C’est un beau dimanche ensoleillé. En bas de l’immeuble les familles se rassemblent autour des jeux et des ustensiles de maintien de forme physique, on fait aussi sécher au soleil des vêtements, des couvertures, des duvets. La ligne 7 du métro n’a pas encore de station à Shuangjing, il ne faut pas se fier aux plans qui la mentionnent déjà dans son intégralité. Pour aller à Ciqikou (prononcer tseu-tchi-ko), il faut faire un grand détour qui me prend une bonne heure (2 changements). Sur la bonne ligne enfin, je poursuis jusqu’à Tiantandongmen, là où se trouve une entrée du parc du Temple du Ciel. Ticket, portillon. Me voilà dans le sein des seins des empereurs Ming, là où ils se retrouvaient avec le Ciel, dont ils étaient censés être les fils. D’abord le long corridor par où passaient les plats envoyés à l’Empereur et qui provenaient des cuisines divines… En ce beau matin, les pékinois se réunissent pour jouer aux cartes ou faire du commerce. La pièce maîtresse du complexe est le fameux Temple pour l’obtention de bonnes moissons. Une fois l’an (depuis 1420), l’Empereur venait ici pour implorer le Ciel afin qu’il accorde au peuple, essentiellement paysan, de bonnes récoltes. Architecture formidable, en bois et pourtant sans un seul clou, toit soutenu par d’énormes piliers rouges au nombre de vingt-huit, quatre au centre pour symboliser les saisons puis une première circonférence de douze piliers pour marquer les mois de l’année et une autre encore marquant les heures du jour (le jour chinois traditionnel étant divisé en douze parties et non en vingt-quatre). On voit les tablettes des huit premiers empereurs de la dynastie des Ming. Le dernier n’a pas voulu déposer la sienne. Il avait honte d’avoir été vaincu. Sur le pont Danobi, une plate-forme en marbre marque l’endroit où l’empereur faisait une halte pour se changer avant d’entrer dans le temple, aujourd’hui transformée en magasin où l’on peut louer des costumes d’époque (!).
En partant sur le côté, on atteint le Palais de l’Abstinence où l’Empereur séjournait pendant trois jours afin de se purifier avant la cérémonie, aujourd’hui lieu où l’on expose la lignée des empereurs et un dessin de Confucius, homme chafoin à la barbe en pointe. De retour vers le pont, on atteint le Temple du Ciel proprement dit, plus petit que le Palais des moissons et ceint d’un mur aux briques si finement travaillées qu’elles sont dotées de propriétés acoustiques particulières : n’importe quel bruit, même un chuchotement, est supposé se propager de l’autre côté de sa source. Evidemment, étant donné la foule de gens qui se pressent bruyamment autour de l’édifice, il n’est pas question d’essayer… Plus loin, l’autel circulaire, trois anneaux de marbres entourant une plateforme au sommet de laquelle se tient une pierre ronde. Sur cette pierre, l’Empereur ou son porte-parole pouvait se tenir et faire ses proclamations, là encore, des astuces liées à la pierre choisie permettent de faire résonner le son des mots afin que tout le peuple puisse entendre…
En partant du parc, je longe une grande avenue qui conduit à la station Ciqikou, de loin des immeubles de verre et d’acier, des hotels, des sièges de société, de près des petits ateliers et toute une vie qui s’installe sur les contre-allées, avec ses ateliers de bricolage et de réparation, ses vendeuses de vêtements (deux ou trois robes accrochées à des cintres en plastique) et ses petits entrepreneurs de construction.
La place Tian-an-men n’est pas loin, que j’atteins par le métro, aussi. A la sortie, surprise : on ne se promène pas librement ! Des contrôles de sécurité sont mis en place où l’on doit faire la queue. Non seulement, cela sert à contrôler les bagages, comme dans le métro, mais à contrôler aussi l’identité des visiteurs chinois. Présence policière importante. Gigantesque bouquet factice pour commémorer les cinquante-cinq ans de la révolution… d’un kitsch monumental. Barrières métalliques prêtes à être déployées partout en cas de troubles. Et la place ferme à cinq heures… Adieu Mao.
Palais de l’Abstinence (belle photo !)… et la place Tian-an-men, Palais du révisionnisme (« l’impensé radical » de l’événement effacé de la mémoire officielle)…
Il faut chiner les souvenirs politiques.
J’aimeJ’aime