Happy snow

Hier soir, la route de Cormoret (canton de Berne) à La Chaux-de-Fonds était solitaire et gelée, nous étions, C. et moi, parmi les rares à circuler, il ne neigeait presque plus, seuls des traits fins et lumineux striaient les halos des réverbères comme derniers témoins d’une neige qui était tombée toute la journée. Mais ici, quoi de plus habituel en hiver ? On n’y pense même pas. Demain peut-être il fera, comme chaque année, – 35° au fond de la petite vallée de la Brévine toute proche, mais on n’en fera pas une histoire.

C’est comme ça ici, dans ce petit coin de Suisse romande. La route était donc ouateuse et glissante et, arrivés au rond-point de la Cibourg, là où les routes de Bienne, de Saint-Imier et de la Chaux-de-Fonds se rencontrent, nous sommes partis dans une élégante glissade, comme des patineurs rêveurs. Mais pas de mal, après un tour complet, j’ai réussi à viser juste.

Vue de France, la Suisse évoque inéluctablement l’interdiction des minarets, le renvoi des étrangers délictueux, les banques, Gstaad et ses vedettes people, le dumping fiscal et les villas luxueuses des rives de la Limat. Mais entre Franches Montagnes et mont Chasseral, c’est une autre Suisse. « La » Suisse, dans le fond, existe-t-elle vraiment ? J’en doute. Assemblage de vallées chacune avec son particularisme, confédération de cantons qui gèrent, chacun à sa façon, lois sociales et systèmes scolaires, la Suisse prend les allures d’une Europe en miniature. Nous sommes ici dans la Suisse ouvrière, celle que l’industrie horlogère a rendue prospère.

Saint Imier abrite encore les ateliers de « la » Longines et le vallon vit économiquement des petites usines de décolletage qui survivent à la mondialisation. Suisse à tradition anarchiste : cela peut surprendre. Et pourtant c’est ici qu’eut lieu le premier congrès de l’Internationale Anarchiste, en 1872, réaction aux tendances autoritaires du marxisme. Plusieurs années plus tard les grands révolutionnaires de l’époque se réunissaient à Renan ou dans d’autres villages avoisinants. Le Locle et la Chaux de Fonds restent les seules villes de Suisse à demeurer à gauche, dirigées par des coalitions roses, vertes, rouges. Ce petit quadrilatère jurassien résiste à la gangrène du populisme alpin, qui réunit en une sainte et sinistre alliance, la Ligue du Nord italienne, le parti de Jörg Haider en Autriche et l’UDC helvétique. Puisse-t-il y résister longtemps.

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7 commentaires pour Happy snow

  1. Quotiriens dit :

    Un bout de canton résiste, entouré de popularium, fascistum, negationum.
    Heureusement, le blanc recouvre tout de son manteau léger et isolant. Joyeux Noël.

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  2. Serval dit :

    Mais Bakounine n’avait pas les qualités organisationnelles et manoeuvrières de Marx, loin s’en faut… Imaginez ce qu’aurait pu être le XXe siècle si le socialisme (il n’y avait pas encore à l’époque de différence bien établie entre les mots socialiste, communiste, anarchiste) avait suivi Bakounine plutôt que Marx ? Pas de Staline, pas de goulag… bon, c’est Noël, on peut rêver, non ?

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  3. Espérons que les « référendums d’initiative populaire », fort à la mode en Suisse, ne viendront pas donner place, « chez nous », à la grosse démagogie style « interdiction des minarets » et autres « chasse aux étrangers criminels ». La croix + la bannière, ça fait beaucoup ! Bon Noël sans frontières !

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  4. michèle dit :

    Moi, tous les jours, quand je travaille, j’ai un petit suisse face à moi, qui est du Valais.
    Il m’aime, moi aussi je l’aime.
    Son rêve, vivre en Suisse ( il est suisse de père ). Il m’énerve beaucoup, mais je l’aime autant, il est susceptible, secret, hyperpudique ; si je veux être honnête, c’est le jour ou jamais, je dirai que je le trouve coincé.
    Vraiment.
    Du genre boîte à sardines que sans ouvre-boîte, on n’a aucune chance.

    Un jour, où avec un pote ils parlaient de filles ou d’amour ou d’un truc dans le genre qui vous anime toute la vie, son copain lui a dit ( c’était f »roce, mais gentil ) : toi, du moment que tu l’as pas rencontrée dans une église, que tu l’as pas épousée en blanc et que tu vas pas te marier pour toute la vie, faut même pas t’en parler de la fille.

