Maison Européenne de la Photographie (MEP), rue de Fourcy, près de la station saint-Paul, quartier du Marais. Une exposition qui nous intrigue, et finalement nous emmène dans un monde merveilleux, celui des plantes. Plantes réelles. Plantes imaginaires. En quoi diffèrent-elles fondamentalement ? Toutes confondues, elles ont une non-histoire comme le dit le titre de l’exposition. La photographie est ici une technique qui nous montre ce que nous ne voyons pas. Car que savons-nous du monde qui nous entoure ? Presque rien, alors que nous croyons savoir tout. Il n’est pas nécessaire d’aller jusqu’à entendre ce que nous dit la physique contemporaine, que, de l’univers, nous connaissons à peine 5 % (et oui, matière et énergie noires nous échappent), puisque déjà lorsque nous jetons notre regard sur les végétaux avec des moyens techniques légèrement améliorés par rapport à nos organes de perception, nous découvrons un monde que nous ignorions. Mais où est la limite entre fantasme et observation ? Des techniques de film, comme le time-lapse, nous montrent le développement de pâquerettes, les battements de leurs feuilles comme ceux des ailes des oiseaux, révélant chez elles des rythmes qui dépendent de leur âge : les plus vieilles n’arrivent plus à refermer leurs ailes. Charles Darwin déjà en 1880, avec son fils Francis, dans son ouvrage La Faculté motrice dans les plantes, avait montré que les plantes étaient capables de sensations. D’où des rêveries, des productions artistiques à la limite de la science : des films (The Secret Life of Plants, de Walon Green, 1979) montrent des expériences où l’on enregistre le pouls des fleurs, elles semblent ressentir les choses autour d’elles : quand un opérateur vient détruire un specimen semblable à portée de sensation de la plante observée, celle-ci éprouvera par la suite un rejet à l’égard du même opérateur. Si non e vero e ben trovato, comme dit l’autre. Il reste quand même l’hypothèse que les humains pourraient être connectés émotionnellement à chaque chose de la nature. On trouve aujourd’hui cette idée chez Philippe Descola. Dans la partie Matière végétale, on conçoit les plantes d’une autre manière : ne sont-elles pas elles-mêmes à la foi objet et sujet de la photographie ? On les photographie, certes, mais ce sont elles qui donnent la matière avec laquelle elles le sont : papiers, pigments, agent de photosensibilité. Pas besoin de caméra, on les pose directement sur la pellicule. Les résultats sont magnifiques : cyanotypes d’Anna Atkins qui datent de 180 ans, impressions naturelles de Bradbury, paysages hybrides de Stephen Gill (photo). Toutes ces photographies révèlent la puissance des plantes. Pas étonnant qu’elles soient poursuivies par des films, des videos qui décuplent cette puissance au plan de l’imaginaire : le film de SF Le Jour des Triffides met en scène des plantes tueuses, la réalisatrice polonaise Agnieska Polska fabrique avec l’aide de l’IA un court-métrage extraordinaire qui invente un récit évolutionniste fantaisiste The Book of Flowers, qui paraît vraisemblable : au début étaient les plantes, et leurs fleurs attiraient les hommes en leur calice pour y faire l’amour, après l’amour, ils étaient absorbés. Différents événements sont advenus par la suite, qui ont séparé humains et végétaux, mais l’histoire n’est pas finie : qui sait, peut-être un jour, la fusion se reproduira-t-elle…Nous sortons de là tout chamboulés.

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Musée du Jeu de Paume : expositions Chantal Akerman et Tina Barney. C’est moins l’enthousiasme. Chantal Akerman, oui bien sûr. On voit ici de multiples séquences de films, y compris de son premier, en noir et blanc, mais qui nous semble désormais bien lointain, attaché à une époque de révolte adolescente. Les images de l’ouverture à l’Est, sur de lourds écrans télé de l’époque, sont aussi datées, on y prend un intérêt historique tant par leur objet que par leur support, mais guère un intérêt esthétique. Tina Barney est appréciée à cause de la taille et de la précision de ses photographies en couleurs des familles américaines de la côte Est, et de leurs excellents cadrages, mais ce qu’elles nous montrent est un univers désespérant, habité seulement par la convention et les certitudes d’une classe sociale éloignée de la vie. Bien loin de celle des plantes.

