De la poésie en temps de (dé)confinement – 5 – l’oxymore du lait noir

Continuant sur Celan, je propose ce poème qui est comme un diamant noir dans la nuit, entre autres parce qu’il part d’un oxymoron qui nous étreint : celui du lait noir. Lait noir… quelle autre manière de dire à la fois la mère en sa fonction nourricière, et le voile de terre et de ténèbres dont elle est recouverte à l’issue du massacre ? Evidemment il vaut mieux le lire en allemand car le verbe « trinken », dans sa sonorité, est autrement plus violent et expressif que la conjugaison du verbe « boire » (qu’aurait pu faire le traducteur ? Utiliser le verbe « trinquer » ? on devine l’incompréhension qui en résulterait!).
(On pourra entendre dans le film que je mets en lien la voix du poète lui-même dire ce texte).

Todesfüge – tableau d’Anselm Kiefer

Lait noir de l’aube nous le buvons le soir
le buvons à midi et le matin nous le buvons la nuit
nous buvons et buvons
nous creusons dans le ciel une tombe là on n’est pas serré
Un homme habite la maison lui joue avec les serpents il écrit
il écrit quand il va faire noir en Allemagne tes cheveux d’or Margarete
écrit ces mots s’avance sur le seuil et les étoiles tressaillent il siffle ses grands chiens
il siffle il fait sortir ses juifs et creuser dans la terre une tombe
il nous commande allons jouez pour qu’on danse

Lait noir de l’aube nous te buvons la nuit
te buvons le matin puis à midi nous te buvons le soir
nous buvons et buvons
Un homme habite la maison lui joue avec les serpents il écrit
il écrit quand il va faire noir en Allemagne tes cheveux d’or Margarete
Tes cheveux cendre Sulamith nous creusons dans le ciel une tombe là on n’est
pas serré

Il crie enfoncez plus vos bêches dans la terre vous autres et vous chantez jouez
il attrape le fer à sa ceinture il le brandit, ses yeux sont bleus
enfoncez plus les bêches vous autres et vous jouez encore pour qu’on danse

Lait noir de l’aube nous te buvons la nuit
te buvons à midi et le matin nous te buvons le soir
nous buvons et buvons
un homme habite la maison tes cheveux d’or Margarete
tes cheveux cendre Sulamith il joue avec les serpents
Il crie jouez plus douce la mort la mort est un maître d’Allemagne
il crie plus sombres les archets et votre fumée montera vers le ciel
vous aurez votre tombe alors dans les nuages là on n’est pas serré

Lait noir de l’aube nous te buvons la nuit
te buvons à midi la mort est un maître d’Allemagne
nous te buvons le soir et le matin nous buvons et buvons
la mort est un maître d’Allemagne son œil est bleu
il te touche d’une balle de plomb il ne te manque pas
un homme habite la maison tes cheveux d’or Margarete
il lance ses grands chiens sur nous il nous offre une tombe dans le ciel
il joue avec les serpents et rêve la mort est un maître d’Allemagne
tes cheveux d’or Margarete
tes cheveux cendre Sulamith

Schwarze Milch der Frühe wir trinken sie abends
wir trinken sie mittags und morgens wir trinken sie nachts
wir trinken und trinken
wir schaufeln ein Grab in den Lüften da liegt man nicht eng
Ein Mann wohnt im Haus der spielt mit den Schlangen der schreibt
der schreibt wenn es dunkelt nach Deutschland dein goldenes Haar Margarete
er schreibt es und tritt vor das Haus und es blitzen die Sterne er pfeift seine Rüden herbei
er pfeift seine Juden hervor läßt schaufeln ein Grab in der Erde
er befiehlt uns spielt aub nun zum Tanz

Schwarze Milch der Frühe wir trinken dich nachts
wir trinken dich morgens und mittags wir trinken dich abends
wir trinken und trinken
Ein Mann wohnt im Haus der spielt mit den Schlangen der schreibt
der schreibt wenn es dunkelt nach Deutschland dein goldenes Haar Margarete
Dein aschenes Haar Sulamith wir schaufeln ein Grab in den Lüften da liegt man nicht eng
Er ruft stecht tiefer ins Erdreich ihr einen ihr andern singet und spielt
er greift nach dem Eisen im Gurt er schwingts seine Augen sind blau
stecht tiefer die Spaten ihr einen ihr andern spielt weiter zum Tanz auf

