Hier dans ma balade à Lyon, après visite de la très intéressante exposition qui a lieu en ce moment au Musée des Beaux-Arts, qui porte sur la Forme des ruines, d’après un volumineux ouvrage d’Alain Schnapp, archéologue et historien, Une histoire universelle des ruines, établissant la différence entre ruines et vestiges, comparant l’oubli et la mémoire, instaurant une complémentarité entre le rite et la ruine, partant du fond des âges, de la Mésopotamie, pour aller jusqu’à un hier tout proche et même encore actuel (Gaza…), passant par les pillages de l’armée US en Irak et les souvenirs de guerre et de massacres, encore, toujours, gravures de Goya, photos noir et blanc des victimes d’Hiroshima, tableaux de Dali (La Gradiva), de Chirico, de Desgrandchamps, de Sutherland, de Grosz et d’Otto Dix, après un lunch dans un bistrot alsacien, pour une flammekusch, je rends visite à Jean Imhoff qui présente son expo à la Galerie de la Tour, 16 rue du Boeuf. C’est là qu’il y a cette fameuse tour, la Tour Rose, dite aussi maison du Crible.
Longue conversation avec le peintre. Peinture toujours aux pigments, sur des toiles de rideau parfois rapiécées, des planches en bois rafistolées, sur plusieurs couches avec parfois des accidents qui font ressortir un point rouge (tel les points chaudes des volcans qui s’alignent au large des îles du Pacifique). Lorsque les couches se répandent sur une toile non traitée, cela donne un aspect mat, la peinture est bue par la substance sous-jacente, et au contraire sur des bases solides comme le bois, elle luit, les blancs d’ivoire resplendissent et les bleus clairs d’azur sourient. Imhoff avoue l’influence de Tapiès que l’on voit en effet dans les ocres, les noirs, les lignes qui partent vers l’inconnu, qu’il barre alors de croix, ce qui me fait me rappeler les images de fils de fer barbelés, les prisons des camps mais c’est là juste le souvenir de l’exposition du matin. Sont là des bleus de toutes les sortes, des ocres, des jaunes lumineux ou des gris terreux. Peu de terre de sienne, me dit-il, car trop opaque, peu de bleu de prusse car ça craquèle. On est au plus près de la fabrique de l’art. On discute des rapports aux hommes qui n’ont pas, semble-til, une grande sensibilité à la peinture, qui n’entrent pas dans la galerie, laissent leurs femmes faire leur choix, ils préfèrent les attendre au bouchon d’en face. Nous convenons qu’il prendra contact avec moi quand il décidera d’organiser des stages dans son nouvel atelier dans la vallée d’Azergues, au nord de Lyon. Imhoff est né en 48, il a vécu en Algérie jusqu’en 62. Il a plein d’enfants et de petits enfants. Le dernier a quatre mois. Grand connaisseur de Lyon, il sait qui est né à la Croix-Rousse (Abbé Pierre), qui y habite encore (Michel Noir), qui y a habité pendant cinq ans (Frédéric Dard).



