Escapade à SF


SF-AGUMais où vont-ils tous, ces hommes et  ces femmes, d’un pas rapide, tenant en bandoulière, presque tous, un étui cylindrique et noir, les jeunes en jeans et headphones aux oreilles, les moins jeunes aux cheveux argentés, lunettes cerclées, femmes en robe parfois longue, tous s’emboitant le pas les uns aux autres, sans un mot le plus souvent et sans guère de sourires non plus, tous s’orientant vers un seul et unique point de la ville, en l’occurrence le Moscone Center ?

Ils se rendent à la session d’automne de l’AGU (« American Geophysical Union »), et moi j’accompagne C. qui, comme presque chaque année, va là-bas, elle aussi, pour présenter son travail, avec quelques collègues, travail qui porte sur les « data center » à propos de séismes dans le monde.

SF-pyramidBelle escapade pour moi qui en profite chaque matin pour partir explorer, un à un, les quartiers, chics ou branchés, bohèmes ou populaires, gays ou financiers de San Francisco. Première balade, à tout seigneur tout honneur, réservée aux poètes qui ont tant fait pour faire connaître cette ville et amener jusqu’à nous, qui étions enfants, au creux des banlieues de nos villes grises, un peu de l’enthousiasme et de l’esprit de renaissance de la Beat Generation. Le carrefour entre Colombus Street et Broadway est un des quartiers les plus calmes et à la fois les plus excitants. C’est là qu’on trouve la fameuse librairie « City Lights », immortalisée par Allen Grinsberg et Lewis Ferlinghetti (entre autres), avec son coin de poètes en haut de l’escalier. SF-CityLights3On peut prendre une chaise, s’arrêter, lire des heures, des jours si on veut, personne ne nous délogera. On peut découvrir la poésie américaine et c’est là un continent qui vaut bien que l’on s’embarque de bonne heure. Les murs sont tapissés d’œuvres qui souvent, à ma grande honte, me sont inconnues. Au hasard l’on pioche. Et c’est ainsi que l’on ramène dans son filet les livres d’une grande poétesse, Louise Glück. Que j’ignorais jusqu’ici. Mais je trouve, malgré mon anglais lacunaire, ce qu’elle écrit magnifique, sombre et somptueux comme une nuit étoilée. « Vita Nova », « The Seven Ages », deux recueils courts. Ce serait bien si je parvenais à traduire certains poèmes sur ce blog. La Kerouac Alley borde la librairie, ruelle fantaisiste où l’on ignore si le charme italien est spontané ou recherché. De l’autre côté de la rue, le Vesuvio, bistrot ouvert en ce matin pour un « regular », au moins, à deux dollars. Deux étages de souvenirs et de coupures de presse, où se mêlent aux écrivains américains (Henry Miller…) des apparitions fugaces de nos poètes français, Baudelaire, Rimbaud… Les gens ici n’aimaient pas Hemingway (à cause dit-on de la manière dont il avait traité Dashiell Hammett). Ils aimaient Rimbaud.

SF-Vesuvio2

Comme il est pas loin de midi, je dine, en face, d’un sandwich dans un restaurant italien. Je déballe mes livres achetés, dont ce livre récent de G. Lakoff et G. Nunez sur les mathématiques vues du point de vue des sciences cognitives, qui m’intéresse au plus haut point (« Where do Mathematics come from ? »), ainsi qu’un court ouvrage de Scott Soames sur la philosophie du langage. De l’autre côté du croisement, il y a cet immeuble dont les murs sont des fresques géantes à la gloire du jazz. A deux pas de là, il y a le Spec’s et le Tosca encore deux haut-lieux de la culture san-fransciscaine, mais qui n’ouvrent que le soir.

SF-Jazz

Après l’expresso, je continue ma route, à la recherche de lieux littéraires de San Francisco comme, dissimulée au sein d’une ruelle minuscule (« Russell street ») sur « Russian Hill », la petite maison de bois où KerouacSF-KerouacHouse écrivit « On the road ». On ne peut pas entrer bien sûr. Rien d’autre à voir que la façade proprette, qui fait face à une autre maison charmante, construite en 1908. Puis le « cable car» sur Hyde Street, la célèbre « Lombard Street » vue du haut, avant de retomber sur Fisherman’s Wharf, un peu trop touristique, un peu trop kitch.

Rentrer à l’hôtel (« Vertigo », comme le célèbre film de Hitchcock) par le tramway ligne F, dont les voitures sont toutes des pièces de collection, avec leur histoire propre, affichée à l’intérieur. Telle voiture vient de Philadelphie, y fut en service dans les années quarante, telle autre vient de Milan etc.

SF-ColombusStr

Cet article, publié dans Terre et environnement, Villes, Voyages, est tagué , , , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

5 commentaires pour Escapade à SF

  1. Les rues de San Francisco : ce ne sont donc pas que des films policiers, des livres « beat », des tramways (pas de voitures ?), de la SF…

    OK pour la suite !

    J’aime

  2. michèle dit :

    Le jardin botanique les musées, le jardin japonais avec sa maison de thé, les quais, les otaries, la plage en, arrondi où nagent les baigneurs au long cours, Alcatraz et ses courants glacés qui l’emprisonnent, la gentillesse des gens, les rues tellement en pente que nous sommes heureux de ne pas y avoir passé le permis. Golden gate bridge.
    Et puis cet américain si beau, à l’arrêt de bus, un soir où nous allions manger, si gentil qui nous a parlé avec une telle courtoisie sur notre road-trip, lui nous disant -nous étions quelque peu exténuées au bout de deux mois de voyage, hargneuses aussi- que l’intérêt c’était justement là où résidait la difficulté. Et puis, last but so sweet, mon chauffeur dans son tout petit taxi qui, lorsqu’il nous a jetées à l’aéroport, a stoppé son véhicule et a noté notre conversation sur Anaïs Nin et Henry Miller.
    Y aller, y vivre, y traîner ses guêtres.

    J’aime

    • alainlecomte dit :

      @michele: je sais que vous êtes une connaisseuse! Je n’ai pas vu le jardin botanique. « la plage en arrondi où nagent les baigneurs au long cours »: oui, même en hiver (du reste le froid n’a jamais l’air de faire peur aux san -franciscains…). Nous en reparlerons…

      J’aime

  3. Tania dit :

    Chouette escapade, belles ambiances, et des détails exotiques : Ladies room & men’s room à des étages différents.

    J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s