Comment agir dans un univers dominé par ce qui a un prix ? – I – (suivi de la catastrophe au sens de Benjamin)

Ici commence une série d’articles qui n’a pas d’autre but qu’explorer des pistes de réflexion concernant la crise du capitalisme, sans garantie de résultat, ni promesse d’un avenir radieux. Non, il s’agit juste d’analyser certaines propositions faites par des théoriciens modernes (et non post-modernes!) engagés à poursuivre la pensée marxienne (et non marxiste!). Cela peut servir à une réflexion de gauche. Ou pas. Ici, les notions de gauche et droite sont transcendées, elles paraissent dérisoires (est-ce que Marx lui-même se déclarait « de gauche »? Est-ce que cela a un sens de le demander ?). Il ne s’agit pas de se dire « de gauche », il s’agit d’essayer de comprendre, d’assimiler des outils théoriques permettant l’analyse de notre histoire actuelle.

Comment agir dans un univers dominé par ce qui a un prix ? La question peut sembler saugrenue tellement nous sommes habitués à l’idée que tout a un prix et que cela résulte de l’idée selon laquelle tout a une valeur. Or, cela n’est pas si évident. Tout a une valeur dans le contexte où une forme de société est mise en place qui est régie par le concept de valeur. Sans doute d’autres sociétés existent qui ne raisonnent pas de cette manière, ou des sociétés régies par une conception de la « valeur » très différente de la nôtre. David Graeber, dans son livre « La fausse monnaie de nos rêves », a donné de multiples exemples d’autres conceptions de la valeur (j’y reviendrai dans mon prochain billet). Dans notre société qui s’identifie au capitalisme, la valeur est conforme à ce que son moteur (le Capital) exige, autrement dit une entité (substance, chose, quantité?) dont l’accroissement permanent est en soi et pour toujours (le plus longtemps possible en tout cas si l’on se place de son point de vue) ce qui le pousse à fonctionner, à avancer, à produire plus (cf. la sacro-sainte croissance), bref à « s’auto-valoriser ». Rien, nous dit le Capital, en dehors de la valeur et de ses exigences. D’où bien sûr le renvoi des responsabilités assumées en général par les femmes (le soin, la reproduction, l’entretien) dans les tréfonds de ladite société, là où sont reléguées toutes les tâches qui n’entrent pas dans cette constitution de la valeur (bien qu’elles en soient la condition d’existence). Les savant.e.s qui réfléchissent à cela (Roswitha Scholz par exemple) emploient un vocabulaire particulier, ils/elles disent que les activités féminines sont dissociées (sous-entendu : de la valeur). (Apparaît alors la question de savoir pourquoi cela retombe toujours sur les femmes, cela n’est pas clair, il me semble ici qu’on est forcé d’évoquer les phases pré-capitalistes pour expliquer cela). Les femmes ne sont pas les seules à se trouver, de par leurs activités en dehors de la valeur, dans les interstices de la société, elles y sont en compagnie de ceux et celles (il y a des hommes aussi) qui se consacrent au soin et à l’entretien (de nos rues, de nos places, de nos bureaux, de nos centres commerciaux, que sais-je encore… allez : de nos chiottes), mais aussi des artistes (certains mais pas tous), des poètes, voire même des purs mathématiciens (ceux qui ne visent aucune application de leur travail à une quelconque activité productrice et ne font des maths que « pour l’honneur de l’esprit humain » comme le disait Jean Dieudonné) et de bien d’autres gens encore, ceux et celles qui sont banalement invisibles, que l’on ne voit pas, qui œuvrent en douce (ce qui ne veut absolument pas dire qu’ils se la coulent douce).

Autrefois, il y a un siècle ou plus, la misère était concentrée sur une classe sociale : ceux qui donnaient leur force de travail – en tant que seul bien en leur possession – afin de constituer cette valeur et qui, pour cette raison, recevaient en échange juste de quoi se reproduire dans leur existence quotidienne, car c’était le seul moyen qu’avait le Capital pour produire de la valeur (de la survaleur). Le travail abstrait constituait la survaleur. Avec l’amélioration de la productivité due aux sciences et aux technologies, à la micro-électronique, à l’informatique et maintenant à l’IA, cette possibilité a presque disparu, désormais on fait de la valeur avec quoi ? En produisant plus pour étendre toujours plus la masse des biens disponibles pour les consommateurs. Mais les besoins deviennent saturés. Peu nombreux sont ceux qui vont se payer deux ou trois automobiles, plusieurs frigos, plusieurs postes de télé. On ne prend pas de vacances infinies, on ne mange pas ou plus des tonnes de viande à chaque repas. Alors, on joue sur les désirs, sur les dispositions et les souhaits de chacun à être flatté, reconnu, « aimé », on joue sur les plaisirs et sur les distractions. Apparaît une nouvelle industrie : celle dite de l’entertainment (Guy Debord avait bien sûr déjà parfaitement vu et analysé cela dans sa « Société du spectacle », j’y reviendrai un jour car je l’ai injustement ignoré jusqu’ici). Et ça marche, au moins temporairement. Ça forme les contenus essentiels des chaines de radio et de télévisions (ça sert au moins à ça!). Et puis un jour vient où, même là, on ne produit plus de survaleur : les désirs se fatiguent, on ne peut pas regarder tous les films, on n’a que vingt quatre heures par jour à passer sur les réseaux, les gens qui produisent (scénaristes, réalisateurs…) coûtent trop cher, on tend à les remplacer, eux aussi, par des intelligences artificielles…

