Une fois n’est pas coutume : j’annonce sur mon blog des événements futurs, qui se tiendront du 1er au 9 juillet à Buis-les-Baronnies en la salle des Fêtes de La Palun (sortie de la ville en allant sur Mollans). Evénements auxquels je participe, bien entendu.
Le 1er juillet, le Théâtre des Habitants (THD), dirigé par Serge Pauthe, donnera en soirée Station Raymond Queneau, suite de petites scènes empruntées à une pièce de Denise Bonal : Les Pas perdus, auxquelles on a intégré une courte pièce de Raymond Queneau : En passant… Le thème, on l’a compris, est ce qui se passe dans les gares ou sur les quais du métro. Dans les gares, il y a plein de gens bizarres. Denise Bonal en avait fait une pièce, on y voyait une petite fille partir sans sa maman vers un hôpital, une vieille dame nostalgique courant après un amour perdu, des gamines en fuite et des amants désespérés.
Quant au métro, il s’y connaissait, Queneau, qui y avait déjà promené une certaine Zazie. Là, les deux actes de sa pièce se font miroir. Dans les deux cas, la même situation : une femme (resp. un homme) qui souhaiterait vivre autrement, avoir un amour plus fort, une vie plus intense, elle (resp. il) arrive sur le quai avec le mari (resp. la femme), qui râle tout le temps. Et vient un passant (resp. une passante) qui apporte la lumière et l’espoir. En parallèle, le mari (resp. l’épouse) connaît une aventure avec une mendiante (resp. un mendiant).
A la fin tout se résout par l’arrivée du dernier métro.
Condensé un peu facile de nos vies, qui s’arrêtent elles aussi par l’apparition d’un événement anodin : en général la mort.
Je suis heureux de jouer dans cette pièce car j’ai toujours aimé Queneau, ce poète insolite qui a su mélanger la littérature et… les mathématiques. En cela, il est l’ancêtre évidemment de Jacques Roubaud, celui qui se déclare « mathématicien en retraite et poète en activité ». Il est aussi l’un des pères fondateurs de l’OULIPO.
On voit tout de suite quand un écrivain fait de l’œil aux mathématiques. Par exemple, ci-dessus, j’ai condensé l’intrigue de deux actes en une seule phrase, ce qui m’a conduit à employer l’écriture : X(resp. Y) qui se lit : X, respectivement Y, peu utilisée dans les textes littéraires habituels et qui sort tout droit des mathématiques, où, là aussi, on cherche à minimiser l’expression tout en factorisant au maximum ce qui peut être factorisé. Cela permet de faire ressortir des similitudes et des isomorphismes. Ce genre d’exercice littéraire ressort typiquement de l’esprit oulipien. Autant que le plan du réseau du métropolitain, Queneau connaissait les mathématiques de son temps. Son livre Bords, édité chez Hermann dans les années soixante, contenait un passionnant article sur le groupe Bourbaki qui n’entra pas pour peu dans ma décision d’en faire (des mathématiques). C’était un heureux temps où l’on attendait beaucoup du futur. Notamment, le passage aux mathématiques dites « modernes » allait, à n’en pas douter, fournir des générations de gens capables de bien raisonner. Raté.
Pour compléter ce spectacle, d’autres pièces sont invitées, produites dans la région, dialogue de deux adolescentes sur les questions qui les tourmentent, comme une sorte d’Esther (celle de Riad Satouf, pas celle de Racine) au théâtre, mis en scène par le père de l’une des deux (Maxence Descamps, dirigeant d’une compagnie théâtrale à Nyons) (passera au festival off d’Avignon sous le titre Faut qu’on parle), et reprise du Repas des Fauves, une pièce de Vahé Katcha interprétée ici par la compagnie du Théâtre des Deux Mondes de Vaison-la-Romaine, qui sera à l’affiche également à Paris en septembre, pièce qui nous terrifie à l’avance : en 1942, de riches bourgeois festoient pendant que deux officiers allemands sont tués en bas de chez eux, les SS, pour sévir, décident d’envoyer deux personnes par étage pour être exécutées, dans le cas des bourgeois qui festoient, faveur : ce sont eux mêmes qui, au dessert, choisiront leurs victimes !
Le 9 juillet, nous ferons des lectures en hommage à l’Ukraine. Textes des grands poètes ukrainiens du passé (Taras Chevtchenko, Lessia Oukraïnka) et de poètes modernes et contemporains avec musiques interprétées par une famille réfugiée vivant au Buis.
Un jour, la guerre s’est invitée à notre table.
Au début, nous ne savions pas qui elle était,
nous l’avons regardée un peu de biais, dubitatif,
était-ce bien la guerre ? Celle qu’on nous avait contée
autrefois, avec ses prisonniers, ses corps à corps,
ses combats de rue, ses bombes et ses soldats ?
Oui, c’était bien cela.
C’est cela, une vraie guerre.
…
Ces envahisseurs, ont-ils un nom ?
Peut-on les parer du nom d’un peuple libre ?
Eh bien non, ces soldats envoyés comme chair à canon
ne sont pas les représentants d’un peuple libre,
ils viennent d’un empire qui s’effondre
qui n’en finit plus de s’effondrer depuis le premier effondrement
et qui dans un dernier sursaut veut vaincre
et écraser toute liberté, autant à ses portes qu’en lui-même
Répétitions obligent… il ne me reste plus assez de temps pour avancer dans ma lecture de la Dialectique négative… mais… Queneau, Ardono, ça rime, non?


Une belle idée ce spectacle à la Queneau ! Ce qui se déroule dans une gare (qu’il s’agisse du trail ou des transports en commun est toujours une pièce de théâtre, un roman ou un poème potentiels. Quand aux mathématiques dites modernes, hélas je confirme…Bonne journée !
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