Vitalité hybride

C’est une des expressions heureuses du film « Le nom des gens ». Enfin je l’ai vu (le film). Un « Amélie Poulain » pour nostalgiques des belles heures de la gauche (dont je fais évidemment partie), mais qui s’y entend drôlement pour nous distraire des temps d’angoisse que nous vivons en ce moment. « Vitalité hybride » c’est le nom qu’on donne en biologie animale à des cas de croisement entre des populations ayant des patrimoines génétiques éloignés, et c’est comme ça que Jacques Gamblin (enfin, son personnage) qualifie la fiction à laquelle rêve Sara Forestier (enfin, son personnage) quand elle imagine Juifs et Musulmans faisant l’amour, emportant à eux seuls deux grandes moitiés de la France, mais dit encore Jacques Gamblin (enfin, son personnage) tu n’es pas musulmane comme je ne suis pas juif… je ne crois pas en Dieu, je ne vais pas à la synagogue, je m’appelle Martin (Arthur, Arthur Martin. Comme les cuisines. Tellement commodes, tellement ergonomiques, tellement à la pointe). Nous sommes des bâtards. Eh bien, dit-elle, quand il n’y aura que des bâtards, il n’y aura plus de problème. Comme elle a raison… Les autres « mots » de ce film, tout le monde les connaît maintenant. Mais on ne s’en lasse pas. Dans la bouche de Jospin (il y a une seule famille de Jospin, venue des Flandres travailler dans les textiles du Nord) : « de nos jours, il n’y a pas plus de jospinistes que de canards mandarins dans l’île de Ré ». Moi j’aime bien aussi quand il évoque sa mère, jeune, qui avait fait des études de mathématiques (« parce que ça occupe bien l’esprit, les mathématiques, ça empêche de penser à autre chose »). Pour le reste, on sait, on sait. La fille qui fait la pute et ne couche qu’avec les gens de droite car c’est la seule manière de les faire changer d’avis. Son père à lui qui travaille dans le nucléaire, tiens, tiens, sa mère à elle, caricature des descendants de mai 68.
Amélie Poulain, oui (un film de droite, sans doute), quand elle achète des crabes pour aller les rejeter à la mer, sept crabes pour le prix de trois homards, parce qu’il vaut mieux sauver sept crabes que trois homards (mais combien de crevettes cela aurait-il fait ?). C’est drôle. C’est décalé. On rit. Jaune. Qu’elle était belle, la nostalgie.

Le soir d’avant, j’avais vu un autre film, enfin vu… hélas, j’avais eu une journée de travail intellectuel assez intense, je m’étais levé tôt deux jours de suite, alors j’ai un peu dormi, donc je n’en parlerai pas, pourtant ce que j’en ai vu m’a paru très bien : « Another year » de Mike Leigh, avec des personnages vrais, touchants, peu « cinématographiques », bref, un anti- « Amélie Poulain ». Mais c’est promis, j’y retournerai, car j’ai honte et je m’excuse auprès du réalisateur du film, auprès de ses acteurs, allez, auprès du producteur. Au « Nom des gens », je n’ai pas dormi. Il faut dire que la belle plastique de Sara Forestier m’aurait sûrement réveillé. Sûrement.

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6 commentaires pour Vitalité hybride

  1. Ce film de Michel Leclerc n’a rien d’une production d’hypermarché : il est excellent.
    Réflexion politique sur le patronyme, l’identité (au contraire d’un débat national trafiqué sur le sujet), le racisme.

    Les acteurs sont formidables (Sarah Forestier en fait juste un peu trop) et Jospin a peut-être raté une carrière !

    Peu après, je suis allé visiter le Mémorial de la Shoah, dans le Marais.

    Quant au film de Mike Leigh, j’ai été déçu, c’est du sous-Bergman avec un arrière-plan qui se veut social : un scénario avec des gros sabots, le tout assez rasoir, en fait.

