Il n’aurait pas dû

Non, tu n’aurais pas dû. Ça ne se fait pas. On ne fait pas ça. Tu aurais dû le savoir. Tes chaussures t’ont trahi. Tu n’aurais pas dû venir la nuit en douce, sur un scooter en plus, même que tu n’étais pas seul sur ton scooter, vous étiez deux, l’autre te protégeait paraît-il, mais de quoi ? Hein, de quoi pouvait-il te protéger puisque ça, il n’a pas pu l’éviter. Te protéger de toi-même ? Tu en as bien besoin. Tu me déçois. Je te pardonne pas ce coup-là. Quoi ? Tu dis que les autres te pardonnent déjà ? Mais si c’est vrai alors, ils sont pire que toi, bien prompts à pardonner, mais plutôt à ce que je crois, prompts à se gausser, tu sais, tu devrais te méfier. Tu n’aurais pas dû. Partir à la quête de ton petit plaisir, à la petite semaine. Te borner à cela, ton plaisir, alors que tu avais à faire, que tu n’étais pas n’importe qui. Et as-tu pensé à celle que l’on nomme Valérie ? Quoi ? Tu voulais t’en débarrasser ? Mais tu n’as pas honte ? Crois-tu que l’on se « débarrasse » des gens ? N’as-tu pas le sentiment, là, d’être allé un peu loin, non pas dans la démesure, non, parce que, entre nous, ton affaire est banale. Petite. Toute petite. Non, allé loin dans la grossièreté, la désinvolture, le laissez aller. Ne serais-tu pas particulièrement inélégant ? Quand ils ont dit ça à propos de tes cravates, de tes costumes tire-bouchonnés, j’ai souri, je t’ai soutenu, l’habit ne fait pas le moine, hein ? mais il n’y a pas que l’(in)élégance vestimentaire. Il y a celle des mœurs et des comportements. C’est la plus importante. Et si j’en reviens à celle que l’on nomme Valérie, c’est pour te dire encore que là, tu as été très inélégant. Pire. Te rends-tu compte de son infortune ? De son humiliation ? Tu t’en fiches ? Ca arrive tous les jours, des conjoints bafoués, dis-tu ? Mais as-tu conscience de ce que c’est qu’être bafouée à la face du monde ? Du monde entier ? Même le roi Louis n’en faisait pas autant, dont les maîtresses n’étaient jamais humiliées qu’aux yeux de la Cour, c’est-à-dire d’un petit nombre de personnes somme toute. Mais là, as-tu pensé que non seulement sont au courant tes intimes, tes flagorneurs, tes obligés, tes ministres et conseillers, le concierge de ton palais même, je te concède, mais les vendeurs de légumes sur le marché, mais les chauffeurs de taxi, qui sont en grève aujourd’hui, mais les buralistes, les marchands de chaussures, les quincaillers, les écailleurs d’huîtres, les boulangers, les agents de la RATP, les enfouisseurs de linge dans les machines électriques, les accrocheurs de guirlandes aux mats des réverbères, les touilleurs de sauce aux fins fonds des cuisines d’hôtel, les maraudeurs, les malfrats, petits et gros, les écraseurs de mégots, les tapeurs sur le ventre et les tousseurs occasionnels comme les réguliers, bref, tout le monde. Et même pas qu’en notre pays, dans les autres aussi, là où il y a du soleil clignotant entre les palmes, là où les sommets blanchissent dès les mois d’automne, là où la mer se retire avec un bruit de succion mille fois refait qu’on en dirait des baisers baveux faits sur des lèvres de sable. Quelle inconséquence. Je suis atterré. Tu n’aurais pas du. Tu n’as pas pu te retenir ? Une pulsion, tu dis ? Mais va, va chez un psychanalyste, allonge-toi sur un fauteuil ; dis-lui ce qui ne va pas, demande-lui de t’aider à mieux être toi-même sans céder aux pulsions misérables du corps. Tu y es déjà allé ? Retournes-y, ne parle pas comme ces gens à qui on propose d’offrir un livre et qui répondent, étonnés : « mais j’en ai déjà un ! », non une autre cure, c’est une autre cure, ce n’est pas la même, tu peux en ressortir bien. Peut-être tu sauras qui tu es. Tu as biffé l’autre jour une phrase dans un entretien avec ton confrère d’un autre pays où tu avais dit : « je suis social-démocrate », tu l’as censurée, cette phrase, preuve que tu ne sais pas qui tu es. Peut-être tu es social libéral, d’ailleurs, peut-être tu as sauté l’étape « social-démocrate » sans t’en rendre compte. Non ? Pourquoi tu dis non ? Il n’y a pas de honte à s’assumer. Mais bon, c’est peut-être un peu tard, maintenant.

francoishollandeafp

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8 commentaires pour Il n’aurait pas dû

  1. Une affaire « privée », comme si on était « citoyen lambda » une fois franchies, en catimini, les grilles de l’Elysée… et maintenant une faute politique.

    Le tutoiement était juste un peu osé : vous oubliez à qui vous parlez ? 🙂

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  2. Je croyais en voyant le tout début de l’article que tu allais raconter qu’un de tes petits enfants avait cessé de croire au Père Noël… Bonne journée.

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  3. louise blau dit :

    bientôt, ou toujours, les élections ne seront plus, définitivement, qu’un non-choix par défaut

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  4. Que savons-nous des sentiments de ce Monsieur pour cette dame ? Pourquoi en faire une affaire de sexe, une liaison est-il dit ? Rien que ce mot sous -entend le côté malsain trivial, sans amour, juste l’assouvissement de pulsions coupables. L’entente entre ces deux être est peut-être magnifique, leur amour l’un pour l’autre immense. Qui sommes-nous pour en parler et pour juger ? Qu’en savons-nous ?. Et si nous les laissions tranquilles, plutôt que se jeter sur eux comme des charognards ?
    Bonne soirée, douce et belle !

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  5. Michèle B. dit :

    Hélas, nos présidents, depuis quelque temps, oublient le respect et la dignité qu’ils doivent, les premiers, à leur haute fonction !
    J’aime ce billet rempli d’humour.

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