Depuis plusieurs jours, à la page nécrologie du Monde, je vois figurer le nom de Leonardo Cremonini , peintre admiré des années soixante-dix. Je me souviens d’une exposition de ses œuvres qui eut lieu à Grenoble en 1983, quand le musée de peinture était encore l’un de ces édifices napoléoniens qui bordent la Place de Verdun, et quand il avait pour conservateur un excellent théoricien de l’art qui se nommait Pierre Gaudibert . Cette peinture fluide, en larges pans liquides mixant les mauves, les roses et les jaunes d’or, ou bien les gris et les bleus délavés, me fit beaucoup d’effet. Je confesse que dans mes rares essais de peinture qui n’étaient pas l’aquarelle, je me suis souvent vu tenter d’imiter platement de telles harmonies. Mais Leonardo Cremonini n’était pas seulement un riche coloriste, il était aussi un narrateur. Ses tableaux se regardaient à la manière de textes à déchiffrer.
Dans « Le tableau et les voyeurs », de 1971, par exemple, que voit-on ? un buste romain sur le coin d’un meuble de style soutenant un miroir, parallèlement au miroir un tableau, dans le miroir, une porte fenêtre qui s’ouvre sur un extérieur qu’on devine être une plage, et par cette porte fenêtre pénètre la tête d’une jeune fille (d’un enfant ?) qui se reflète encore partiellement dans la vitre. Jeux de miroir et jeux de plans. Le temps est en suspens. On comprend qu’en ces années « lacaniennes », cela ait plu à beaucoup. Umberto Eco, dans une préface au catalogue rappelle que « le nombre d’auteurs qui ont écrit sur Cremonini reste impressionnant : Alberto Moravia, Stephen Spender, Louis Althusser, Pierre Emmanuel etc. » et bien sûr, Eco lui-même.
« Les naïfs pensent que les miroirs servent à se reconnaître (c’est vraiment moi) et au contrôle (ma cravate est bien droite). En fait ils servent surtout à épier ce que l’on ne devrait pas voir. S’ils servent à reconnaître, ils sont toujours traumatisants (c’est moi, cet Autre ?) ; le stade du miroir pressent notre identité au moment où il nous livre pour la vie au doute et à la division. »
Chez Cremonini, chaque tableau est une fenêtre. Lui disparu, c’est donc une fenêtre qui se ferme.
« Mais Leonardo Cremonini n’était pas seulement un riche coloriste, il était aussi un narrateur. » Cette phrase est si claire et juste qui non seulement renvoie précisément aux toiles de Leonardo Cremonini mais également, et d’une manière plus générale, à l’inextricable lien entre peinture et écriture.
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huiles ou aquarelles?
Beaucoup à lire quoi qu’il en soit dans ces jeux d’ouvertures.
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ce sont pour la plupart des huiles sur toile. Certains tableaux comme « le tableau et les voyeurs » sont des mélanges d’huile et de tempera.
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Merci Alain.
Voilà un peintre dont il va me falloir explorer l’oeuvre maintenant que vous avez piqué ma curiosité!
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Quels beaux effets de lumière ! , j’aime
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Dans un premier temps, il peint des scènes de la vie quotidienne. Puis il se lance principalement sur des scènes de plage, et des atmosphères d’intérieur qui évoquent souvent les vacances, la mer, le farniente. Techniquement, ses peintures ont des couleurs vives, des formes abstraites et élégantes mais non dénuées de matière.
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