Non, Emmanuel Macron ne respecte pas toutes ses promesses

Mountain professionals launch an appeal « SOS Alpes solidaires » (Supportive Alps) as they take part in a rally to warn of the dangers to migrants in crossing passes in the Alps during the winter, in Nevache, French Alps, on December 17, 2017.
. / AFP PHOTO / Sophie LAUTIER

J’ai souvent dit que j’avais de la sympathie pour Macron, pour sa jeunesse, la sensibilité dont il témoigne aux tendances de notre époque, son énergie, sa volonté de mettre en l’air des usages poussiéreux etc. je m’en sens d’autant fondé à l’attaquer fortement sur certains aspects de sa politique, et dénoncer le fait que, contrairement à ce qu’il dit souvent, non, il ne respecte pas tous ses engagements. Et cela en premier lieu en ce qui concerne l’accueil des migrants. Nous pouvons et devons être scandalisés par cette absence totale d’humanité dont font preuve les services de l’Etat, détruisant les abris, lacérant les toiles de tente, pourchassant sans répit les réfugiés, même dans la traversée des Alpes. Cette politique est honteuse. Qu’eût dit Paul Ricoeur face à un tel déni d’humanité ? Or, lors de sa campagne, Macron apparaissait comme le candidat offrant le plus de promesses sur l’accueil des réfugiés, citant fréquemment l’exemple d’Angela Merkel. Et maintenant ? Et que fait Cohn-Bendit lui qui, à ce que certains disent, aurait l’oreille du Président ? Cohn-Bendit qui était présent à Grenoble il y a un an aux Etats Généraux des Migrations, et qui nous avait ému par son enthousiasme et ses encouragements ? Je crois me souvenir que Macron avait fait un beau discours devant les responsables de l’Eglise Protestante pour le 500-ème anniversaire de la Réforme… Où en est-on de ce discours ? Suffit-il de parler de la différence entre éthique de conviction et éthique de responsabilité pour s’affranchir de toute humanité ?

Il y a là des choses que je ne comprends pas, que j’aimerais qu’on m’explique. La politique d’Emmanuel Macron est-elle pilotée par un drone ? Un engin qui, de haut, ne laisserait pas paraître les difficultés du terrain… S’il aime à se calfeuter en son palais, comme il en donnait l’impression dans son interview de ce dimanche, n’y a-t-il pas moyen de lui envoyer quelque message évoquant la réalité du monde ? Un président comme lui qui semble avoir compris les enjeux de la planète devrait s’efforcer d’avoir une vue complète de ceux-ci, qui ne sont pas seulement « environnementaux » mais aussi humains, il y a des flux migratoires dont il va bien falloir s’accommoder. J’entends que l’Etat y travaille, que les déplacements au Sahel servent à mettre en place une politique visant au maintien sur place des populations, mais en attendant que ces politiques obtiennent un résultat (très hypothétique) que fait-on de ceux qui sont là ? Surtout quand on a dit ailleurs, à juste titre, qu’ils étaient des « héros », qu’on a loué leur courage à traverser les mers, et maintenant les montagnes ?

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9 commentaires pour Non, Emmanuel Macron ne respecte pas toutes ses promesses

