Barrières

sigmar polkeJe suis triste d’entendre jour après jour les litanies de l’extrême, qu’il faudrait vivre à l’abri des barrières, se faire du monde l’image d’un camp retranché où nous serions, paraît-il, à l’abri des migrants qui déferlent sur nos plages. Je suis effrayé des vociférations lepéniennes qui déclarent la France menacée par l’islam, et las d’entendre de faux prophètes et sans doute de faux philosophes et de médiocres penseurs prétendre que l’on oublie  le « vrai » peuple, qu’au cours des décennies récentes nos bons soins sont allés aux sans papiers, aux minorités, aux gays et aux psychiatrisés et que cela n’est pas « le peuple ». Ces mots « le peuple » résonnent dans leur voix comme résonnait le mot « kultur » dans la parole des nazis : un simple prétexte pour que l’on couvre du mieux qu’on peut la haine des autres, de ceux qui n’en seraient pas, de ce « peuple » qu’on est bien en mal de définir. Ils ont pris le  « souverainisme » en étendard en lieu et place de la nation. Ils ont inventé un nouveau mot pour désigner ceux à qui ils s’opposent, ils les déclarent « bobos », contraction paraît-il de « bourgeois bohêmes » alors que bourgeois ils sont bien plus que ceux à qui ils s’en prennent. Bohême, je ne sais pas, mais ne peuvent-ils vraiment laisser vivre les gens comme ils l’entendent ? Peut-être certains, la Nation, ça ne les regarde pas, et alors ? Et le clairon qui marche au pas, non plus. Et alors ? Va-t-il falloir bientôt obligatoirement se vêtir de bleu-blanc-rouge, et entonner « La Marseillaise » en toute occasion ? Comme dans les parcs d’une ville de Roumanie que j’ai connue, va-t-on peindre les bancs publics aux couleurs nationales pour affirmer une identité dont tout à coup l’on douterait ? Faut-il manger du jambon pour faire la preuve qu’on est bon Français, acclamer les équipes de football de l’hexagone pour prouver qu’on n’est pas snob ? Renoncer au Théâtre soit disant élitiste pour prouver qu’on appartient au peuple ? Déchirer Freud pour complaire à Onfray ?

(photo: tableau de Sigmar Polke)

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11 commentaires pour Barrières

  1. Le tambour permanent qui bat les tribunes partout (télé, radio, journaux) pour la fille Le Pen et ses supporters affirmés ou pas (ou faisant son jeu avec leurs « réflexions philosophiques » indignes même du Café du commerce) commencent à nous faire siffler les oreilles.

    Le quarteron Houellebecq, Zemmour, Finkielkraut, Onfray – récemment dézingué par Christian Salmon dans « Mediapart » – nous insupporte. On en vient à espérer que la gauche se retrouve vite fait dans l’opposition (elle y va, de toute façon) afin que des penseurs contestataires d’un plus haut vol, et non des bateleurs médiatisés au service d’une idéologie rance, viennent enfin ramener les choses à leur juste proportion et l’injustice et le racisme à leur taille méprisable.

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  2. alainlecomte dit :

    j’ai lu le papier de Salmon sur le site de Mediapart, c’est excellent. il met le doigt sur le véritable caractère de tout ce « buzz », c’est du spectacle, bien sûr, et chacun de ces soi-disant intellectuels cherche avant tout à attirer l’attention sur lui et lui seul, et les animateurs de talk-shows sont leurs faire-valloir idéaux.

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  3. Debra dit :

