De Duras à la scolarisation obligatoire en maternelle

Décidément, cette pièce ne me quitte pas. « L’école, c’est pas la peine » dit le personnage de l’enfant (dans la pièce de Duras : « La pluie d’été »). C’est pas la peine parce que de toutes façons, Dieu n’existe pas. Curieux raccourci, qui ne nous laisse pas indifférent : ces phrases nous projettent au cœur de la réflexion sur l’éducation.

Normand Baillargeon, philosophe canadien, auteur par le passé d’un excellent « petit manuel d’auto-défense intellectuelle » dans lequel il pourfendait les sophismes de l’âge moderne, est l’auteur récent d’une anthologie de textes sur la philosophie de l’éducation (Platon, Rousseau, Kant, Hume, Hegel mais aussi Dewey, Arendt, Michea, Illich…) qui resitue bien les débats sur ce que l’on pourrait appeler l’essence de l’éducation.

Cette anthologie éclaire les propos que Duras prête à Ernesto dans la pièce « la pluie d’été ».

Comment savoir ce que nous ne savons pas ? Le premier à s’être posé cette question est évidemment Platon. Si nous ne savons pas quelque chose, nous n’avons tout simplement pas le concept qui nous permettrait de le savoir et on se demande bien comment nous pourrions l’obtenir. Supposons que nous voulions comprendre une théorie physique par exemple, (disons la relativité). De deux choses l’une, ou bien nous avons une certaine idée des concepts essentiels qui permettent de l’articuler et nous parvenons assez bien à la comprendre, ou bien nous n’avons aucun de ces concepts et elle nous demeure obscure. Si nous avons déjà les concepts nécessaires, autant dire que nous la connaissions déjà, qu’elle était imprimée en nous, au moins comme un germe prêt à se développer. Cela est si vrai que certaines théories nous paraissent à jamais obscures : la physique quantique, avec ses paradoxes de multi-localisation de particules, nous reste hermétique car nous n’avons pas en nous de tels concepts, ou que les concepts que nous avons pour en parler sont contradictoires avec les faits qu’elle prédit.

On peut bien sûr toujours dire qu’il y a construction : c’est la thèse de Piaget. L’illustre épistémologue genevois (qu’on fait parfois passer pour un psychologue, alors qu’à mon avis, il se souciait très peu de psychologie, mais passons…) s’est évertué, avec une grande créativité conceptuelle, appuyée sur les mathématiques, à montrer qu’à partir d’une amorce (« bootstrapping » dirait-on aujourd’hui), il était possible par paliers d’abstraction (dite « réfléchissante ») de parvenir à des structures mentales toujours plus riches permettant d’appréhender des théories toujours plus puissantes. Mais d’abord, il est obligé de postuler une amorce (pour lui les premières conduites instinctives du bébé), et ensuite on ne peut s’empêcher de penser que si construction il y a d’un palier à un autre, et toujours d’un même palier à un même autre, c’est qu’il y a une sorte de préfiguration des structures d’équilibre qui président aux différents paliers. C’est comme si la construction était orientée par son terme. Il y a un finalisme du développement, même si Piaget cherche à s’en défendre. On se trouve alors reconduit au point de départ : c’est parce que des organisations spécifiques de notre esprit existent que les connaissances peuvent être acquises. Ce qui n’est pas sans évoquer un certain platonisme.

A y regarder de près, il ne semble pas qu’il existe de théorie rivale qui soit vraiment convaincante.
D’où la fameuse théorie de la réminiscence : ce que nous connaissons, nous ne faisons en réalité que le re-connaître. Et cela donne du poids à la théorie des Idées : c’est parce que nous avons en nous ces Idées que nous pouvons parvenir à la connaissance. Comment se fait-il que, ne rencontrant dans la vie réelle que des formes imparfaites (car il n’y a aucun vrai triangle dans la réalité), nous soyons si rapidement experts dans la démonstration des propriétés géométriques des triangles ? Il faut bien que l’Idée de triangle soit imprimée en nous. L’enseignant, selon Platon, n’est donc pas celui qui met en nous des savoirs (il ne gave pas ses élèves comme on gave une oie), c’est celui qui aide l’élève à effectuer son parcours de reconnaissance de savoirs qu’il possède déjà mais…. sans le savoir ! En somme, nous devons passer du « je sais » (inconscient) au « je sais que je sais ». D’où la formule stupéfiante du jeune Ernesto : « Je ne veux plus aller à l’école, parce qu’à l’école on nous apprend des choses que nous ne savons pas ». Disant cela, il pointe  l’une des caractéristiques majeures en effet de l’école comme institution, celle  d’imposer, ou de prétendre imposer, un savoir correspondant à des normes admises par la société mais pas aux possibilités réelles de l’enfant quant à la reconnaissance de son caractère nécessaire.