  1. Debra dit :

    Il y a grand danger pour la pensée à s’imaginer que la réalité est une donnée brute, indivisible, qui ne se laisse pas constamment infléchir par le(s) désir(s) des hommes.
    La grande question reste : comment faire pour DECOURAGER l’arrivée des migrants chez nous en très grand nombre ?
    En sachant que, comme je l’ai déjà dit ici, l’arrivée d’encore plus grands nombres de migrants dessert « l’intégration » des migrants qui sont déjà là, et fragilise de plus en plus le vivre ensemble de personnes déjà présentes en chair et en os sur le sol de ce que nous appelons encore « La France ».
    Or.. il est déplaisant de rappeler que le fait d’aider matériellement les personnes à arriver en France est bel et bien un encouragement, et non pas un découragement. Nos actes ont des conséquences.
    J’appelle ce constat une forme de… réalisme qui passe souvent à la trappe.
    Force est de constater que nous n’aimons pas nous penser… méchants, exclusifs, intolérants, même… quand nous sommes méchants, intolérants, et exclusifs, par exemple. Car nous le sommes… selon notre appartenance, bien entendu, et nos idéaux. On ne peut pas aimer tout le monde, sinon… ça veut dire quoi, aimer ? Voilà le premier argument, le plus élémentaire, POUR l’exclusion. Pour moi, c’est un très bon argument.
    Pour être précise, et un minimum rigoureuse sur ce que vous avez écrit plus haut, je vous rappelle que la langue américaine dispose de deux mots : « human » et « humane ». Le premier, qui peut être étendu pour donner « humanity/humanité », se rattache à ce qui caractérise l’espèce humaine. Le deuxième a le sens plus limité de bienveillance, et de gentillesse.
    Le problème, c’est que… l’Homme n’est pas que bienveillant et gentil pour son prochain. Je ne vois pas d’indication dans le prochain ou le lointain avenir que l’Homme va être.. REDUIT à un nounours synthétique avec un grand sourire collé en permanence sur la figure. Ce scénario ne me semble nullement… réaliste, et pas souhaitable, qui plus est. Je n’aime pas les nounours synthétiques avec des gros sourires collés sur le visage. On s’ennuie à mort avec.
    Et puis.. le problème est que nous-mêmes, souvent si convaincus d’être gentils et bienveillants pour notre prochain, (même lointain), et bien, nous ne le sommes pas toujours, et, comble de mystère, il nous arrive de le couler en voulant le sauver/aider (avec un grand sourire collé sur le visage…) ! Cela ne va pas disparaître non plus, dans la mesure où notre monde…. est un monde où l’ambiguïté et l’ambivalence sont la règle, et la resteront, en dépit de nos folles tentatives pour les faire disparaître. Qui plus est, plus nous.. progressons dans nos tentatives pour les faire disparaître, plus elles nous rendent fous de souffrance.
    Je ne vois pas ce que l’Etat peut faire d’autre pour décourager l’arrivée des migrants.. et rester l’Etat, bien entendu, quand on songe que vous et moi… nous avons en principe abandonné notre capacité de recourir individuellement à la violence pour nous défendre au profit de l’Etat. Et dans ce rôle, et fonction, Emmanuel Macron sert l’Etat qui.. sert le peuple français.
    Vous êtes sur de vouloir vivre sans le pouvoir répressif de l’Etat ?
    Moi, non.
    J’ai pas mal observé et pensé l’évolution de la société américaine, et elle ne me semble nullement enviable, et certainement pas à copier. (Et là, je laisse de côté Donald Trump)
    Pour moi, il y a une ironie extrême à observer en ce moment combien… l’Eglise (que Paul a fondé) a triomphé sous une forme déguisée. C’est même terrifiant.

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    • alainlecomte dit :

      Vous ramenez, comme toujours, des questions concrètes, politiques et sociétales, à des généralités sur l’Homme et l’amour… mais qu’entendez-vous par « aimer »? Bien sûr, un individu ne peut pas « aimer tout le monde », mais il peut aimer « n’importe qui », c’est là ce qui importe. La démocratie est cet espace social qui permet à chacun, justement, de tomber amoureux de n’importe qui. Je peux tomber amoureux d’un(e) africain(e), d’un(e) asiatique aussi bien que d’un(e) paysan(ne) de la Drôme ou de la Savoie. « L’Homme » n’est ni bienveillant, ni gentil mais chaque être humain recèle en lui beaucoup de potentialité d’amour, on appelle ça l’empathie. Il est évident, par ailleurs, que « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde », néanmoins, nous devons être prêts à envisager des migrations importantes (dues par exemple aux changements climatiques). Bien sûr le problème ne peut être réglé qu’au niveau de l’Europe, et je sais gré à Emmanuel Macron de s’en occuper, mais il y a une situation d’urgence. Que l’on aime ou que l’on n’aime pas les autres (!), cela a peu d’importance; nous reconnaissons en eux des êtres humains, semblables à nous et nous leur portons secours. Point.

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      • Debra dit :

        Je ne discute pas qu’il est possible de tomber amoureux de n’importe qui. Cela s’est toujours fait, d’ailleurs, et là n’est pas le problème. L’amour dont je parle ci dessus est le fameux caritas, l’amour fraternel qui est une valeur fondatrice pour la République, en passant. Une valeur qu’elle a piquée.. à l’Eglise, pendant qu’on y est. Il me semble.. si je ne mélange pas les pinceaux…
        Donc… je vais mettre de côté vos remarques sur le « tomber amoureux » comme relevant d’une dimension de l’amour dont il n’est pas question dans ce que j’ai écrit plus haut.
        Si je « ramène les questions concrètes, politiques et sociétales à des généralités sur l’Homme et l’amour », c’est bel et bien parce qu’à mes yeux, il y a matière de le faire. Il faut toujours parvenir à RELIER les questions concrètes, politiques et sociétales à des généralités, sans quoi on reste… le nez collé sur la page, sans le moindre recul pour avoir une vision stéréoscopique de ce qu’on regarde.
        Ce que vous énoncez comme une évidence, une vérité vraie pour tout temps dans votre dernière phrase… ne l’a pas toujours été, et dans la mesure où cela ne l’a pas toujours été, et bien, pour moi, cela veut donc dire que ce n’est pas une vérité…. absolue et indiscutable. Je ne crois nullement que l’Homme a progressé.. moralement depuis son arrivée sur la terre.
        Ce que vous énoncez comme étant une évidence indiscutable est bel et bien la définition de l’amour fraternel qui est passé par l’Eglise dans le temps pour arriver à la République.
        Quand vous dites que « nous reconnaissons dans les étrangers des êtres humains, semblables à nous, et nous leur portons secours. Point. », il me semble que vous… faites abstraction de la conséquence de ces actes, et cela me pose question. Si… le fait de secourir des personnes entrant clandestinement dans le pays contribue à mettre en danger d’autres personnes déjà présentes dans le pays, dont d’autres réfugiés, comment pouvez-vous le justifier ?
        Mais je salue votre démarche d’interpeller les autorités en posant des questions, et votre honnêteté en nous faisant part de la réponse du gouvernement. Cela contribue à complexifier ce dossier dans les esprits de ceux qui vous lisent, dont moi, et je vous en remercie.

