deux toiles que Polke consacra à Hermès Trismégiste en 1995
Tout, pour Sigmar Polke, se retourne en son contraire. Vous regardez une image, êtes persuadés de ce que vous voyez, et puis tout à coup… un détail, un rien, une anicroche, et vous ne savez plus. Dans le fond, le réel n’est pas ce que nous croyons qu’il est. Nous vivons dans plusieurs mondes possibles à la fois. Dans l’un, s’affiche la vertu révolutionnaire (à propos de la série portant sur la Révolution Française, qui fut exposée un temps au château de Vizille), et dans l’autre la terreur qui menace, et cela pour un seul et même tableau. Polke est un peintre de l’indécision.
Figuratif ? Abstrait ? Tout dépend de l’échelle prise pour l’observer. Au microscope, le monde est terriblement abstrait, les physiciens le savent bien. On connaît cette idée, initialement portée par le philosophe Wilfrid Sellars, selon laquelle nous sommes confrontés à deux images du monde, l’une « scientifique », l’autre « manifeste », les deux ne correspondant pas, étant même contradictoires. En vertu de la première, la table n’étant qu’un assemblage de particules avec beaucoup de vide entre, et vos coudes aussi, vous devriez passer au travers quand vous vous appuyez sur elle, l’image manifeste, elle, ne vous montre jamais ce vide et ces tourbillons d’atomes. Le réel est finalement plus abstrait que le manifeste. Sigmar Polke projetait ainsi des photos, des gravures sur de grandes toiles. Le grain de la photo éclatait en petits points ronds séparés par du blanc, comme nos atomes de la table, et son travail était de les inscrire un par un sur la grande toile blanche… Warhol, avant lui, avait fait chose semblable, mais lui ne s’embarrassait pas : il projetait et imprimait au moyen d’une technique particulière. Polke, lui, fait les choses bien. Je n’ose penser à ce qui lui venait à l’esprit lorsqu’il accomplissait cette tâche titanesque… se voyait-il comme recréant le monde, atome par atome ?
Mais cela n’a pas été la totalité, ni même l’essentiel de son œuvre. Pour le reste, on est surtout frappé par l’abondance des techniques et matériaux employés. Cires, vernis, laques, produits divers parfois toxiques. Sur un carton, on peut lire : « acrylique et mica ferreux sur tissus d’ameublement », sur un autre : « oxyde d’argent, résine dammar, pigment et bronze doré sur toile ». Certains tryptiques sont peints sur des voiles transparents qui laissent apparaître en filigrane le châssis de la toile, on ne sait plus alors bien ce qu’il faut regarder : la forme qui se dessine sur le dessus ou bien… la trame, les os, le squelette, en profondeur ?
Sigmar Polke appartient au même mouvement que Richter, tous deux ancrés dans l’histoire contemporaine de l’Allemagne, hantise du nazisme, obsession du mur, rejet du soviétisme, miradors, arrestations (« On voit bien ce que c’est »), mais encore et toujours le vertige de cette question : « avons-nous bien vu ce que nous avons vu ? ».
N’avons-nous pas rêvé….
L’exposition, en tout cas, elle, a bien eu lieu, mais elle s’est achevée ce dimanche. On fêtait les 20 ans du très beau Musée de Grenoble.
Il y a peut-être du Pollock chez Polke…
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ou de la polka chez Sigmar?
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Tiens, tu fais référence à Richter …
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salut Jean-Marie! que je fasse référence à Richter ne veut pas dire que je change d’avis sur son oeuvre! Polke, Richter, deux artistes de la même mouvance et proches l’un de l’autre. Je m’intéresse à leur démarche et crois pouvoir arriver à comprendre leurs objectifs (en tout cas pour Polke), mais cela n’entraîne pas de ma part un grand enthousiasme, ni pour l’un ni pour l’autre. Art très intellectualiste, plus dans le concept que dans l’émotion, mais peut-être devons -nous nous résigner et admettre que désormais les arts plastiques, c’est ça. ce n’est plus Poliakoff en tout cas! (et je le regrette).
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