    C’est triste à dire… je ne me retrouve pas dans votre.. « camp », et pourtant je ne vote pas Front National. Je crois que je garderai un silence pudique sur ce que je ferai.. ou pas… aux prochaines élections.
    Il y a quelques temps j’ai lu un papier d’un abbé intégriste sur un site intégriste catholique français, et je me suis demandée : Ce discours est-il d’extrême… droite ?
    Est-ce que le fait d’estimer, par exemple, que le mariage est un sacrement qui devrait être réservé à une union entre un homme et une femme, cela fait de soi un membre de l’extrême droite ? Un… fasciste, pour employer un mot qui est bien trop galvaudé, et selon une définition qui n’est pas la mienne ?
    La vérité est que le discours médiatique de tous côtés est réducteur à un point qui est lassant et ne donne pas envie d’être un… démocrate, si je puis dire.
    Je dis bien, de tous côtés.
    Personnellement, je me sens de plus en plus mal à l’aise avec mes « amis intellectuels de gauche, citadins, éduqués, cultivés », etc etc.
    Je sens à quel point beaucoup de ces personnes vivent dans un monde qui est… loin et lointain, avec beaucoup de préjugés, d’ailleurs, et ceci malgré leur dévouement pour lire les médias, et pas seulement les médias « bien pensants ».
    Il y a des limites à l’information, de toute façon, et les.. bienfaits qu’elle peut produire.
    Pour laisser les gens vivre comme ils l’entendent, c’est beau, mais…
    On en vient toujours au moment où laisser quelqu’un vivre comme il l’entend fait que soi, on ne peut pas/plus vivre comme on l’entend. C’est triste, mais, pour ma part, j’appelle cela la réalité. A chacun sa réalité, hein ??
    Pour nos intellectuels, comme pour nos hommes/femmes politiques, je crois qu’on a les intellectuels, les hommes politiques que NOUS LE PEUPLE, nous méritons.
    Ils sont à notre traîne, et à notre botte, en quelque sorte.
    Ils sont le reflet de nos passions, et nous en avons, des passions.
    C’est un fait très triste qu’en démocratie, nos « leaders », intellectuels ou pas, ne peuvent être que médiocres, parce que.. NOUS LE PEUPLE, nous ne supportons pas qu’il y ait un cheveu qui dépasse (les nôtres..) sur la tête d’autrui.
    Il y a 20 ans je n’aurais jamais imaginé à quel point la démocratie cultivait le.. péché d’Envie, mais à l’heure actuelle, je le constate.
    Probablement comme Aristophanes l’a constaté il y a plus de 2000 ans maintenant.

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    • alainlecomte dit :

      Il y a quelques temps j’ai lu un papier d’un abbé intégriste sur un site intégriste catholique français, et je me suis demandée : Ce discours est-il d’extrême… droite ?
      réponse: OUI.
      Est-ce que le fait d’estimer, par exemple, que le mariage est un sacrement qui devrait être réservé à une union entre un homme et une femme, cela fait de soi un membre de l’extrême droite ? réponse: OUI
      Un… fasciste: réponse: pas forcément (le concept de fascisme n’englobe pas forcément le point de vue catho intégriste)

      Faites ce que vous voulez, vous avez droit d’être d’extrême droite, intégriste etc.
      Si vous approuvez le FN, ne vous en cachez pas, pourquoi le feriez-vous?
      Nadine Morano aussi, vous êtes pour?
      je suis sûr que vous êtes persuadée que la France et l’Amérique sont des pays « de race blanche »….

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  4. Debra dit :