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Au Théâtre de la Porte Saint-Martin, à 20 heures, après une halte dans une brasserie du quartier, La Serva Amorosa de Goldoni mise en scène par Catherine Hiégel. Savoureux et jubilatoire. Aux antipodes de l’Amante anglaise vue la veille. Ici, le public participe, même si de manière silencieuse, ne serait-ce que par ses mouvements d’émotion, nettement perceptibles, il rit quand Octavio se montre ridiculement benêt auprès de sa nouvelle femme qui n’en veut qu’à son argent alors qu’il croit qu’elle l’aime, il se passionne pour la volonté de la jeune héroïne, Coraline, de remettre les choses en ordre en faisant rétablir les droits de Florindo, il exulte à la fin lorsque cette même Coraline, tellement bien incarnée par Isabelle Carré, vient au-devant de la scène pour son envoi en hommage à l’intelligence des femmes (sauf de certaines femmes américaines, peut-être, mais ça, elle ne pouvait pas le savoir). Il est interpellé de manière très drôle par Octavio, joué par Jackie Berroyer, au sujet des ravages de l’âge. (Avec Isabelle Carré, Hélène Babu, Jackie Berroyer, Olivier Cruveiller, Antoine Hamel, Jeremy Lewin, Tom Pezier, Jérôme Pouly, Stanislas Stanic. Mise en scène Catherine Hiégel).
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Le BAL, impasse de la Défense, petite impasse donnant sur l’avenue de Clichy : exposition Yasuhiro Ishimoto. Lieu discret, un petit café éthique ouvrant à 11h30, faisant travailler des exilés, réfugiés, demandeurs d’asile, et une galerie à la place d’une ancienne salle de bal… Ishimoto en père de la photographie japonaise, parti aux Etats-Unis dans les années vingt pour étudier, qui photographie alors Chicago. Mais est rattrapé par la guerre, et comme on sait les citoyens nippons sont mal vus, soupçonnés, internés. C’est ce qui lui arrive. Après guerre, il retournera au Japon, gardant en lui les leçons apprises auprès de l’Institute of Design, proche de l’enseignement du Bauhaus, mais s’en sentira exclu, jusqu’à ce qu’il s’épanouisse enfin dans des noirs et blans profonds tout en lignes verticales, horizontales ou obliques, un schéma qui convient bien à la photo des villas japonaises, comme la villa impériale Katsura à Kyoto.

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Institut Culturel Italien, rue de Varenne : exposition Domenico Notarangelo : Pasolini à Matera. Ne pas confondre avec le Centre Culturel Italien, boutique sans intérêt dans le quartier Saint-Séverin. L’institut, lui, est dans l’enceinte de l’Ambassade d’Italie. L’exposition des photos de Domenico Notarangelo nous replonge dans l’atmosphère du tournage de l’Evangile selon Saint-Mathieu, le plus beau film de Pasolini et peut-être de toute l’histoire du cinéma italien. Je l’avais vu à sa sortie en 1964, en marxiste un peu jeune et buté, je ne comprenais pas bien ce qu’un cinéaste communiste pouvait faire avec Jésus. Et pourtant… L’exposition révèle que celui qui jouait le rôle du Christ, un jeune espagnol du nom de Enrique Irazoqui était un militant révolutionnaire anti-franquiste. Alors que j’écarquillais les yeux devant le paysage dans lequel se déroule le film, pensant que c’est ainsi qu’était la Terre Sainte, j’ignorais ce que je vois aujourd’hui : que ce n’était pas la Palestine mais l’Italie, pas Bethléem mais Matera (Pasolini était parti faire des repérages en Palestine, mais avait trouvé que les paysages étaient devenus trop civilisés). Domenico Notarangelo est un grand photographe peu connu en France, son fils, qui a réalisé cette exposition, voudrait qu’il soit honoré à l’égal des Cartier-Bresson ou des Doisneau.


Depuis plusieurs années il existe en Auvergne, au Mont Dore un parcours de sylvothérapie destiné entre autres à connecter l’individu aux végétaux et à faire baisser le taux de cortisol. La danse nature est elle aussi bien présente en France depuis 25 ans (50 ans aux US) avec des objectifs qui rejoignent tes constats et tes réflexions.
Je me rappelle même d’un homme qui circulait pieds nus dans le village de Gresse en Vercors dans les années 70/80, à priori scientifique étranger, et qui expérimentait entre autre les relations potentielles entre les fleurs les légumes avec différents stimuli (la musique entre autres).
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