Véloter sur les bords de l’Isère

On dit pianoter pour faire un peu de piano… alors vélotons, laissant à Félix le vallotons. L’Isère est une rivière chaste, loin des tumultes du Rhône qu’elle n’épouse que bien plus loin, aux confins du quart de l’hémisphère (45ème parallèle…), pour l’instant elle coule, en dansant parfois, entre deux falaises calcaires, Chartreuse d’un côté, Vercors de l’autre.  Les villages, commencés en hauteur, descendent le long des pentes et s’étalent auprès d’elle, Noyarey, Veurey-Voroise.

???????????????????????????????L’Isère au niveau de Noyarey

Nous rentrons la tête dans le guidon, le pédalier rend son doux grondement. J’ai déjà dit ici ma passion ancienne pour les coureurs du Tour de France. On en est loin. Nous nous appliquons pourtant à développer – ne parle-t-on pas de « développement » pour indiquer le rapport entre les pignons ? – le  mouvement de bielle des mollets sur les pédales, mon compteur s’affole : 22, 25, on frôle le 30 à l’heure. Au niveau de Noyarey, la petite route de la Vanne conduit au bas de la côte qui mène au village. Petit plateau pour l’occase. On est bientôt sur la place. Bistrot et boulangerie fermés. Sous la pénombre des hêtres, découvrir en contrebas de la route le mince torrent qui s’écoule jusqu’à la rivière autre et passe de fontaine en fontaine. En forçant un peu son talent, on va jusqu’à Saint-Quentin, extrémité de la piste cyclable (28 kilomètres de Grenoble), effectuant ce coude de l’Isère qu’il nous faut longer sur la rive droite car, à gauche, la falaise du Vercors est devenue trop abrupte. Au bout de la ligne droite le vieux pont à l’armature qui rouille. Pause. Retour. Revoir en sens inverse les mêmes Buddleia-Adonis-Blueacacias, les mêmes ambroisies, les mêmes buddleias, dites aussi arbres aux papillons, flore que nous saluons à peine, absorbés que nous sommes dans l’effort musculaire. Si nous avions un peu de temps à distraire à notre peine nous pourrions faire le détour de Voreppe et qui sait, qui sait, retrouver les pas de Stendhal, et l’entendre évoquer le souvenir de Mme de Merteuil (« Vie de Henry Brulard » ed. Folio n°447, p. 84)

Je ne sais si mon lecteur de 1880 connaît un roman fort célèbre encore aujourd’hui : Les Liaisons dangereuses avaient été composées à Grenoble par M. Choderlos de Laclos, officier d’artillerie, et peignaient les mœurs de Grenoble.
J’ai encore connu Mme de Merteuil, c’était Mme de Montmaur, qui me donnait des noix confites, boiteuse qui avait la maison Drevon au Chevallon, près l’église de Saint-Vincent, entre Le Fontanil et Voreppe, mais plus près du Fontanil. La largeur du chemin séparait le domaine de Mme de Montmaur (ou loué par Mme de Montmaur) de celui de M. Henri Gagnon. La jeune personne riche qui est obligée de se mettre au couvent a dû être une demoiselle de Blacons, de Voreppe […]

J’ai donc vu cette fin des mœurs de Mme de Merteuil , comme un enfant de neuf ou dix ans dévoré par un tempérament de feu de voir ces choses dont tout le monde évite de lui dire le fin mot.

Mais le petit Henry ne vélotait pas, il allait au domaine de la marquise en calèche, accompagné du grand-père Gagnon et cela devait lui prendre plus de temps qu’à nous l’aller-retour à bicyclette…

les-javelles-1915.jpg!BlogLes javelles – Félix Valloton – 1915

Bien plus loin…

hauterives-1environs de Hauterives

Cet article, publié dans Cyclisme, Voyages en France, est tagué , , , , , , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

4 commentaires pour Véloter sur les bords de l’Isère

  1. Le petit vélo est aussi dans la tête : pédaler ou courir tout en pensant à autre chose, le paysage devient mental ou littéraire et la balade s’enrichit au fur et à mesure des tours de roues ou des foulées.
    La France demeure un beau pays inconnu.

    J’aime

    • alainlecomte dit :

      oui, on peut penser à autre chose, mais il faut alors être entré dans l’habitude, que le coup de pédale se fasse tout seul, en l’absence du sujet, c’est là qu’on atteint la grâce, mais il faut beaucoup pédaler.

      J’aime

  2. JEA dit :

    Félix Valloton ? Impossible de se garder de frissons devant son Cimetière à Châlons-sur-Saône en 1917… Tout l’abattoir est là. Terrifiant mais en silence de plomb, en couleurs de deuils. A noter que les éditions omnibus viennent de rééditer d’une guerre à l’autre de Dorgelès. Avec en illustration de couverture, la xylographie « Les barbelés » de Valloton (1916). L’essentiel pour montrer l’égalité des cadavres, quel que soit le camp…

    J’aime

    • alainlecomte dit :

      Je faisais référence à Valloton sur un mauvais jeu de mots, je n’avais bien sûr pas en tête ce qu’il peut représenter de description de toute une époque. Mais merci pour cette remarque, qui donne envie de se plonger dans l’oeuvre de ce peintre suisse. Par ailleurs, j’ai lu sur votre blog un fort joli poème…

      J’aime

Laisser un commentaire