L’industrie capitaliste a su, et sait encore, jouer sur nos peurs, nos enthousiasmes et nos désirs. L’industrie numérique a, par exemple, trouvé une astuce incroyable : au lieu de parquer des ouvriers en un lieu pour les faire produire, elle utilise à ses fins une masse de milliards de gens qui, volontairement, exécutent des tâches pour son compte, comme celle consistant à maintenir les réseaux sociaux actifs. On fait croire aux utilisateurs qu’ils communiquent mieux et peuvent mieux s’exprimer, mais en réalité, on s’intéresse à leurs données personnelles que, sans s’en rendre compte, ils mettent à la disposition des industries. Ils produisent sans s’en apercevoir un monde de données qui sont les nouvelles marchandises en expansion dans le monde. Un peu comme si, au temps de l’industrie automobile, on avait convaincu les travailleurs qu’en travaillant dans le secteur automobile, ils travaillaient pour eux-mêmes, par exemple construisaient leur propre véhicule. Alors il auraient travaillé dans l’enthousiasme avant de s’apercevoir un jour qu’ils n’avaient pas gagné une voiture pour eux-mêmes mais avaient permis à leur secteur industriel de faire des profits énormes, à leur nez et à leur barbe !

De même que dans l’industrie classique, le refus de coopérer et la revendication des droits se faisaient par la grève, dans le capitalisme digital, il devrait donc se faire par le boycott des réseaux, le refus de donner du matériel à FB, X, ou Tik-tok.

Remarque : Pour le Capital, le numérique fait naître l’espoir en un développement infini, de par son caractère abstrait, immatériel, universel. Mais ce développement est limité par le temps dont disposent les usagers, lequel n’est pas extensible. On en vient donc toujours là, au temps. Dans le capitalisme classique, le temps dominait les acteurs parce qu’il permettait de définir la valeur abstraite des marchandises (en temps de travail socialement nécessaire pour les produire), dans le capitalisme digital, le temps domine plus directement encore les acteurs puisqu’il devient la ressource essentielle qui est consommée et doit être consommée pour que le système fonctionne. Seulement voilà, pas plus qu’une autre denrée (pétrole ou charbon), le temps n’est inépuisable. Ou plus précisément : certes, on peut le concevoir comme linéairement infini (le temps ne s’arrêtant pas à un horizon concevable par l’homme), mais il passe sans arrêt par un goulot étroit, l’impossibilité de se consacrer dans une journée qui ne fait que 24h à l’absorption de tous les contenus créés. Forcément, il y a des contenus qui sont laissés sur le côté, donc des chaînes ou des réseaux qui doivent s’effacer. C’est la guerre des plateformes, comme on a connu autrefois la guerre des grands groupes industriels, qui peut aboutir à l’hyper-concentration, mais celle-ci s’avérera aussi néfaste que dans le premier cas (uniformisation, lassitude des consommateurs, baisse de désir qui est le pendant de la saturation des besoins dans le cas du capitalisme classique). De plus, les données personnelles qui sont délivrées aux têtes de réseaux deviennent obsolètes, ne sont pas toujours fiables, leurs consommateurs s’en rendent compte et ne font plus confiance aux réseaux, lesquels un jour eux aussi, finiront par s’effondrer, du moins c’est l’espoir qu’on peut avoir, mais cela risque d’être dans très longtemps…

Il faudrait revenir à la source. Revenir à la source signifie inéluctablement sortir du capitalisme car ce qui est à la source, il y a longtemps que cela n’a plus de valeur au sens capitaliste du terme. Revenir à la source = Revenir à l’origine de l’Histoire ? On sait bien que c’est impossible, à cause de l’irréversibilité du temps, et puis parce que nul n’a envie de se priver des avantages que le progrès des sciences et des connaissances nous a procurés. Revenir à la source d’une autre façon. Inclure le geste primitif dans la modernité. Etendre l’espace intersticiel. L’espace où vivent et se développent les invisibles, ceux qui œuvrent en douce. Faire s’épanouir des espaces libres, sauvages. Faire honneur à l’imagination qui ne rapporte rien.

