[Ceci est une suite du billet précédent]
Si, objectivement, le temps « n’existe pas » (on veut dire par là qu’il n’est pas de variable « t » indépendante, intervenant comme telle dans les équations de la physique) alors d’où vient que nous ayons une si forte sensation que le temps s’écoule en nous ? car on ne va tout de même pas nier que nous attrapons des cheveux blancs.
D’abord, que le temps n’existe pas de manière indépendante ne signifie pas qu’il n’y ait pas de transformations physiques. Simplement, au lieu de rapporter ces évolutions à la variable « t » (par exemple le nombre de battements de mon cœur est une fonction de t, le nombre d’oscillations du pendule est une fonction de t), on comparera plutôt entre elles ces évolutions (combien d’oscillations de pendules entre deux battements de mon cœur ?). Maintenant, de la même façon que les « réseaux de spin » peuvent être vus comme « l’espace » (mais plus dans le sens newtonien), on peut regarder l’espace-temps d’Einstein comme un empilement de fines tranches (infiniment fines) consistant chacune en un réseau de spin. On peut alors voir comment un tel réseau se déforme. Les physiciens, qui sont riches en imagination pour trouver des termes choisis, appellent ça des « mousses de spin » (parce qu’il paraît que ça ressemble à une mousse congelée qu’on débiterait en fines tranches). Vue de loin, on peut très bien imaginer que tous les états des transformations soient donnés à la fois, dans une même mousse. Si nous vivions à l’échelle des quantas, nous ne verrions peut-être pas le temps s’écouler. Autre pensée audacieuse de Carlo Rovelli : c’est justement parce que nous ne vivons pas à cette échelle, et que nous sommes complètement inaptes à saisir tous les détails qui existent à ce niveau microscopique, que nous sentons l’ivresse du temps… [Cela me rappelle mes études d’autrefois en statistique mathématique, on apprenait que nous n’avions de connaissances du monde que par des échantillons, et que si, sachant avec certitude la loi de probabilité d’une variable, on pouvait avec autant de certitude calculer la probabilité d’un échantillon donné, en revanche, le chemin inverse est beaucoup plus difficile, connaissant l’échantillon, revenir à la loi de probabilité de la variable qu’il échantillonne… c’est tout l’art de la statistique bien sûr, mais on sent qu’il y a là une notion d’irréversibilité, et qu’elle est intrinsèquement liée à notre imparfaite connaissance du monde, et cette irréversibilité est liée à la loi de l’entropie, laquelle à son tour, est liée tout bonnement au temps. Est-ce à dire que si nous n’étions pas là, à observer le monde, il n’y aurait vraiment pas de temps ? Je laisse au lecteur le soin de conclure.]
The Weaire-Phelan Structure (applicable aux mousses de spin)
adoptée pour le « water cube », centre aquatique pour les JO de 2008
Ma tentative de recension de l’ouvrage passionnant de Carlo Rovelli ne serait pas complète sans l’évocation des pages où il se livre avec une grande franchise sur des sujets qui entourent la science, comme à propos de la démocratie dans la science, qui ne réside pas bien sûr dans le fait que l’on « voterait » (il ferait beau voir que l’on votât pour décider de la vérité ou de la fausseté d’une théorie !), mais dans celui, bien plus profond, selon lequel rien n’est accepté sans que cela n’ait été abondamment discuté, sans que toutes les objections n’aient pu être faites librement et sans que les réponses n’aient été trouvées consciencieusement à chacune.
Rovelli a du accepter un poste aux Etats-Unis pendant une dizaine d’années (sans quoi il n’aurait jamais pu mener ses recherches), mais il est revenu en Europe. Il est aujourd’hui à Marseille, et, après avoir fait l’éloge de ce que l’Amérique permet aux jeunes chercheurs (notamment en faisant confiance aux jeunes, uniquement sur la base de leurs qualités d’intelligence et d’enthousiasme, indépendamment de « qui » ils sont, de « l’Ecole » d’où ils sortent etc.) il dit ceci :
Il n’empêche que pour un Européen, vivre aux Etats-Unis est difficile […] De trop nombreux aspects de la culture américaine sont intolérables : l’extrême violence urbaine, les tensions raciales, la peine de mort, l’absence d’assistance médicale et de sécurité sociale pour tous, l’abandon des plus faibles et des plus pauvres à leur sort, l’arrogance de l’argent et du pouvoir. L’idée même de justice sociale est presque opposée à celle que nous connaissons en Europe. Aux Etats-Unis, la justice sociale signifie que chacun, s’il a des capacités, peut arriver au sommet indépendamment de ses origines. En Europe, au contraire, la justice sociale suppose la défense des faibles, donc en particulier de ceux qui n’ont pas de capacités particulières.
En refermant ce livre, je m’aperçois qu’il a été écrit en 2006…. un an avant l’avènement de qui vous savez. Puisse ce jugement sur la société européenne rester valable encore quelques années….
Carlo Rovelli, dans son bureau, à Marseille
photo du « water cube » extraite de :
The n-Category Café
(a group blog on maths, physics and philosophy)
posted by John Baez (célèbre physicien spécialiste de la gravitation quantique… rien à voir avec Joan!)
John Baez est cousin de Joan Baez …
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mince!… 🙂
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j’ai le vertige !
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c’est fait pour! 🙂
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>Alain L. c’est déjà plus accessible les tranches de temps, comme la mousse expansée ou pas.
Entre temps, eh oui, hier soir émission sur France Culture sur le lien qui existe entre la physique quantique et le fascisme. Je n’ai pas tout compris, loin de là, mais je me suis obstinée pour vous en dire deux mots : il y aurait le même désir de tout posséder et de tout contrôler entre ces deux domaines qui cherchent à dominer le monde par des explications rationnelles ( sans doute ont-ils voulu dire des nuances ??? ) et des solutions radicales.
Or, tout, absolument tout est dans une évolution constante et avec des répétitions immuables : entre autre le temps, ce qui est difficile c’est l’impermanence opposé au défilement inexorable. Ce qui le symbolise le mieux à mon sens c’est une forme hélicoïdale qui s’élève.
sur les USA, ce qui miroite cache une réalité bien différente : les mendiants dans L.A qui dorment dans la rue avec leur caddie, à quelques pas de Beverly Hills.
Les crédits monstrueux destinés à payer les motos les bateaux les vélos, les chevaux, les habitatios, les 4/4, les vans les cadeaux ; bref, train de vie très élevé, tout à crédit ( les subprimes, c’est une réalité lorsque les endettés ne peuvent plus les payer ).
Par contre je trouve les populations immigrés qui ont un job, bien plus intégrées qu’en France et avec un mode de vie très cool, ceci dans les grandes villes. Nous les avons trouvé décomplexés et épanouis.
P.S à droite derrière lui, je constate que Rovelli a un jeu de bébé, donc il a bien les deux pieds sur terre pour l’espace et le temps.
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