 « Parce que Dieu n’existe pas » dit-il encore. Oui, il y a un lien entre les deux phrases : car si Dieu existait, alors il y aurait un sens à prétendre insuffler un savoir venant de l’extérieur, un savoir que nous ne possédons pas mais que Dieu pourrait posséder…

Comment relier cela à notre perception contemporaine des débats sur l’éducation si ce n’est en disant que Dieu a été remplacé par la Société, ou plus précisément, par l’ensemble des normes en matière d’économie et de vie sociale qui sont édictées par un système qui vise d’abord et avant toute chose à sa reproduction ?

C’est par là que nous en arrivons au débat actuel sur l’école, et plus précisément au rôle de l’école maternelle. On sait qu’un des projets du Parti Socialiste est de rendre celle-ci obligatoire dès l’âge de trois ans. La chose aurait même été mise en débat au Sénat si le ministre Chatel n’avait trouvé un artifice de procédure pour l’éviter (voir ici un billet très documenté). Au-delà de la querelle politicienne (est-il normal que des règlements du Parlement empêchent que s’instituent des débats ?), au-delà du souci légitime des enseignants (y compris de maternelle) d’être reconnus dans leur importance et du non moins légitime souci d’empêcher que le secteur de la petite enfance ne soit livré au privé, la question de la scolarisation obligatoire dès trois ans se pose sur un fond philosophique. Quel rôle doit être celui de l’enseignant de maternelle ? On voit fleurir des recommandations louables : évidemment il convient d’aider l’enfant à mieux vivre son corps, à mieux appréhender l’espace et la notion de temps et sans doute à le guider dans son acquisition des quantités numériques et de la forme des lettres. Ce rôle est donc d’aider. Il s’inscrit parfaitement dans la conception maïeutique de Socrate et Platon. La notion d’approximation de la quantité par exemple est déjà acquise par les enfants. L’école peut aider à l’affiner. Encore faudrait-il que cette aide soit particularisée, se fasse au plus proche de la singularité de chaque enfant. Imaginer qu’un tel enseignement se fasse au sein d’une classe de trente élèves voire plus est une absurdité. Au mieux dans un tel cas, l’enfant perd un temps énorme à attendre, attendre qu’on veuille bien s’occuper de lui par exemple, au pire, il perd pied. S’il est en avance, il perdra son temps. S’il est en retard, il souffrira psychiquement et risquera de conserver un mauvais ressenti vis-à-vis de l’institution. De nombreux parents souhaiteront alors, si ce n’est garder totalement l’enfant à la maison, du moins pratiquer un système mixte : école deux ou trois jours par semaine et le reste du temps, l’éducation par le père, la mère voire les grands-parents, ou bien encore au sein de groupes de parents mutualisant leurs savoirs et compétences pour mieux gérer ensemble leur petit monde. L’obligation de scolarité vise à interdire ce mode éducatif,  à tuer dans l’œuf toute tentative en ce sens. Le projet de scolarisation obligatoire dès trois ans porte en lui le soupçon que tout ce qui viendrait de la famille ou des amis serait nul et non avenu, et en tout cas nettement inférieur à ce qui peut provenir des experts, des seuls autorisés à agir en matière d’enfance : les enseignants.