*

Note à l’attention de ceux qui me croient révolutionnaire autant qu’à ceux qui me croient réactionnaire :

On ne peut pas imaginer que le capitalisme s’effondre d’un seul coup, donnant tout à coup naissance à une nouvelle société affranchie de ses lois et contraintes. Ce vers quoi nous pouvons aller est une lente inflexion qui mènera, un jour, à un autre état de société que, rétrospectivement, nous verrons comme le produit d’un changement révolutionnaire. Le modèle ici est celui de la Théorie des Catastrophes, déjà évoqué dans le billet précédent à propos du discours, due au mathématicien René Thom. Pour rappel, cette théorie vise à expliquer comment peuvent se produire des discontinuités à partir d’évolutions continues. Lorsque cela se produit, on parle de singularité. Thom avait fait le catalogue de sept singularités possibles se produisant dans l’espace-temps. Il leur avait donné des noms pittoresques, le pli, la fronce, la queue d’aronde, le papillon… La plus facile à visualiser et à comprendre est la fronce (voir billet précédent). Ce qui est intéressant et propre à cette singularité, c’est qu’au moment où l’on constate la catastrophe, il y a longtemps qu’en fait, nous avons changé d’état sans nous en apercevoir. On ne voit donc pas se produire tout de suite le changement, ça met un certain temps (phénomène d’hystérésis) mais après-coup, on constate que l’on a effectivement changé de strate. Et oui, au sens mathématique du terme, une révolution est une catastrophe. Les paramètres ? On peut postuler « esprit de conservation » et « révolte », s’il pouvait n’y en avoir que deux, mais cela est sans doute insuffisant. D’abord parce que c’est là se rabattre sur des attitudes individuelles, ce qui ne convient pas à la société car cela relèverait d’un individualisme méthodologique introducteur de biais (il est faux de croire que le comportement du tout est la somme des comportements individuels), ensuite parce que le nombre deux est trop faible, on pense alors à des catastrophes d’ordre bien supérieur, avec de multiples paramètres. La destruction (disparition) de la valeur par exemple, l’expansion de la crise climatique, mais aussi (why not?) les changements qui surviennent dans la subjectivité globale (sensation de vide, impression que plus rien n’a de sens etc.).

Cette manière de voir les choses n’a pas de rapport avec « l’utopie ». Rien ne nous prouve que le nouvel état atteint serait plus harmonieux, plus profitable à la vie, miraculeusement moins violent, moins barbare que le précédent. Il serait juste différent. Non, une société sans valeur et sans travail ne serait pas nécessairement « meilleure » que l’actuelle. Les sociétés pré-capitalistes ont pu montrer hélas qu’elles avaient elles aussi des rites et des mœurs de grande cruauté (guerres, massacres, suicides de masse). Rien ne prouve qu’une société post-capitaliste n’en disposerait pas. Le risque de barbarie est toujours présent en nous. Alors, que faire ? Peut-être faut-il ne pas se résigner. Peut-être la pensée politique devrait-elle s’assigner pour but d’accompagner l’effondrement, présentant à chaque étape des solutions permettant à la vie sociale de s’organiser différemment, ouvrant des espaces au maintien de la vie.

***

Herbert Böttcher est un philosophe allemand que j’ai eu l’opportunité d’écouter lorsqu’il était venu en mai à la librairie Quilombo qui se trouve dans le quartier de la République. Il faisait un exposé (en allemand mais heureusement traduit) partant de la phrase de Walter Benjamin : « Que les choses continuent ainsi, voilà la catastrophe »(1). On sait que le dernier texte de celui-ci, écrit peu de temps avant son suicide en 1940 du côté de Banyuls, a pour titre : « Sur le concept d’histoire ». Texte quelque peu hermétique mais dont il ressort surtout qu’une autre histoire est possible que celle qui est offerte par la conception positiviste, pour laquelle elle est juste la cueillette de tous les faits « vrais », comme si cela était possible à réaliser, et qui, surtout, occulte le fait qu’elle n’est alors que l’histoire des vainqueurs, les archives portant témoignage des vaincus ayant la plupart du temps disparu et les vainqueurs ayant disposé de tout leur temps pour s’établir en seuls détenteurs de la vérité. Mais aussi, un point important sur lequel insiste Böttcher est que l’Histoire diffère du mythe.

