A 13 heures aujourd’hui, on saura qui a obtenu le prix Nobel de littérature 2008… en d’autres temps, je m’en serais complètement fichu, mais voilà, il a fallu que les médias nous allèchent avec la possibilité que Le Clézio l’obtienne, pour que j’attende cette heure avec impatience. Grande chance pour que je sois déçu. Un peu comme lorsqu’à son corps défendant, alors qu’on n’éprouve pas beaucoup d’intérêt pour le sport en général, on attend le résultat d’une compétition qui, pour une raison qu’on ignore, a suscité notre intérêt… mais là, la raison, je la sais : mon admiration pour JMG. Pour, par exemple, ce ton simple qu’il sait adopter comme en ce moment sur France-Inter, cette manière de sortir des paroles profondes comme s’il s’agissait d’évidences. Il est le symbole même de ce qu’un être peut gagner à se mettre en marge de l’agitation des jours, de l’actualité des marchés (et Dieu sait qu’en ce moment…) et du commentaire en prise directe sur un présent qui n’existe jamais.
Je me suis moqué de lui parfois : ce ton grave peut aussi passer pour une gravité surfaite, un manque de sens de l’humour etc. et je le regrette, et à l’écouter vraiment, je me dis que j’aurais mieux fait de me taire. Je ne crois pas que dans ce qu’il dit figure une seule seconde le souci de se conformer à une image attendue (de l’écrivain, de « l’homme en ce siècle »…). Ainsi lorsque Vincent Josse, le chroniqueur de France-Inter, lui demande, au cas où il aurait à faire un discours de réception Nobel, quels sont les thèmes qu’il pourrait aborder, il ne s’empare pas de quelque grande cause humanitaire facilement exploitable : il répond simplement qu’il aimerait parler de la difficulté qu’ont les jeunes à publier et surtout, surtout, de la difficulté qu’ont les jeunes créoles à adapter leurs projets d’écriture à la langue française et à ensuite se faire publier. C’est peu de choses. Ce peu est pourtant beaucoup : il entraîne avec lui rien moins que la survie des cultures.
J’ai lu, dans un vieux numéro du « Magazine Littéraire » (je l’ai encore, c’est le numéro 362, de février 1998), qu’en 1978-79, Jean-Marie Le Clézio s’était porté à deux reprises, candidat au CNRS. Je recopie l’article : « Malgré un rapport plus que favorable, le soutien du doyen Ruff et du directeur scientifique du CNRS Jean Pouilloux, sa candidature n’est pas retenue. Motif invoqué : on met en doute sa compétence scientifique en matière de mythes amérindiens ». Plus précisément, les membres de la commission avaient eu « tendance à considérer qu’une existence de romancier ne saurait relever de leur commission ». Comme si une commission pouvait juger d’une « existence »…
J’aime aussi qu’il déclare « qu’il n’est pas à la hauteur de Claude Simon, car « La Route des Flandres » est un livre étonnant » et qu’il dise son admiration pour Nathalie Sarraute (qui est la solution de la prochaine énigme de Chantal Serrière ).
(photo prise sur le blog http://vishalakshi.blogspot.com/)
PS: (13h30) Eh bien voilà, je suis exaucé, il l’a eu!
Ca alors!
Me voici percée à jour par anticipation!
Mais trêve de plaisanterie, voilà pour une fois, un prix qui nous fait vraiment plaisir et n’est pas usurpé.
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Ben voilà un sujet où nous ne sommes pas d’accord. Le Clézio est pour moi un symbole d’infini ennui et de suffisance. Je n’ai jamais réussit à finir un de ces livres. L’avoir choisi pour le Nobel me déroute tout comme la fascination qu’il exerce sur beaucoup.
Il me fait penser à Coelho en moins faux et mauvais quand même (Je ne pardonnerai jamais à Coelho d’avoir écrit un roman basé sur un conte populaire et ce sans jamais le précisé).
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Franchement, je pense que tu devrais encore essayer… Coelho, pour ce que j’en connais (c’est-à-dire bien peu) n’a rien à voir avec le Clézio. Rien chez ce dernier de ce style faussement poétique et vaguement mystique qu’on trouve chez le premier. Lis « Révolutions », lis « Onitsha », lis même « Ourania » et surtout lis le dernier (« Ritournelle de la faim »), ce que tu trouveras, ce sont (au contraire d’un Coleho) une langue précise, des sentiments très travaillés, un sens de l’humain très au-dessus de ce qu’on peut lire en moyenne: c’est à cela sans doute que le jury Nobel a été sensible. Le Clézio a su rendre présents dans notre culture (mondiale) des coins de terre oubliés comme Rodrigues, et dans son dernier roman, nous fait revivre une époque révolue (l’avant guerre) d’une manière très peu habituelle (au travers d’une famille issue de l’ile Maurice). il a eu en fait plusieurs époques, donc plusieurs styles, si tu trouves le style actuel trop simple (c’est ce qu’on lui reproche parfois) tu peux aussi te reporter à son premier roman (« le procès-Verbal », très fort sur le plan formel) ou bien aux récits qui ont suivi, comme notamment – je me souviens… – « l’extase matérielle », avec dedans cet étonnant récit sur la douleur…
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