lors du mondial le 12 juillet 1998. Ses deux buts ont été décisifs dans la victoire de son équipe.
Il vient des quartiers nords, des cités, il jouait en bas de son immeuble avec ses potes.
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En 12 ans qu’est ce qui a changé ?
De tous temps, et en tous lieux, les mômes des favellas et d’ailleurs ont adoré jouer la balle au pied.
Idiot et réducteur de dire manière d’échapper à la misère : je dirai en premier, jouer, et en jouant être comme tout le monde, un gosse.
Depuis, s’est accentué la paupérisation et aussi le clivage dans la société.
Depuis notre élite politique marque un culte avoué et ostentatoire au dieu argent.
Depuis encore les joueurs sont inféodés aux recettes publicitaires et autres.
Et la gniaque dans tout cela ?
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Ne jugerai ni Finkielkraut, ni ceux qui conspuent les joueurs. Ce n’est pas si grave. Ils ont joué, perdre fait partie du jeu, la face du monde n’en est pas changé.
Non, je constaterai simplemement face à mon expérience professionnelle que bien des adolescents se construisent seuls, face aux images, plus que face à une parentalité fragile.
Que s’ils manquent de repères et de moralité, au lieu de s’en prendre à leurs parents qui se débattent dans des problèmes de quotidien pesant, on ferait mieux de se poser des questions sur ce que la société de pure consommation nous offre comme miroir lorsque nous regardons ces enfants, car ils en sont le reflet.
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Beaucoup à dire, toujours, après des commentaires très riches.
Pour erikanatoine: je concède qu’il ne faut pas mettre tous les intellectuels français dans le même sac. Il y a des philosophes sérieux en France. Mon chanp de connaissances englobe surtout les philosophes du langage et ceux de la connaissance, mais je citerai notamment pêle-mêle :
Bouveresse, Sandra Laugier, C. Chauviré, F. Nef (auquel j’ai consacré un billet il y a quelques temps : http://alainlecomte.blog.lemonde.fr/2009/12/18/nef-des-sages-ou-des-tropes-ma-non-troppo/), F. Recanati, M. Bitbol (j’essaierai de faire bientôt un bilet sur son dernier livre), P. Livet (le philosophe d’Aix-en-Provence), sans oublier aussi dans le passé proche des gens comme Paul Ricoeur. Et il y en a beaucoup que je ne connais pas (je n’ai pas lu Ellul par exemple). Meschonnic a été en effet un grand linguiste et poète.
pour quotiriens: les black blancs beurs, on oublie de dire que c’était un contexte politique autre, on a un peu mythifié ces bbb car cela entrait dans un moment où le pouvoir politique (n’oublions pas que c’était sous Jospin) essayait de lutter contre le racisme, c’est toute autre chose aujourd’hui, juste après un débat sur « l’identité nationale » qui n’a fait qu’accroître le racisme et la xénophobie. On ne dit jamais que les joueurs de l’équipe de France, stigmatisés depuis longtemps par la droite et l’extrême droite (« trop de noirs »), se sentent sans doute très mal à l’aise pour représenter un pays qui leur tourne le dos.
ceci rejoint le commentaire de Dominique: les voix de Finkie et celles de Marine Le Pen se rencontrent en effet.
Pour Michele: je suis d’accord, mais attention « la société » a le dos large. S’en prendre à « la société » c’est s’assurer que rien ne changera puisque rien n’est identifié comme vraie cause (la société c’est flou, c’est mou), c’est pourquoi je préfère dire que les comportements incriminés ne sont, non pas le reflet de « la société », mais de sa classe dirigeante.
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