Schwarze Milch der Frühe wir trinken dich nachts
wir trinken dich mittags und morgens wir trinken dich abends
wir trinken und trinken
ein Mann wohnt im Haus dein goldenes Haar Margarete
dein aschenes Haar Sulamith er spielt mit den Schlangen
Er ruft spielt süßer den Tod der Tod ist ein Meister aus Deutschland
er ruft streicht dunkler die Geigen dann steigt ihr als Rauch in die Luft
dann habt ihr ein Grab in den Wolken da liegt man nicht eng


Schwarze Milch der Frühe wir trinken dich nachts
wir trinken dich mittags der Tod ist ein Meister aus Deutschland
wir trinken dich abends und morgens wir trinken und trinken
der Tod ist ein Meister aus Deutschland sein Auge ist blau
er trifft dich mit bleierner Kugel er trifft dich genau
ein Mann wohnt im Haus dein goldenes Haar Margarete
er hetzt seine Rüden auf uns er schenkt uns ein Grab in der Luft
er spielt mit den Schlangen und träumet der Tod ist ein Meister aus Deutschland
dein goldenes Haar Margarete
dein aschenes Haar Sulamith

« après ça le mot Allemagne disparaîtrait définitivement du lexique de sa poésie, à une seule exception près : un poème où il parlait de sa mère, et qui ne fut pas publié, peut-être parce que la fugue de mort avait suffi pour lui à dire l’insoutenable constat que sa mère, avant d’être assassinée par des Allemands, avait tout fait pour que son fils parle bien leur langue et se nourrisse de ses classiques, l’avait nourri au sein du lait de cette culture, lui avait lu peut-être des passages du Faust sa mère qui s’appelait Frédérique, Fritzi, qui peut se traduire en hébreu par Sulamith… » (Jean-Pierre Lefebvre)

Celan et Hölderlin occupent des positions semblables mais opposées, semblables en ce que les deux figurent sur les bords de ce trou noir béant au sein de l’histoire allemande, la monstrueuse faille du nazisme, mais opposées en ce que l’un se trouve à l’ouverture, en prémonition en quelque sorte, et l’autre en épilogue. Cela se trouve illustré par l’interrogation que porte Celan à l’égard de son aîné de presque deux siècles, exprimée dans un poème fameux, commenté par le philosophe heideggerien Philippe Lacoue-Labarthe (in La poésie comme expérience, ed. Christian Bourgois), poème qui s’intitule : Tübingen, Jänner, traduit ici par Martine Broda :

Des yeux sous les paroles
aveuglées.
Leur – « énigme
ce qui naît
de source pure » -, leur
souvenir de
tours Hölderlin nageant, tournoyées
de mouettes.

Visites de menuisiers noyés
à ces
mots qui plongent :

S’il venait,
venait un homme,
venait un homme au monde, aujourd’hui, avec
la barbe de clarté
des patriarches : il devrait,
s’il parlait de ce
temps, il
devrait
bégayer seulement, bégayer
toutoutoujours
bégayer.

Zur Blindheit über-
redete Augen.
Ihre – « ein
Rätsel ist Rein-
entsprungenes » – , ihre
Erinnerung an
schwimmende Hölderlintürme, möwen-
umschwirrt.

Besuche ertrunkener Schreiner bei
diesen
tauchende Worten :

Käme,
käme ein Mensch,
käme ein Mensch zur Welt, heute, mit
dem Lichtbart der
Patriarchen : er dürfte,
spräch er von dieser
Zeit, er
dürfte
nur lallen und lallen,
immer-, immer-
zuzu.

Ceci se donne dans une forme non lyrique, je dirais même non « phrastique » au sens où la syntaxe se trouve subvertie, remplacée par la parataxe (on appelle parataxe un mode de construction par juxtaposition de mots ou de phrases tel qu’aucun mot n’est présent pour assurer subordination ou coordination), mais poésie pourtant. Et s’opposant à Hölderlin tout en le reconnaissant comme frère, lequel Hölderlin avait inauguré déjà cette forme étrange, disjointe de la syntaxe usuelle de la langue allemande. S’opposant à Hölderlin du point de vue qui est le sien, celui d’un Juif dont les parents furent exterminés (père typhus et mère balle dans la nuque) et qui dit désormais que si devait venir un homme comme celui qu’attendait le poète de Tübingen, alors ce ne pourrait être qu’un homme qui bégaie, un homme ridicule et titubant…