Walter Benjamin

Le mythe est le retour inlassable du même dans un temps homogène où tout est semblable à tout, de ce point de vue, il convient au capitalisme qui, selon les thèses défendues par le courant critique, est justement basé sur le temps éternel de l’accroissement continu de la valeur, jusqu’à faire de celle-ci le seul but, la seule raison d’être, poursuite d’un absolu dérisoire qui plonge dans l’absurde. Dans son indifférence au contenu, le capitalisme engendre l’ennui et le désespoir qui ne trouvent de consolation que dans l’ésotérisme, la « spiritualité » ou la musique de divertissement etc. La forme de conscience ainsi créée est liée au vide et à la culpabilité, ce que Benjamin avait perçu en parlant de la « religion du capitalisme », non pas en lui associant un « Dieu » dispensateur de paradis, mais un Dieu immanent, sous la forme de l’argent. En nommant « catastrophe » le fait « que les choses continuent ainsi », Walter Benjamin voulait donc signifier que la catastrophe était inéluctablement liée à ce temps homogène vécu comme éternel retour, autrement dit le temps du mythe, et que, alors, ce qui n’était pas catastrophe, ce qui même permettait d’éviter cette dernière, c’était la conquête d’un temps échappant à cette régularité monotone. La question, dit Böttcher, de ce qui pourrait sauver du flux catastrophique de temps vide et homogène dans le continuum du progrès capitaliste devient pressante. Pour Benjamin, la possibilité du salut dépend de la possibilité d’interrompre le flux vide et homogène du temps et de faire éclater le « continuum de l’histoire ». Elle va de pair avec le refus d’oublier et de ne pas tenir compte de ce sur quoi le temps vide a roulé, notamment les noms « de générations de vaincus ».

Dans cet esprit, tout surgissement dans l’histoire d’un événement réel (et pas de la reproduction d’un mème qui s’est déjà produit) est bon à prendre. « Le moment du danger » (comme disait Benjamin), aujourd’hui, avec la guerre en Ukraine, est celle d’Israël contre le Hamas. J’ai dit dans un article précédent, la nécessité de condamner le Hamas. Depuis, les bombes déferlent jour et nuit sur un territoire exigu qui contient plus de deux millions d’êtres humains. La situation est devenue intolérable et risque de provoquer un désastre encore pire. Une issue ne serait-elle pas qu’un des actants, prenant de la hauteur, déclare qu’il préfère renoncer à l’affrontement plutôt que continuer à aligner les noms de victimes innocentes ? On me dit que cela est impossible : ce serait vu comme un signe de faiblesse et le signal que Hamas ou Hezbollah ou d’autres forces du Moyen-Orient pourraient se livrer à d’autres carnages (car évidemment je n’envisage cela que du point de vue d’Israël, pour son attachement à une forme d’humanisme caractérisée par une étude critique constante de son livre sacré et son inscription dans un cadre institutionnel qui reconnaît droits et libertés aux membres de sa population). Cela semble donc pour l’instant un rêve, quelque chose d’impossible, or ce serait enfin un « événement » c’est-à-dire une rupture dans le cours de l’histoire, juste au sens où l’entendait Benjamin.

[la question du rapport entre le sens que Benjamin donne dans cette citation au mot « catastrophe » et le sens que je lui ai donné jusqu’à présent est à réfléchir, fait donc l’objet d’une méditation à venir, peut-être dans un billet futur!]

(1) On peut trouver le texte dans le numéro 6 de la revue Jaggernaut, éditée par Crise & Critique (BP n° 90054, 81027, Albi, cedex 9)

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7 Responses to Comment agir dans un univers dominé par ce qui a un prix ? – I – (suivi de la catastrophe au sens de Benjamin)

  1. Avatar de marronbleu marronbleu dit :

    Faire honneur à l’imagination qui apporte beaucoup, nouvelle ère, peut-être

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  2. Avatar de Patrick B. pb dit :

    La notion de catastrophe comme synonyme de révolution, de mouvement perpetuel, et en miroir l’excentrique, ce qui tourne autour d’un axe « taré » , Gilles Deleuze l’évoque dans le domaine de la peinture, il parle des peintres de la catastrophe… Cezanne notamment ne refaisait ses tableaux qu’à coup de « catastrophes » il y puisait une sorte de logique naturelle pour son art. Et le temps quand on crée passe bien differemment que lorsqu’on travaille. Et encore entre le noir et le blanc il y a une infinité de valeurs, on ne saurait s’y fier pour peindre, il faut souvent trancher. Trois ou quatre, mais s’y tenir. Beacoup à reflechir sur le sujet que vous évoquez, merci.

