La rentrée est là. Avec elle, mes voyages hebdomadaires. Grenoble – Paris, Paris – Grenoble, Grenoble – Paris … Au retour, après cinq heures de cours d’affilé, je m’endors au lieu de lire ou travailler. Les rames tégévesques bercent mes remembrances (il me souvient d’un titre de roman « les remembrances d’un vieillard idiot » de M. Arrivé). J’ai trouvé un nouvel hôtel, entre Maubert et le Panthéon, dans un vieil immeuble pauvre du XIXème, retapé récemment (les chambres sont repeintes en bleu et jaune pâles) mais encore vétuste : les poignées de porte sont branlantes et leur fermeture est bruyante. La gérante avenante, tailleur pied de poule, attend le voyageur devant son bureau design ou sirote des cafés automatiques tirés d’un distributeur.
Une polémique récente sur la précarité à l’Université (lire « Le Monde » du 6 octobre) fait ressortir encore la question des filières d’études « qui ne prépareraient à rien » ou, pire, donneraient de faux espoirs aux jeunes en d’hypothétiques carrières universitaires, moyennant quoi ils se retrouveraient à Bac + 8 avec des salaires de misère… Qu’est-ce qu’on y peut si certains préfèrent toujours le bonheur du savoir à l’argent ? [mais certes, je ne nie pas qu’il y a problème autour de l’organisation de l’offre d’étude dans l’Enseignement Supérieur]. Dans une fiche d’évaluation, l’an dernier, une étudiante m’écrivait :
Je ne comprends plus grand-chose quand on entre dans l’abstrait. D’où mon amour pour la philosophie. Je vis dans un monde avec des gens où ce qui ne sert pas à gagner de l’argent ne sert par définition à rien. C’est triste, mais dans ces conditions, c’est difficile de se motiver à apprendre quelque chose qu’on ne peut pas partager
Elle conclut : « je ne me justifie pas, je vous mets hors de cause » et elle met un petit smiley triste.
C’est ça aussi, un témoignage de ce que ressent une jeune « entre 16 et 25 ans », aujourd’hui.
Une autre a gribouillé cette caricature qui, dans le fond, à ce que je crois, me ressemble assez…
🙂 Enfin quelqu’un qui évite LE sujet du jour ! c’est triste d’apprendre quelque chose que l’on ne peut pas partager ! oui… c’est d’ailleurs pour cela que je suis devenue une blogeuse. Pour partager des lectures, des centres d’intérêt qui me mettent en porte à faux par rapport à mes fonctions sociales.
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Ah j’aime les trains et leur lent bercement…
Les étudiants : A.B. 20 ans Oh Md’me je suis content de vous voir, j’ai réussi le concours d’entrée à Sciences PO . Père inconnu au bataillon, mère femme de ménage, village de 8OO habitants. Yeah….Plus (et c’est pas rien) une amoureuse à son bras, (il est handicapé léger de l’autre).
F.C, brillante, intelligente, jolie. Oh Md’me qui l’aurait cru hein ? J’ai arrêté après la seconde année de langues. Là je suis inscrite au lycée agricole, et j’apprends à être bergère. Ben ma biche, pourquoi pas, si tu te sens heureuse comme ça. Mais pourquoi t’as pas poursuivi ? Ben je voulais partir étudier les langues z’O un an à Pétaouchnok et ma mère elle l’a pas senti ça, que je parte, alors je suis restée.. Elle me sent interloquée, je lui dis que c’est pas grave ; elle fera une marchande fromages de chèvre très cultivée, finement intelligente sur notre marché, elles sont pléthores. Y’ a pas de sot métier. Notre pays s’y prête.
Et la pitchoune, seconde année après le bac, s’est pas encore mise à bosser à la fac. Dilettante, donne toute son énergie aux trois mômes (sales) qu’elle accompagne dans leurs devoirs scolaires. M’man je fais du grec, je leur apprends l’anglais. Maman en français j’ai fait ça moi en troisième ? Mais dis, ça sert à rien le schéma narratif. Je sais, je sais. Je soupire. Un jour, je voudrai, j’aimerai, je prie pour qu’elle se mette à travailler. Qu’elle fasse une rencontre lumineuse et qu’elle ait le déclic. Brillante, elle serait. 19 ans, un bébé : mon mien à moué.
L’aînée elle, studieuse et quatre étoiles. Changement de fac, changement de master : eh m’man, on a des profs humains qui nous parlent. Ouais, mais cui-là il m’a engueulée comme du poisson pourri parce que je lui posais une question qui lui a pas plu. 23 ans, un bébé, mon mien à moué.
Ah étudiants.
P.S : beaucoup apprécié la blague superbe qu’ont fait quatre jeunes étidiants socialo ; ils sont allés à l’Elysée pour se faire adopter par Sarko de manière à décrocher un bon poste. Délicieux.
P.P.S : je crois que bb number one a moins de chances de décrocher un job que Melle Bordas fille qui prendra la suite de son papa. D’où mon encouragement à ce qu’elle poursuive un double master en gardant latin/grec ce qui est une chouette spécialité qui lui permet de suivre nombre d’écrits magnifiques dans le texte.
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Et encore…
M.D caissière en job d’été me dit suivre les traces de sa maman DRH.
Une puis la seconde et la troisième, stoppent les études avant le bac. Ras le bol et trop fragiles. Veulent bosser. Ont des rêves plein la tête. Partir en Afrique, aider les plus démunis. Les généreuses, les altruistes, les mammas.
Elle, C.V après son voyage d’un an à bord de la Baleine blanche, apprend l’arabe est scolarisée à Aix, pionce le week-end, se sent seule dans cet apprentissage littéraire ; les autres étudiants sont déjà bilingues, c’est leur langue maternelle. Ce n’est pas facile d’apprendre l’arabe.
Lui, 23 ans : Jai deux jobs un alimentaire un pour mon plaisir. Je suis ingénieur non, non, technicien, technicien du son, j’apprends aux hommes politiques à parler, à dire les mots moi j’aimerai bien en savoir plus, mais je reste discrète, je dirais volontiers Ah, à mentir aussi ? puis je travaille pour moi la musique contemporaine j’suis musicien euh underground ? toi aussi, puis là je reste muette, vaut mieuxmais je peux pas gagner ma vie avec ce job là ; ça paye pas . Il est beau comme quand il avait deux ans et demi…
Tous ils sont beaux. Eux me reconnaissent plus que moi je ne le peux, ils me dépassent d’une bonne tête, et je les admire.
Voilà un panel de la jeunesse de chez moi. Ils sont tous en ville Aix Marseille Paris, ils reviennent ici et repartent immanquablement. Y’a pas de job chez nous.
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Beaux témoignages. C’est important de donner cette image de la jeunesse, il y a tellement de clichés qui circulent. C’est bien que vous puissiez avoir tous ces contacts. Moi, je ne saisis quelque chose de leurs pensées qu’accidentellement, au détour d’une évaluation ou d’une conversation de couloir.
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>Alain pour la plupart d’entre eux, quand je les ai connus, ils avaient deux ans et demi. Ils ont des souvenirs. Il s’agit de retrouvailles après des années d’absence ; comme leurs parents vivent dans le pays, ils reviennent, voilà. Les clichés j’en ai aussi mais ça rien à rien d’alourdir le tableau ; s’ils sont très paumés c’est que la misère est chez eux aussi, sociale, morale et financière, une espèce de perdition dont ils héritent, de non-repères, mais les chouettes mômes sont légion.
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