Dire que Hölderlin et Celan se tiennent tous deux au bord du gouffre constitué par cette période ignoble ne va pas sans évoquer la problématique d’Alain Badiou à propos de l’événement, toujours donné à partir d’un site, et d’un élément qui s’auto-désigne (processus qui nécessite toujours un intervenant). Je ne sais pas très bien comment Badiou se sort de cet « événement »-ci (la Shoah), ni comment il justifie le concept de « fidélité », ce que je sais c’est que Badiou fait de Hölderlin une illustration de ce concept. Mais fidélité à quoi ? Le philosophe ose « la fidélité à la patrie » en tant que celle-ci serait un site événementiel (mais quel événement?). Arrivé à l’autre bord, celui qu’occupe Celan, on frissonne pourtant… J’ignore comment le philosophe de « l’être et l’événement » résout cette contradiction.
De toutes façons, qu’y a-t-il de plus odieux que cette manière dont les philosophes se servent des poètes? Quelles déformations ils leur font subir… On ne saurait (selon certains censeurs) émettre un commentaire sur Hölderlin sans faire référence (qui se dit ici aussi révérence) à Heidegger ! Mais pourquoi ne serions-nous pas vierge, innocent, en lisant le poème ? N’est-ce pas là la meilleure façon de lire ?

*

Pourquoi la poésie ? Il est devenu banal de dire que la poésie représente la quintessence de la langue où elle s’écrit, banal mais pourtant vrai. Elle est le cœur secret / sacré de la langue, de ce qu’il y a d’irréductible, d’inaliénable en elle. Le cœur de la langue française, par exemple, bat en Villon, Rabelais, La Fontaine, Hugo, Baudelaire, Rimbaud, Verlaine et quelques autres (parfois bien relayés par des chanteurs : Brassens, Ferré, Ferrat… qui, par leur musique, auront réussi à graver dans nos esprits des vers ou des strophes entières) car sitôt qu’on pense à cette langue ce sont des vers et des extraits de ces écrivains qui nous viennent à l’esprit, de même que pour l’allemand, c’est Goethe, c’est Schiller, c’est Heine ou c’est Hölderlin ou Rilke… Je n’énumère pas toutes les langues. On se doute bien qu’une langue qui n’aurait pas de grands poètes n’en serait pas une vraiment. Pour chacune, la poésie est une forme de concentration, de diamant.
Autre chose est pour une langue le langage du politique. Celui-ci a plutôt tendance au contraire à corrompre la langue, il l’attaque de l’intérieur en faisant sauter ses défenses. On peut convoquer ici les exemples qui ont marqué le XXème siècle. La langue du nazisme, analysée par Victor Klemperer, ou celle du stalinisme. En son temps, dans les années soixante – que ceci est loin – Jean-Pierre Faye avait consacré un important volume aux « langages totalitaires ». Le propre du langage politique (ou du discours politique, si l’on préfère) est qu’il est fait pour être « compris » immédiatement, sans effort de la part du récepteur de la communication. Il doit glisser sur nous et pénétrer en nous sans difficultés, s’appuyant sur des canaux déjà préexistants que sont les « évidences » (qui n’en sont jamais), les clichés, ce qu’on appelait, au temps des analyses de discours, les « pré-construits » (voir les travaux de Michel Pêcheux, dans les années 1980).
On comprend que, dans le cas de l’Allemagne, la langue ait été durement pervertie et qu’il ait pu paraître notamment à l’enfant que j’étais impossible de l’étudier après que chaque soir des années cinquante ait été dévolu à l’écoute des récits de guerre faits par un père et que les émissions de rétrospective aient diffusé souvent les discours de Hitler comme autant d’aboiements ne ressemblant en rien à ce qu’aurait dû être une langue réfléchie, propice à la raison autant qu’à la poésie. Il m’a fallu découvrir Heine pour sortir un peu de cette image de la langue allemande et pour moi aujourd’hui l’allemand commence par ces mots : « Ich weiss nicht was soll es bedeuten das ich so traurich bin… ». Mais on comprend que pour un poète comme Celan, écrire dans la langue des criminels ait été difficile, quasiment impossible. D’où la nécessité de réinventer une autre langue. Mais n’est-ce pas cela, la poésie : toujours inventer, ré-inventer la langue ?