Il contient l’idée que ce que peut apporter l’école, en tant qu’institution, est supérieur à tout ce qui peut provenir d’un apprentissage spontané ou dû à l’entourage immédiat. Mais quel plan, quel projet implicite peut gouverner une telle idée ? Une enseignante que les diktats ministériels avaient, au dernier moment, orientée vers une moyenne section de maternelle alors qu’elle devait initialement  enseigner en primaire, s’angoissait récemment dans un reportage télévisé du fait qu’elle allait devoir faire une tâche à laquelle elle n’était pas préparée, car, disait-elle, le rôle de la moyenne section est concentré essentiellement sur l’apprentissage de la discipline. Les « élèves » (et non plus les « enfants ») doivent apprendre à lever le doigt avant de prendre la parole, à rester assis quand on le leur demande, à ne pas interrompre le maître ou la maîtresse etc. Nous y voilà donc : le projet de scolarisation obligatoire dès trois ans vise principalement à faire en sorte que tous les enfants soient le plus rapidement possible assujettis à un ordre, c’est-à-dire à une certaine représentation de l’ordre social. On aura beau dire qu’ils ont bien le temps d’intérioriser de telles règles, rien n’y fera tant sont nombreux aujourd’hui les acteurs du système éducatif persuadés de la nécessité d’inculquer des principes de discipline dès le plus jeune âge. Comme si, par enchantement, cela allait faire disparaître les problèmes d’incivilité des âges plus avancés…

On ne se pose guère la question inverse, celle des effets négatifs d’un tel conditionnement scolaire. Or, de tels effets, on les voit à un âge plus avancé. On les voit dans l’extrême passivité de nos étudiants, leur absence d’esprit critique, leur peur à s’exprimer devant le prof, leur incapacité à faire bloc et à revendiquer collectivement, qui aboutissent à des situations anormales où certains profs peuvent se permettre n’importe quoi (y compris d’insulter leurs étudiants) sans qu’ils encourent le risque de la moindre résistance… (et passons sur la propension malheureusement évidente de la majorité des citoyens à se boucher les yeux devant les divers abus de pouvoir dont les institutions d’Etat peuvent se rendre coupables).

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13 commentaires pour De Duras à la scolarisation obligatoire en maternelle

  1. Elflaco dit :

    Bien d’accord avec toi en ce qui concerne le fait de rendre l’école obligatoire dés trois ans, ceci au prétexte de mieux discerner les enfants sujet à la rébellion afin de tuer dans l’oeuf des problèmes de disciplines ultérieurs supposés. C’est purement démagogique et dans l’air du temps. On imagine que plus d’ordre, voire de morale (mot que l’on entend à tout bout de champ en ce qui concerne la scolarité ces derniers temps) suffira a endiguer des problèmes sociaux bien plus graves. C’est faire reposer la responsabilité de tout l’échec de la gestion des erreurs sociales et économiques françaises sur le dos de l’école : »si il y a des délinquants c’est parce que l’école (donc l’état) ne les remet pas dans le droit chemin ». Facile comme raccourci et surtout très pratique. Comme si les futurs délinquants pouvaient se détecter dès le plus jeune âge, il y à là un postulat très dangereux et limite du point de vue de l’éthique (à quand la détection et le fichage en maternelle des homosexuel(le)s, des futurs alcooliques ou dépressifs ?).

    Qui plus les problèmes réels de l’école en France sont surtout cristallisés autour des années collèges, c’est bien là que décrochent la plupart des élèves et que se produisent le plus de cas de délinquance et de sortie du système.

    Il faut surtout des moyens. Pas la peine d’épiloguer des heures sur des méthodes ou sur des systèmes pédagogiques que de toute façon on ne pourra pas appliquer faute de moyens.
    L’essentiel est là. Garantir à nos enfants un suivi, des classes a nombre d’élèves raisonnables et la possibilité à leur enseignants d’avoir le temps et les moyens nécessaires pour s’en occuper.

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  2. JEA dit :

    Poirot-Delpech (mais oui) :
    – « L’école sera-t-elle jamais comme la rêvait René Char : à la fois visionnaire et adaptée aux surprises de la Terre ? »

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  3. Chassigneux dit :

    Dans la panoplie pour réduire les inégalités, si c’est toujours la préoccupation des éducateurs- voire de la gauche – la scolarisation des plus petits me semble la plus précieuse. Le risque de fichage est vraiment un dérivatif qui éloigne de l’essentiel. Si cela se déroule dans de bonnes conditions, l’école maternelle française peut fournir des outils tels que le langage aux plus démunis. C’est là que ça se joue et tous les soutiens plus tard seront bien moins efficaces si la socialisation est aussi bâclée.