    Vous vous trompez.
    La famille de mon père n’est pas tout à fait arrivée aux U.S. sur le Mayflower. Mon ancêtre fut le capitaine du Mayflower. Le capitaine d’un bateau n’est pas un bon terrien. En aucun cas un colon…
    Ce statut donne pourtant à la famille de mon père le « droit »… d’appartenir à ce qui… FUT une « aristocratie » américaine (lol) : ce que les manuels d’histoire ont érigé en moment fondateur des U.S. comme l’arrivée des premiers colons de peau blanche qui ont duré plus d’un hiver sur le continent Nord Américain. (Il s’agit de quelque chose qu’on pourrait comparer à vos manuels avec « nos ancêtres les Gaulois ».) Quand on fixe un moment fondateur, il faut bien commencer quelque part. Point. « On » fait des choix.
    Mais ce qui est indéniable, c’est que les institutions des 13 colonies d’origine avaient pour origine des efforts, des contributions, les idéaux d’hommes de peau blanche détenant du pouvoir et de l’autorité aux yeux du.. peuple ? qui se sont tournés vers le vieux continent afin de mettre sur pied une constitution et des institutions pour UNIR ces treize colonies, et au-delà, dans un vivre ensemble.
    Avec le peu de culture que j’ai, je peux dire que Thomas Jefferson, dès les tout débuts, a pressenti les ravages que produirait l’esclavage comme organisation de travail sur le sol américain (se souvenir tout de même que l’esclavage ne fut pas qu’une affaire américaine, mais une affaire.. occidentale bien organisée où le Vieux Monde avait un rôle très important à jouer, et de fait, des responsabilités dans l’organisation de ce mode de travail qui n’était pas pratiqué sur son sol.). Il pressentait la Guerre Civile ( et pas la Guerre de Sécession comme vous aimez l’appeler…), qui, contrairement à une propagande réductrice, dépassait de loin le problème de l’esclavage, et le statut/traitement des personnes de peau noire qui, je le rappelle, ne travaillaient pas tous courbés sous le fouet dans les champs de coton.
    La Guerre Civile fut aussi une guerre pour trancher entre un avenir industriel, et un avenir terrien, pour simplifier à l’extrême, certes.
    Pour moi, il s’agit d’un état de fait, là, Monsieur, que je constate.
    Il ne s’agit pas de faire un jugement de valeur. Il ne s’agit pas de cliquer sur la souris afin de dire « j’aime » ou « je n’aime pas ». (en passant, vous remarquerez que nous sommes contraints de dire que nous n’aimons pas, et pas.. que nous haïssons. Il nous est maintenant défendu de haïr…)
    En observant les clivages terribles qui secouent mon pays d’origine de nouveau, la désunion grandissante, je constate que la cicatrice qui a poussé sur le lieu de la Guerre Civile s’est ouverte de nouveau, et la.. bataille fait rage. Elle fait rage au point que je constate avec tristesse que j’ai maintenant plus en commun avec des amis (religieux) de longue date qu’avec l’unique proche immédiat qui me reste au pays.
    Pouvez-vous imaginer cela ? Le comprendre ??
    Depuis longtemps que je lis les blogs, je vois que le blog est un lieu qui permet à un individu de « s’exprimer », en « évacuant » ce qui le démange (souvent, mais pas seulement, certes…).
    Ce n’est pas vraiment un lieu où on a… le droit de penser. Ni d’argumenter/discuter dans un échange partagé qui implique la reconnaissance de l’altérité d’autrui.
    La poisse des états démocratiques modernes est de permettre aux individus anonymes que nous sommes de dire… TOUT ce qui nous vient à l’esprit, mais en nous cantonnant dans l' »expression » solitaire.
    Dois-je comprendre d’après votre commentaire (rageur…) ailleurs qu' »on » ne doit pas penser sur un blog ?
    Ce serait donc ça ?
    Bien.
    Alors… dites-moi… OU AVONS-NOUS LE DROIT DE PENSER MAINTENANT ??
    Vous ne trouvez pas tout cela assez paradoxal ?
    Moi, si.
    Pour le cacher/montrer, je me méfie de la transparence maintenant. Je découvre tardivement qu’il est bon de cacher certaines choses que j’ai… exhibé pendant trop longtemps (mais pas encore mes seins…). Il y en a qui estiment, probablement avec raison, que je ne cache pas encore assez…
    La transparence (des tours à la Défense) n’est pas une garantie de vertu.
    Comme disait Shakespeare dans « Macbeth » : « There’s no art to find the mind’s expression in the face ». Il n’y a pas d’art qui permet de trouver l’expression de l’esprit sur le visage.
    Puisse cela perdurer, pour notre plus grand malheur… et occasionnel bonheur.
    Cordialement…

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  5. Debra dit :

    Si j’en juge par la première réponse que vous avez fait à mon premier commentaire, je crois que vous ne voyez pas à quel point vous êtes en train de vous radicaliser, Monsieur.
    Je pense (j’espère….) que vous n’aviez pas l’intention de m’insulter.
    Après tout.. l’insulte et le sentiment d’être insulté sont parfois distinctes…
    Nous avons grandement besoin de réserver nos passions… pour le lit ? le travail ? à l’heure actuelle, et ne pas faire salon avec.
    Cordialement.

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