En fin de compte la poésie nous apparaît comme la seule résistance possible s’il est vrai que les manœuvres de domination, c’est d’abord par la langue qu’elles s’exercent. Je lis abondamment sur les réseaux sociaux des « discours » qui s’en prennent à « nos politiques », au système taxé de « néo-libéralisme », ce sont des litanies utilisant sans cesse les mêmes mots pour arriver à bien peu de résultats. La langue du néo-libéralisme existe en effet tout autant que celle du nazisme ou celle du communisme étatique, mais il faudrait pour lutter contre elle (et donc contre l’idéologie qui la sous-tend) utiliser d’autres armes qu’elle-même. La poésie est ici le domaine privilégié. On me dira que, là aussi, on attend les « résultats », mais ce n’est pas la même chose, le discours politique ou militant vise une action sur la réalité et il échoue (depuis combien de temps ? On ne saurait plus même le dire). La poésie n’en est pas là et donc ne peut pas échouer de la même façon. En revanche c’est la langue qui l’héberge qu’elle interroge, et c’est celui qui la produit ou celui qui la lit (en la « comprenant », en un sens élevé du mot qui signifie faire siennes ses paroles) qu’elle change, lui procurant une ouverture sur autrui et le monde qu’aucun autre moyen ne sait fournir, même si cette ouverture est temporaire, même si elle est éphémère, même si elle aura duré le temps d’une épiphanie, auquel cas on trouvera que c’est déjà pas mal, que c’est plus qu’il n’en faut pour ouvrir une brèche dans notre cœur, prête à recevoir le cœur de l’autre.
Un auteur comme Celan est souvent accusé d’hermétisme. Mais l’hermétisme n’est-il pas une conséquence nécessaire de la poésie ? Sans quoi, évidemment, nous tomberions dans les mêmes clichés, les mêmes « pré-construits ». S’exprimer d’une manière frôlant l’hermétisme est la condition pour que le cœur secret / sacré de la langue ne soit jamais détruit. Beaucoup de gens s’insurgent à juste titre contre les violations de notre intimité occasionnées par les communications modernes à base d’Internet. Nous sommes suivis à la trace et une appli StopCovid de plus ne changera pas grand-chose au constat global : en tout temps et tout lieu, on « peut savoir » ce que nous avons dit, avec qui nous avons communiqué, quels sujets nous ont intéressé etc. Le cœur de la langue, lui, ne sera pas violé si tant est que l’on prenne soin toujours à enrichir la poésie, la développer, la faire connaître. Et il n’est pas question ici d’une poésie facile, que tout le monde peut lire et comprendre sans effort, de cette « poésie » qui n’en est pas vraiment une que l’on voit parfois fleurir sur FB et qui n’est qu’une manière un peu vaine de s’épancher en exprimant ses manques (par où le discours publicitaire d’ailleurs pourrait bien s’infiltrer!), mais d’une poésie exigeante, dure, parfois coupante, en tout cas rétive à tous les algorithmes.

J’ai eu longtemps comme activité diurne celle de faire des recherches en linguistique formelle devant déboucher sur des algorithmes de « traitement automatique des langues », je connais donc ces algorithmes qui servent à analyser et traduire, je sais aussi ce que l’état de l’art est devenu dans la matière : les méthodes « symboliques » ont cédé le pas aux procédures statistiques. La machine ne prend pas le temps de construire des arbres syntaxiques et de leur associer des représentations sémantiques : elle va droit aux corpus de phrases déjà enregistrées et va rechercher parmi celles-ci les plus proches de la cible. Autant dire que le robot « comprenant » qui pourra lire et traduire les poèmes de Celan n’est pas pour demain ! Voilà pourquoi la poésie dans sa plus haute et plus noble expression est bien le cœur secret / sacré de la langue, et par-delà, de notre humanité.

Je sais le risque que l’on encourt, celui du solipsisme, de l’incompréhension, mais c’est un risque qu’il faut prendre. L’incompréhension ne sera jamais telle… et il y aura toujours dans le brouillard où l’on se tient une main qui se tend, un signe qui sera fait et montrera que l’on a été entendu.