    Le cas particulier avec ce môme M., qu’a qu’un ch’veu, c’est qu’avant, il y a environ quatorze ans, je bossais avec son père, dans un métier précédent que j’ai exercé. Et que quand ce type a eu un fils après trois filles, je l’ai félicité. Il m’a dit alors ben tu es bien la seule à me féliciter, en général j’ai droit aux condoléances ( je les ai eues aussi pour ma seconde fille, je vis dans un pays un peu spécial ). Et moi, dans mon for intérieur, je pensais à la chance qu’il avait d’élever quatre enfants avec son épouse et d’être suffisamment heureux pour avoir quatre mômes.
    Donc j’ai une tendresse toute particulière pour lui, et qui perdure.

    y’a trois ans il était aussi face à moi : quand je suis tombée amoureuse d’un valaisien, je me suis dit ça va pas être de la tarte. Le petit est susceptible, secret, chatouilleux et le fait qu’il soit suisse semblait lui poser problème : en fait j’ai l’impression d’avoir face à moi un estranger, un homme qui vient d’une autre planète.

    Lui et moi, on ne se comprend pas mais je lui ai filé mon virus des dictées, il adore ça, et il m’épate. L’an dernier, on avait vacances lui et moi ; une autre lui aenseigné la littérature, ça m’a fait du bien de ne pas le voir une année d’affilée ; à la rentrée de cette année, il était de nouveau mon condisciple. Il m’a dit, heureux ah quel bonheur de vous retrouver et de bosser encore un an avec vous.
    Je lui ai répondu que le plaisir était partagé, car ils étaient une pignée dans ce cas. C’est la dernière année ; je ne le suivrais pas au lycée.
    Non.
    Couper le cordon ombilical est vital.
    J’ai été un peu longue, parfois ça me prend comme ça ; en plus vous parlez de la suisse romande. Mais vous je sais que vous vous êtes adapté au tempérament d’une épouse suisse, en plus vous savez conduire sur le verglas, vous avez donc des qualités intrinsèques.
    Ma bagnole c’était un roulement à billes. C’était pas grave du tout. Pas contre, vaut mieux rester au volant, parce que c’est comme une soucoupe volante, dedans on est protégé, du froid et des chutes, c’est déjà ça.

    Voilà, parfois, être passeur c’est vivre des expériences magnifiques.
    Hiommage soit rendu à ce gosse qui m’a aidé à remettre le pied à l’étrier après ma chute de cheval d’arçon.

    Et parler de son job pendant les vacances c’est pathologique.
    Personne ne supporterait cela.
    Demain, je me soigne.

    Bonne fin de Noël à vous.
    Et ouf.

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  5. michèle dit :

    Hommage que fait le i diable

    oi /io ce doit être le cri du yodle, un machin à n’avoir peur de rien.

    Au fait Alain L êtes-vous musicien ?

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  6. michèle dit :

    obligée de dérouler le fil : il me semble que là on relie pourquoi faire des enfants. Parce que ce sont eux, les nôtres et les petites enfants ou bien ceux que l’on croise sur notre route qui nous font naître et non pas le contraire.

    Ce film où lui, il est très vieux, où quand il a le même âge qu’elle, ils s’aiment ( mais qu’ils sont beaux ! ) et où il meurt bébé sur ses genoux à elle qui ne cesse jamais de l’aimer…

    Et les enfants qui par leur lucidité leur justesse leur méfiance aussi nous laissent la chance de grandir et de guérir de nos blessures, courageux comme ils sont. On doit dire valaisan et pas valaisien je suppose, je vais être privée de dessert, la bûche de Noël, pourtant, j’aurais aimé la goûter.

    Bon, mais je veux lui faire du charme, il est tellement timide qu’il finira bien par craquer, comme mon petit suisse qui quand il s’est retrouvé face à moi s’est demandé si j’étais du l’art ou du cochon, ( mais qu’il est râleur, tout le temps c’est une caractéristique suisse ça de râler non stop ? ) et puis finalement il a compris que j’étais de l’art, à ma manière à moi, et il m’a adoptée à 150 %, mais après avoir hésité longuement ça oui, il déteste les filles glace à la vanille même s’il y a amandes caramélisées plus caramel.

    Bon, là il est en Suisse parce qu’il est en vacances, très très loin et il a froid. Mais il aime ça. Je l’accepte comme il est.
    Vivement qu’il revienne.
    S’il ne revenait pas, j’irai le chercher, lui enjoignant de finir l’année.
    Il ira vivre en Suisse après.

    Je sais qu’il y a des émigrés qui, un jour, veulent rentrer chez eux après avoir galéré une grande partie de leur vie en terre étrangère.
    Comme les croisés, à Damas.
    Je sais pas s’ils étaient obligés de ramener des prunes.
    Puisqu’ils avaient leurs châtelaines au château qui les attendaient impatiemment en ayant renvoyé leur jardinier, sages qu’elles sont. Et fidèles.

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