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    • Alain L. dit :

      oui, je ne suis évidemment pas contre l’école maternelle qui, comme vous le dites, « Si cela se déroule dans de bonnes conditions, peut fournir des outils tels que le langage aux plus démunis ». Mais la condition ici est de taille. Vous habitez dans l’agglo de Grenoble et vous savez peut-être que dans certaines écoles maternelles, comme l’école Marceau, il y a plus de trente enfants par section et les enfants sont regroupés à soixante-dix pour la sieste!!! Donc avant de demander l’extension du système scolaire, luttons pour l’amélioration des conditions actuelles. Mon opposition au caractère obligatoire de la maternelle est surtout symbolique, j’en suis conscient, puisque environ 98% des enfants de plus de trois ans vont en maternelle (ce qui fait que je ne vois pas ce que le fait de la rendre obligatoire pourrait ajouter… si ce n’est une idée de contrainte, qui est fondamentalement contre-productive – à mon avis!). Amicalement.

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  4. vincent dit :

    Cher Alain,
    Je me doutais que le silence qui avait clos notre dernier échange constituait le départ d’une réflexion personnelle qui aboutirait à ce présent billet… Bravo pour la première partie dudit et érudit billet. Je ne te suis pas totalement en revanche sur la deuxième partie, tu t’en doutes.
    Craignant de trop m’étendre, je me limiterai à quelques remarques :

    1. Merci donc pour la partie érudite : quoique je m’interroge sur cette science latente qui nous habiterait tous à la naissance et qui ne demanderait qu’à s’actualiser, sur la très déterministe inégalité de ce partage qui met du quantique dans la tête de certains et pas dans celles d’autres. Je ne suis pas fondamentalement piagétiste (oui, mille fois oui, ce n’est pas un psychologue !), mais je suis très tenté de le suivre sur ce coup-là. Sauf que je n’en déduis pas comme toi un finalisme du développement : d’abord parce qu’il ne faut pas toujours chercher une finalité aux choses de la nature et de la culture ; ensuite parce qu’à mon avis, il ne faut pas confondre les structures avec ce qu’elles produisent. En clair : ce n’est pas parce que mon cerveau est constitué de telle manière que je suis équipé ou non pour comprendre la théorie de la relativité.

    2. Le corps, l’espace, le temps, les lettres, les chiffres, certes oui, mais bien plus encore qui relève aussi de la philosophie (je te laisse trouver les références idoines) : l’école maternelle est le lieu de la socialisation (objectif majeur de la première année), du bien-vivre ensemble, de la découverte de l’altérité, de la pratique des règles (et non simplement de la discipline comme le dit ta jeune enseignante stressée et naïve), du repérage entre l’intime et le commun, de tant d’autres choses encore et de l’amitié enfin : on voit ici ce que l’école maternelle a d’horizontal, quand l’enfant même entouré et guidé par un parent, un grand-parent ne pratique que des relations verticales que la visite d’un cousin, le compagnonnage éphémère d’un pair au square ne saura compenser.

    3. Le cas théorique que tu décris est magnifique, mais que représente-t-il dans la réalité ? Quelques pourcents des enfants concernés par une scolarisation partielle en maternelle ? A peine. La grande majorité des enfants non scolarisés ou partiellement scolarisés en maternelle sont issus de milieux défavorisés et / ou marginalisés. Les parents et grands-parents précepteurs que tu décris sont merveilleux, et quelle éducation que celle que j’imagine là ! Les « groupes de parents mutualisant leurs savoirs et compétences pour mieux gérer ensemble leur petit monde », quelle tentation !
    Mais du ciel platonicien il faut malheureusement parfois redescendre… Ce que nous constatons au quotidien n’a pas grand-chose à voir avec ceci. Les enfants en question, très majoritairement, ne profite pas de l’alternative éducative que tu souhaites. Bien au contraire. Crois-moi, quand on en hérite à l’entrée de l’école élémentaire, le raccord n’est pas triste à voir…

    Entendons-nous bien, ce que tu proposes me séduit : si cela était, alors je serais de ton avis.

    PS : si donc tes étudiants sont mous, c’est parce qu’on leur a demandé lever la main en classe à 4 ans… Allons, allons… J’ai comme dans l’idée qu’il a pu se passer des choses entretemps…

    PPS : les enseignants, « experts, seuls autorisés à agir en matière d’enfance » ? Rhô… 😉

    (et merde, j’ai été long)

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  5. « la propension malheureusement évidente de la majorité des citoyens à se boucher les yeux devant les divers abus de pouvoir… » En quelque sorte, l’objectif de notre école est parfaitement atteint. Ce n’est pas moi qui dirai le contraire. Hélas!

