Le « mythe » de la couleur

Mais pourquoi parler d’un « mythe » ? La couleur est une réalité et cette exposition (Fondation Gianadda, Martigny, jusqu’au 29 novembre) le prouve. Elle réunit la collection particulière d’un certain Werner Merzbacher, qui remercie la Suisse de lui avoir sauvé la vie pendant la guerre (il eut de la chance – celle, probablement, d’arriver dès 39 – car bien d’autres hélas se firent refouler…), et qui entreposait en son grenier des merveilles, de Monet et Sisley à Feininger, Beckmann, Kandinsky, Matisse, Franz Marc, Schmidt-Rotluff, Malevitch et bien d’autres. Lui et sa femme Gabrielle avaient un goût très sûr, qui leur venait en partie du grand-père de madame, un riche zurichois qui avait réussi dans le commerce de la fourrure et qui avait déjà, lui-même, une belle collection (en particulier le Matisse et le Picasso ici exposés). Le couple Merzbacher se lança donc dans l’aventure artistique avec… beaucoup d’argent, mais aussi avec une passion unique pour la couleur qui les conduisit à réunir, ce qui est remarquable, des œuvres de toutes nationalités (on trouvera même deux futuristes italiens, dont Severini, dans le bout du couloir, en contrebas de la grande salle). L’intérêt de ces expositions en Suisse notamment (mais aussi déjà à Grenoble cet hiver, où le musée de peinture avait accueilli une très belle exposition sur l’expressionisme allemand), est de mettre au grand jour enfin une palette de grands peintres d’au-delà du Rhin qui ont souvent été occultés chez nous par le chauvinisme bien français, qui a toujours préféré Matisse à Kokoschka ou Kirchner et les Fauves au Blau Reiter.

Certes, Matisse est grand (on l’a bien vu à Paris cette année, grâce à cette passionnante exposition des « séries ») mais tous ces peintres qui ont donné naissance au Blau Reiter ou à Die Brücke ne le sont pas moins. Et entre autres choses par l’exploitation qu’ils font de la couleur, sortie pure de leurs tubes. Regardez ce Nolde qui fait briller les recoins d’un jardin ou bien ce Kirchner qui fait contraster les violets et les verts pour une évocation plus que réaliste de la montagne en été.

Regardez ce peintre peu connu chez nous, Schmidt-Rottluf, et ses champs rougeoyants. Certes, les peintres français ne sont pas en reste : Matisse, bien sûr (ah quelle bonne sieste, à Collioure), Derain et cette belle vue de l’Estaque due à Braque. Mais les artistes de l’Est prennent le dessus (quelques russes : Natalia Goncharova, Polyeva, Malevitch…). Jawlensky est très bien représenté, avec ce qui pourrait aussi passer pour une série, parallèle à celles de Matisse : ces deux portraits qui marquent un progrès dans l’abstraction. Et Kandinsky bien entendu… du temps des rencontres avec les autres, à Murnau (on trouve même deux ou trois Paul Klee dans le couloir en descendant vers l’exposition permanente). Picasso est le seul qui échappe à la rage de la couleur… puisqu’on ne voit de lui qu’un couple de la période… bleue.

voir un billet beaucoup plus complet, et très bien illustré, sur le blog « textes et prétextes » (notes et lectures d’une bruxelloise).
voir aussi l’intéressant article de Philippe Dagen dans « Le Monde » daté du 3 août

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7 commentaires pour Le « mythe » de la couleur

  1. Jean-Marie dit :

    Mais la couleur est-elle un valeur en soi ?

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  2. Tania dit :

    Une amie me signale votre billet et il me plaît d’y découvrir votre point de vue sur cette exposition et d’autres illustrations que les miennes pour le même sujet. Je me permets donc d’ajouter un lien vers votre blog, auquel je reviendrai.

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  3. michèle dit :

    ai bcp pensé à votre billet en visionnant Hansel et Gretel de Tim Burton ; la couleur y rayonne.
    Cordialement,

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  4. carole dit :

    Pouvez-vous me dire de qui est le deuxieme tableau?
    Merci

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