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  3. Avatar de Debra Debra dit :

    Sujet très intéressant, merci. Il me semble que le temps n’est pas un paramètre homogène, et le langage le dit à sa manière. Le temps de la durée n’est pas le même que le temps vu sous son aspect ponctuel, qui est celui de l’événement, me semble-t-il. Le temps du quotidien est le temps vécu sous l’aspect de la durée, et c’est pour cela que la vie quotidienne est un défi pour l’être humain. Durer… est dur.
    Il me semble aussi que la pensée grecque, depuis l’Antiquité, va de pair avec un refus de la répétition, l’aspect itératif du verbe, par exemple. Mais… la répétition, c’est… la vie, et il n’y a pas de mémoire, donc, pas d’histoires/Histoire sans répétition(s).
    Ce que vous avez développé plus haut autour du travail des femmes, des invisibles, je le rattache à la problématique de la grâce, qui doit exister sur un autre plan pour rester la grâce. Traditionnellement, la grâce a été associée aux femmes, comme lieux d’incarnation de la grâce (les trois grâces, par exemple), mais on peut parler de geste gracieux, et l’idéal grec d’une caste d’aristocrates citoyens ? versés en poésie, musique, philosophie ? gymnastique était un idéal pour les hommes, je crois. Ce qui caractérise notre civilisation moderne, c’est le désir de sortir la grâce de l’ombre, en quelque sorte, un idéal bien digne… des Lumières. Mais la grâce, ne doit-elle pas rester cachée dans les plis, et si elle reste cachée, est-ce que cela veut dire qu’elle est INVISIBLE, ou qu’elle n’aurait pas de valeur ? La valeur… n’est-elle pas ailleurs, sur un autre plan ? Il me semble fondamental de noter que la grâce ne PEUT PAS avoir une valeur monnayée et rester la grâce. C’est pour moi, ce qui permet de comprendre que même si on sort de l’argent pour acheter quelque chose à quelqu’un qui vend, cela ne nous dispense pas de dire « merci », ce qui est un acte… de grâce. Quelle est la relation entre ces plans ? Je ne le sais pas, mais je crois qu’il y en a une. D’une certaine manière, cette dialectique ? (mais le mot ne convient pas pleinement, je crois) entre grâce et intérêt s’appuie sur la nécessité de reconnaître que ce n’est pas parce que nous avons affaire à de l’invisible qu’il n’est pas là.. Tant d’invisible dans le monde qui est pourtant bel et bien là…même si nos yeux aveugles glissent dessus. La pensée même… est invisible.
    Votre remarque sur la nécessité que dans le conflit armé l’un des deux partis enterre ? la hache nous ramène aux fondements de la vie en société : à sa manière Jésus avait cherché à valoriser celui qui ne surenchérissait pas dans la bagarre, celui qui arrêtait, mais si les deux partis sont dominés ? par la croyance que l’arrêt est signe de faiblesse, et impensable, alors la violence se répète inlassablement et indéfiniment. Je dis parfois à mes amis d’aller voir ou lire la pièce de « Macbeth » pour une exposition magistrale ? de la logique de la pure force phallique, une logique dont les femmes sont bien capables, d’ailleurs…pour leur plus grand malheur, et le malheur de tous.

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  4. Avatar de Debra Debra dit :

    Je note plus haut avec un vif intérêt que vous faites la différence entre « marxienne » et « marxiste », et aimerais que vous approfondissiez ce choix de vocabulaire, en gardant en tête que l’édifice scientifique repose sur… le choix des suffixes…
    Merci.

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    • Avatar de alainlecomte alainlecomte dit :

      oui, c’est volontairement que j’emploie l’adjectif « marxien » plutôt que « marxiste ». Je ne me reconnais pas dans le marxisme traditionnel. Si j’ai été attiré d’ailleurs par les auteurs que je cite volontiers (Postone, Kurz etc.) c’est bien parce qu’ils ont fait une critique radicale du marxisme traditionnel. Cela n’empêche pas de vouloir poursuivre la pensée de Marx dans ce qu’elle a de vraiment intéressant et qui n’apparaît pas toujours chez ses thuriféraires (ce que mes auteurs de référence appellent le Marx ésotérique). Pour la petite histoire… Marx disait lui-même qu’il n’était pas marxiste!

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      • Avatar de Debra Debra dit :

        Merci pour ces précisions. Je crois que l’adjectif « freudiste » n’existe pas plus que le « freudisme », et je m’en réjouis…j’y vois… un signe… de quelque chose.

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