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  6. Détecter les enfants « à risque » dès l’âge de trois ans est un des projets de Luc Chatel (sans parler de certains fichiers…) : quoi de mieux que de pratiquer cette « observation » dès l’école maternelle.

    Je suis bien d’accord sur le fait que tout est une question de moyens : hélas, ceux-ci sont en diminution constante (et les profs qui partent en retraite non remplacés, d’où le recrutement par campagne de pub et petites annonces de gens non qualifiés).

    L’idéal (platonicien) est sans doute que les petits zenfants restent chez eux, à être éduqués par leurs parents et grand-parents : mais tout le monde peut-il se le permettre ?

    Maintenant, la fonction pédagogique doit être revue : si elle consiste uniquement à apprendre « la discipline », effectivement on formera des troupeaux de moutons dès l’enfance, au lieu d’aider à ce que l’ouverture au monde et la créativité de chacun puisse s’exprimer.

    Il faudra voir si le PS est aussi « orthodoxe » en la matière : mais s’il s’agit de recopier les recettes « carcérales » de la droite, ce ne sera vraiment pas un progrès. Malgré son âge (comme dirait Montebourg l’irrespectueux), Jack Lang a gardé quelques idées sur le rôle « émancipateur » de l’école (il me semble qu’un pédagogue l’avait appelée ainsi…) : il faudra qu’il fasse part de ses conseils avisés à celui qui, lorsque la gauche sera au pouvoir, aura en charge l’Education nationale qui ne doit pas être une garderie ou une caserne habillée d’un revêtement civil.

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  7. michèle dit :

    Ai attendu car j’étais tout de suite en désaccord.
    Ras le bol de l’antienne des moyens : en Inde il y a 70 mômes qui ânonnent collectivement, mangent à la queue leu leu & dorment par terre sans matelas. Et qui apprennent.
    Le langage* avant tout autre apprentissage (avant même celui de la propreté qui est primordial aussi) passe en premier par les parents mère +père. L’école arrive loin derrière. Trois ans après, c’est vous dire le décalage !
    S’appuyer sur les travaux* primordiaux de Laurence Lentin.
    Avant ce qui est dit, l’école représente avant tout sortir de chez soi et aller vers l’autre, donc vers la différence. Et donc s’ouvrir au monde dans sa multiplicité.

    Je suis contre une école des grands-parents, contre une école des groupuscules quels qu’ils soient et une ardente défenseur de l’école laïque, libre et obligatoire, celle du prince* des mots tordus.
    http://motordu.chez-alice.fr/
    La plus grand découverte de l’école maternelle est bien celle de tomber amoureux, de la maîcresse (si on n’a pas encore décroché de sa maman, et là c’est grave) ou de la petite copine blonde aux tâches de rousseur qui, du coup, jamais ne décrochera le bac mention très bien.

    Ce dont on meurt, collectivement, ce n’est pas, loin de là, de l’absence de moyens (ai connu aussi la sieste où l’atsem refusait d’enlever les chaussures des pieds des tout-petits, qui s’endormaient donc avec leurs chaussures, vous pouvez l’imaginer cela ? on peut faire un concours des horreurs rencontrés), c’est de l’indifférence.

    Nous sommes aussi tous conditionnés au travail.

    Je crois que cela change.Les gens ont moins envie de travailler qu’avant, ne se définissent plus en tant que « remplissant telle fonction », ont d’autres horizons que celui de marner comme un bœuf.

    L’ère des loisirs prend une place importante.

    Se pose le problème comment subvenir à ses besoins sans travailler ?

    Je rappelle que, durant de bien longues années, et cela a gentiment été cassé, l’école maternelle française a été une école pilote, première au niveau de tous les pays européens et quand on a connu cela, il y a de beaux restes.

    >bien le bonsoir à vous Alain L.