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5 commentaires pour De la poésie en temps de (dé)confinement – 5 – l’oxymore du lait noir

  1. loiseleux dit :

    Merci pour ce partage. J’ai écouté la poésie Todesfüge lue par Celan en suivant le lien que vous avez donné. Je ne comprends pas l’allemand mais sa voix m’a enrubannée, entourbillonnée, serrée très fort puis laissée pantelante. Une émotion profonde dans le coeur du noir. Les mots doivent bien avoir leur propre vibration-musique quand ils sont directement reliés à celui qui les dit?… encore merci pour ces propositions de chemins toujours enrichissantes.

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  2. @ alainlecomte : Le rapprochement entre poésie et « réseaux sociaux » me paraît peu pertinent.
    La première est comme un galet (à la Ponge) que l’on peut polir ou, sous une autre forme (le savon…), pétrir de ses mains et de ses yeux.
    Les seconds servent à l’information et à la polémique (la poésie s’y cantonne le plus souvent dans des photos de chats, comme sur FB, paraît-il).
    La poésie de René Char serait déplacée (comme celle de Celan) sur les réseaux sociaux.
    Par contre une vidéo montrant et dénonçant des violences policières (manifestations des Gilets jaunes ou des infirmiers…), voire un mensonge d’État proféré en toute « innocence » par une porte-parole officielle, joue son rôle de… résistance – pour ne pas employer le concept déjà usé de « résilience » propulsé par les tenants du néo-libéralisme que l’on peut défier sans prendre de pincettes.
    Ceci étant, la voix de Celan, enregistrée par un appareil déjà moderne, peut dépasser certains tweets de pur constat ou de haine déguisée.
    Avoir des livres de poésie dans sa bibliothèque n’empêche pas de lire ou écrire des messages sur « les réseaux sociaux ».
    Cela peut même servir à titre de citations (chercher les auteurs). L’actualité est plus rapide sur Twitter que dans les petits livres de la collection Poésie/Galllimard : mais les uns, virtuels, peuvent se nourrir aussi du papier des autres.
    Et l’ouvrage d’Eric Hazan, « LQR, La propagande du quotidien » (Raisons d’agir, 2006) demeure un actif antidote au langage dominant, parfois peu poétique, que l’on peut utiliser aussi pour essayer de le combattre là où il s’exprime également. 😉

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  3. Debra dit :

    Je suis très contente de vous entendre dire que les machines construites pour appliquer des algorithmes de manière automatique pour traduire des langues… vont échouer.
    J’espère que ces machines continueront à échouer, et je sais qu’elles échoueront… aussi longtemps que nous consentons à rester des hommes, si je puis dire, ce qui n’est pas du tout une chose facile.
    L’expérience nazie était bien plus une tentative de transformer les hommes en machines automatiques, qu’une tentative de les… abrutir. Elle a échoué. Pour autant, la guerre pour transformer les hommes en machines automatiques fait rage autour de nous, me semble-t-il.

    Depuis avant le confinement, je me suis mise à apprendre par coeur des poèmes en allemand : Goethe, Rückert, Hesse, pour la joie de sentir la langue dire ce qu’elle VOULAIT dire. On peut penser que cette poésie est facile, parce qu’elle est lyrique, mais étant lyrique, elle chante, elle fait de la musique, et la musique… me manque dans notre monde de performance, même.. musicale.
    Je regrette que nous opposions tant poésie lyrique, et poésie non lyrique. J’espère qu’il y a encore de la place pour une.. douce ? poésie lyrique dans notre monde qui cultive souvent la brutalité. Ne croyez pas… que moi aussi, je ne cultive pas la brutalité qui est quand même peut-être préférable à la froideur des machines automatiques.
    Il me vient à l’esprit un vers de mon cher William S. dans « Macbeth » qui exprime pour moi une vérité profonde : « quoique toutes choses hideuses porteraient bien les habits de la grâce, la grâce pourtant doit toujours garder son apparence ». (« Though all things foul would wear the brows of grace, yet grace must still look so. » IV, iii, 23-25)
    Je partage la majeure partie de ce que vous avez écrit plus haut. Merci.

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    • alainlecomte dit :

      Bonjour Debra! Je suis d’accord avec vous, cette fois. Oui, éviter de devenir machines et si possible déjouer les algorithmes… Il y a dans le livre de Yuval Noah Harari, Sapiens (gros succès de librairie mais pas si mal) une réflexion sur le nazisme qui me semble proche de la votre, le nazisme vu comme « humanisme évolutionniste », visant une « perfection » de l’être humain, qui en effet pourrait être atteinte au moyen de la science et de la technologie.

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