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  2. carole dit :

    Bonjour Alain,
    Il y a longtemps que je ne suis pas venue m’exprimer ici… mais là ! j’ai envie de réagir !!!
    pour une fois je connais le sujet. J’ai vu les deux films. et je trouve assez intéressant de les comparer…. le nom des gens est un film agréable mais sans plus. Les idées sont simples, mais le point de vue est anecdotique c’est à dire que l’image, le jeu des acteurs, l’intrigue est une sorte d’illustration du propos, du « message » que l’on souhaite faire passer. bon… soit. Le film de Mike Leigh par contre c’est de la poésie pure. pour moi : UN CHOC ! Le regard est intérieur : le réalisateur ne nous donne pas une « représentation »/ il nous donne à vivre une expérience. C’est du cinéma !!!!!!
    On a envie d’y retourné pour voir comment il s’y est pris. Le politique est présent non pas dans des idées « énoncées » mais dans le « comment » de la vie des gens…. ce que j’ai ressenti dans Another Year : c’est une sorte d’étouffement : il n’y a pas d’horizon, aucune échappatoire. et c’est là dans la manière de filmer. le jeu des acteurs est époustouflant. rien de spécial. des dialogues en creux. et tout est montré…. peut-être que je me suis identifiée à ces dingues et ces paumés pour lesquels Mike Leigh a une tendresse particulière…; en tout cas j’étais très fortement touchée : en sortant, j’ai dit : heureusement qu’il existe encore des gens capables de filmer comme ça ! voilà…. retournez-y et réveillez-vous !!!! :))))

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  3. alainlecomte dit :

    Ah Carole, heureux de vous réentendre. J’ai tendance à être pleinement d’accord avec vous… avec la petite réserve que, bien sûr, il faudrait que je me réveille un peu!!!
    Oui en effet, c’est ce qui m’est apparu et c’est pourquoi j’ai bien l’intention d’y retourner. « Le nom des gens » à côté est un peu plat (j’ai comparé avec Amélie Poulain… c’est dire). Et donc, je ne suis pas du tout d’accord avec Dominique.

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  4. Jean-Marie dit :

    J’ai vu, et aimé, ces deux films, chacun pour ce qu’ils sont.
    J’ai vu « Le nom des gens » comme une comédie, utilisant les ressorts de la comédie (en quoi cela serait-ce mal ?) avec des acteurs au top de leur forme (mais Jacques Gamblin est TOUJOURS au top de sa forme, il charrie toujours une sorte d’ambiguïté qui l’empêche de camper des eprsonnages d’une seule eau). Une comédie, dont le sujet est … oui, un peu la droite / la gauche,…. mais surtout ce que tu appelles la bâtardise, ce que j’appelle le métissage, un fait et une valeur qui est au centre des questions posées par notre époque où gagnent la tentation du repli et l’obsesion de l’identité comme valeur immobile.
    « Another year » est d’une autre eau : un peu de comédie, bien sûr, une peinture subtile et aussi vacharde des relations humaines, du couple, de l’amour. Ce que j’ai aimé dans ce film, outre l’intrigue, bien troussée,la distribution, irréprochable, c’est la manière de Mike Leigh pour tourner toujours avec une extraordinaire empathie (se rappeler « Secrets et mensonges ») empreint d’un grand respect pour ses personnages : c’est cela qui donne à son cinéma un caractère rare.

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  5. michèle dit :

    Sara Forestier est très belle lors de la répétition dans l’Esquive quand elle a ses grolles minables aux pieds (des tennis éculés, n’importe quoi !) et sa robe de Marquise dans les jeux de l’amour et du hasard.

    Moi aussi je dors bien au cinéma. Le dernier c’est quattro volte, j’ai vu quelques images superbes de la Calabre et j’ai beaucoup dormi. J’ai apprécié (sans rire) que ce film soit en silence sans paroles. Les deux autres je les ai pas encore vus.

    Je travaille trop et mon travail m’use. Mais je me plains pas parce que travailler c’est un luxe pour moi. Faudrait savoir s’économiser, prendre des cours. Être zen.

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  6. fadouach dit :

    Au nom des gens. Un méli mélo de tabous et de clichés sauvé par un rêve de gauche.
    Another year. la vie est ordinaire dans ce film , comme dans la vie. « rien d’extraordinaire », filmé sans gêne.

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