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  2. Incroyable… ! Pourtant, il a bien répété, dans son interview brosse-à-reluire par un valet de service (public), dimanche soir, qu’il « disait ce qu’il faisait et qu’il faisait ce qu’il disait ».

    Quelle immense déception pour TOUS les Français qui ont voté pour ce petit monarque !!!

    Dans les Alpes, certains ne connaissent même pas son nom, heureusement.

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    • alainlecomte dit :

      @DH: n’exagérons pas. Macron s’est raidi sur la question de l’immigration parce qu’il redoute un scenario à la Merkel. C’est à nous, citoyens, militants de nous mobiliser et d’entraîner avec nous le maximum de gens pour lui prouver qu’il a tort. Pour cela, nous pouvons (devons) relever les inévitables contradictions dans lesquelles il se meut.

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      • Debra dit :

        Je relève le mot « inévitables » et le mot « exagérons » qui me rassurent…surtout après le commentaire qu’il commente. (En passant, puisque vous passez mes commentaires au crible, je vous fais remarquer de quel extrémisme excité fait preuve le commentaire de ce monsieur, et vous vous souviendrez que je vous ai dit il y a quelque temps que je voyais de plus en plus d’extrémisme… chez les personnes qui revendiquent leur appartenance à gauche, sans toutefois pouvoir reconnaître en quoi leurs positions sont.. de plus en plus extrêmes. Pour moi, cela résulte du tourbillon où l’immense chambre à résonance Internet nous jette, tourbillon qui est délétère pour la capacité de… raisonner… à chaud ou au froid d’ailleurs…)
        Quand est-ce qu’une contradiction devient un paradoxe inextricable ?

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  3. girard dit :

    Je ne suis pas un « fan » de Macron (et en particulier de tous ses exercices de com qui commencent à frôler le trop plein et qui pourraient bien le déservir) mais force est de constater que dans l' »offre » de leaders politiques, en France, c’est, peut être, celui qui peut dans les circonstances actuelles remplir une tâche de gouvernant et qui parle Europe dans une Europe fragilisée de toutes parts et dans un monde ressenti comme dangereux. Bon dieu!! Ce ne doit pas être facile de gouverner tous ces humains !!

    C’est génant tout de même qu’il n’ait pas un discours plus nuancé, d’ empathie, en regard de problématiques qui pour le moins sont partiellement de la responsabilités des « occidentaux » et de la France (Syrie,etc) et qui sont même annoncées depuis des décennies et qu’il faudra gérer et contractualiser :Je me souviens d’une conférence de Sauvy dans les années 80 je crois, qui annonçait tout cela. Les experts qui tournent entre eux sur les plateaux ne sont, certainement, plus aussi crédibles et audibles.
    J’ai l’impression, en outre, que la solidarité européenne pour les pays en premiére ligne recevant les migrants n’est pas très visible.
    De là à penser que certaines paroles s’envolent comme les feuilles dans le vent d’automne.

    Une partie de la solution c’est comme le dit Alain de se retrousser les manches mais là c’en est une autre paire.

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    • alainlecomte dit :

      oui, c’est à nous de faire en sorte que certains drames humains ne soient pas oubliés. Quant à Macron, il ne s’agit pas de s’enticher d’un homme mais de tenter de l’évaluer à chaque instant de manière lucide en ne faisant de lui que ce qu’il est: un homme de pouvoir courageux et intelligent qui se trouve en ce moment à la tête de l’Etat.

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  4. alainlecomte dit :

    @Debra: dire qu’on peut aimer n’importe qui n’est pas innocent: c’est la meilleure objection à ceux qui voudraient qu’on ne puisse aimer que son semblable (ou quelqu’un de sa caste) et qui, de ce fait, voudraient a priori rejeter l’étranger comme « non compatible avec nos valeurs ».
    D’autre part, pour moi, la vérité est historique, non universelle. Elle est encore moins ‘donnée à l’origine ». Si vérité absolue il y a, elle n’est qu’à la fin de l’histoire, et non au début.
    Personne ne voit en quoi permettre à des migrants d’entrer sur notre territoire devrait mettre en péril la vie d’autres migrants: malgré tout le bruit que l’on fait autour de cette question, ils ne sont pas si nombreux que cela et la France a sûrement les capacités de les accueillir. La logique gouvernementale serait plutôt contraire: il souhaiterait virer des migrants déjà là et qui sont à ses yeux indûment installés pour pouvoir en accueillir de nouveaux.

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