En cherchant des informations sur la poésie chinoise, une poésie qui traverse les millénaires et qui est réputée pour refléter une très haute subtilité, je trouve ceci, d’un certain Li-Taï-Po (ou Li-Bai selon les versions, voire même Li-Bo), qui aurait vécu entre 643 et 706 (c’est inouï aussi cette précision sur les dates…) :
Impatient de devenir un pur esprit,
le bouddhiste Song-Tsè
a édifié un bûcher sur le mont Kin-hoa
et s’est brûlé vif.
De son vivant, Ngan-Ki a pu atteindre le Pong-laï.
Ces personnages connaissent une félicité parfaite.
Soit ! Mais quel mal ils se sont donné !
Vous pouvez arriver au même résultat
en allant chercher dans votre cave
une bouteille de bon vin.
Evidemment, la chute est belle, allier le geste le plus simple voire le plus trivial aux recherches les plus hautes de l’esprit et associer le bon vin à la vraie félicité…
Il faut croire que les Chinois anciens accordaient une belle place à la dive bouteille si j’en crois cet autre poème de ce même Li-Taï-Po :
Si la vie est un songe
A quoi bon me tourmenter
Je puis m’enivrer sans remords
Et si j’en viens à tituber
Je m’endormirai sous le porche de ma demeure
A mon réveil un oiseau chante parmi les fleurs.
Je lui demande quel jour nous sommes.
Il me répond : au printemps,
la saison où l’oiseau chante !
Je me sens étrangement ému
Et prêt à m’épancher.
Mais je me reverse à boire
Et je chante tout le jour
Jusqu’à ce qu’apparaisse la lune du soir.
Et quand mes chants se taisent
Je n’ai plus conscience de ce qui m’entoure.
L’amour est bien sûr abondamment chanté, avec un érotisme subtil, comme dans ce poème d’un auteur beaucoup plus tardif, Li-Chuang-Kia (1703 – 1758) :
Pour aller retrouver son fiancé,
Sous le grand saule au bord du fleuve,
Elle avait mis ses deux plus belles robes
Lorsque le soleil commença de décliner,
ils causaient encore tendrement.
Tout à coup elle se leva, honteuse,
Car elle n’avait plus sa troisième robe :
L’ombre du saule.
Marylin n’avait-elle pas dit un jour que son plus beau pyjama consistait en quelques gouttes de Chanel 5 ?
Et puis quelle poésie saisit mieux l’éphémère, l’instant au coeur de la passion, comme dans ce court poème de Chang-Wou-Kien (1879 – 1931) :
Tu as laissé tomber dans la poussière
la tulipe rouge que je t’avais donnée.
Elle était devenue blanche.
En ce bref instant il avait neigé sur notre amour.
PS: Léonard Cohen s’en est allé, j’avais écrit sur ce blog en mai 2013, en retrouvant Montréal et en visitant le musée du Jazz, ceci :
La musique et les spectacles sont dans la rue. Le musée du jazz mérite le détour: les grandes vedettes ont toutes légué quelque chose, un chapeau, une veste, une guitare, en souvenir de leur passage au grand festival de jazz de Montréal… Chacune de ces vedettes a son alvéole, avec possibilité de voir et écouter des vidéos de leurs performances. Ainsi Ray Charles, Miles Davis et Leonard Cohen. Quel beau tiercé… (pour moi les trois meilleurs) les deux premiers sont morts. Quand le troisième ne sera plus là, lui non plus, le moment sera peut-être venu de nous demander ce que nous faisons encore en ce monde…
Eh bien, nous en sommes là.
Un coup de rouge a toujours été apprécié en Chine.
Leonard Cohen est parti vers le noir.
J’aimeJ’aime