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  8. Alain L dit :

    je savais bien qu’en introduisant ce thème de l’école, j’allais susciter des réactions diverses. Je suis d’accord avec Dominique Hasselman: « s’il s’agit de recopier les recettes «carcérales» de la droite, ce ne sera vraiment pas un progrès ». Vincent et Michèle ont du bondir en voyant le mot « carcéral »…. Oui, je sais, ne pérennisons pas les clichés de mai 68, quand, sous, en partie, l’influence de Foucault, nous confondions allègrement caserne, école, prison et hôpital psychiatrique… N’exagérons rien, certes. Mais je note que pour beaucoup, le rôle de l’école maternelle se ramène principalement à un rôle de socialisation. C’est sympathique d’expliciter cela en parlant d’apprentissage de l’amitié. Si c’est ça, on ne saurait être contre… mais pourtant… faut-il mettre les enfants OBLIGATOIREMENT 9 heures par jour pendant quatre jours par semaine pour cela??? L’amitié (voire l’amour) s’apprennent aussi dans le silence, le retrait et l’éloignement de l’autre. Prenons garde que la « socialisation » ne vire à la « grégarisation », cette forte tendance qu’acquièrent hélas beaucoup d’enfants à ne plus supporter la solitude, à toujours exiger la présence de « copains » et de « copines » autour de soi – sinon, « ils s’ennuient » -.
    Je n’ai pas l’impression que les jeunes générations souffrent d’un manque de vie sociale… j’ai plutôt l’impression qu’ils manquent d’espace de tranquillité. C’est aussi dans la solitude que murit l’épanouissement de la personne.
    Je vais commettre un honteux sacrilège en comparant ce discours avec celui que tenaient les défenseurs du… « service militaire obligatoire ». C’était bien, aussi, le service militaire obligatoire: il permettait d’abord de faire des évaluations (déjà), on savait ainsi par des tests où en était toute une génération du point de vue des connaissances scolaires, on pouvait préparer parfois à un métier ceux qui étaient en échec, et surtout, surtout… c’était là où on se faisait des copains (les fameux copains de régiment). Or, cette belle institution a disparu. Et qui s’en plaint aujourd’hui?
    C’est que ce service militaire remplissait en réalité d’autres fonctions (apprentissage des armes, inculcation des valeurs nationales, préparation des guerres futures) que celles dont on le gratifiait aimablement. Lorsqu’il est apparu que ces fonctions n’avaient plus la même utilité (ou qu’il devenait trop coûteux de les remplir), l’institution a disparu.
    L’école maternelle, c’est différent bien sûr… même s’il saute aux yeux qu’elle est surtout conçue en fonction des besoins des parents qui, eux, travaillent, et ne peuvent pas faire autrement. Une société où les parents pourraient facilement se libérer à tour de rôle pour s’occuper des enfants n’aurait pas les mêmes besoins.
    Pour en revenir au début et aux positions de la gauche et de la droite sur ce sujet, je lis que, si le PS prévoit l’école maternelle obligatoire dès trois ans, l’UMP ne la prévoit pas, mais prévoit quand même, dans son nouveau programme sur l’école que…. tout enfant inscrit en maternelle soit soumis à une assiduité obligatoire!!!
    Mais vraiment, qu’est-ce qu’ils leur ont fait, les MÔMES, pour qu’ils veuillent autant les EMMERDER?

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  9. Chassigneux dit :

    Oui le débat sur l’école maternelle permet de trier l’important de l’anecdotique.
    Des arguments insistant sur le côté militaire voire carcéral de cette école, qui n’est pas passée de l’exemplarité au flicage précoce en quelques années, vont dans le même sens que le casseur qui détruit au delà du service public, il étouffe tout espoir de progrès.
    N’oubliez pas les conditions sociales qui restent souvent bien loin de rapports enrichissants au sein d’une famille sans soucis.
    Les familles monoparentales se sont multipliées.
    Par ailleurs bien des enfants dans des fratries qui n’ont pas forcément l’espace de silence pour bien grandir vivent chez eux dans des conditions où le langage n’est pas la priorité.
    La réponse n’est pas Jack, mais avec des personnes qui font leur boulot avec conscience.

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    • Alain L dit :

      oui, Guy Chassigneux, c’est vrai. Et Michele aussi a raison là-dessus: l’école peut être aussi un formidable moyen de libération pour des enfants appartenant à des milieux très défavorisés, mais est-ce que, pour autant, on doit contraindre l’ensemble des enfants, uniformément (c’est le cas de le dire en ces temps où on reparle de l’uniforme!) et sur tout le territoire d’entrer et de sortir tous à la même heure? Regardons un peu dans les pays limitrophes où beaucoup plus de souplesse et de tolérance sont observés pour le grand bien, semble-t-il, des enfants et de leur épanouissement.

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