Quand l’impossible est certain

Rien de pertinent à dire sur ce qui nous préoccupe le plus aujourd’hui : le tremblement de terre au Japon et ses suites sous forme de prévisible catastrophe nucléaire. Rien sauf l’envie d’exprimer sa compassion avec les japonais, rien sauf l’envie de mettre un lien vers le blog de Tokyo. Rien sauf l’envie qu’on se taise un peu (sur les ondes notamment, qu’on donne les nouvelles, mais qu’on ne s’oblige pas à faire comme si de rien n’était en continuant d’émettre les mêmes banalités, les mêmes idioties, le même soi-disant « humour », les mêmes déplorations des « défaites françaises » en rugby ou ailleurs…). Rien sauf le souhait qu’on n’en rajoute pas trop (notamment du côté écolo) sur l’aspect « on vous l’avait bien dit », « ils n’avaient qu’à pas » ou « il n’y a qu’à ». Il ne faudrait pas se voiler la face : les humains ne vivent que d’énergie, sous toutes les formes. Ils ont besoin de manger, de se vêtir, de se chauffer, de se transporter, toutes activités qui demandent de l’énergie. Si on a un souhait (tel qu’il émerge d’ailleurs au même moment dans un autre endroit du monde, le Maghreb et le Moyen-Orient), c’est que tous les humains soient logés à la même enseigne, et donc bénéficient des conditions de vie qui sont celles des peuples dits développés (ou alors, on est de sacrées immondes personnes), ce qui ne peut se réaliser non pas par une décroissance de la consommation d’énergie mais par une croissance. On ne remplacera pas en quelques années les centrales nucléaires (qui ont assuré la vie normale notamment de centaines de millions de Japonais) par des éoliennes et des panneaux solaires. Il faut s’attendre donc à ce que ce genre de catastrophe survienne, jusqu’à peut-être hélas, la catastrophe finale. Mais comme dit Jean-Pierre Dupuy, le fait de le savoir, de s’y attendre et de la préparer peut être la seule manière de l’éviter.

Le catastrophisme éclairé consiste à penser la continuation de l’expérience humaine comme résultant de la négation d’une autodestruction – une autodestruction qui serait comme inscrite dans son avenir figé en destin. Avec l’espoir, comme l’écrit Borges, que cet avenir, bien qu’inéluctable, n’ait pas lieu. (Pour un catastrophisme éclairé, p. 216)

Cet article, publié dans Actualité, Catastrophe, est tagué , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

4 commentaires pour Quand l’impossible est certain

  1. Jean-Marie dit :

    Personne ne t’a encore voué aux gémonies ?
    Pour abonder dans ton sens, j’ai retrouvé cet interview de Michel Serres parue en 2005, me semble–il, ( http://www.cles.com/entretiens/article/l-imprevisible-reste-la-regle) où il explique, entre autres, que l’imprévisible reste la règle, autre façon de dire que l’impossible est certain.

    J’aime

  2. Alain L. dit :

    pour préciser, « quand l’impossible est certain » est le sous-titre du livre majeur de Dupuy: « Pour un catastrophisme éclairé ». Non, pas encore de gémonies, 🙂 J’attends!

    J’aime

  3. En fait, ce titre est un peu : la science-fiction est une réalité.

    Ce qui ne signifie pas que NKM & Besson sont qualifiés pour parler aussi platement et hypocritement de ce qui s’est passé et risque d’advenir.

    J’aime

  4. TT dit :

    Plus largement et pour dire les choses un peu différemment, ce qui va être en jeu, c’est l’entrée dans une nouvelle époque, celle où il va falloir apprendre à agir et gouverner “en pensant systématiquement aux conséquences” (pour citer un autre livre et reprendre le titre d’un chapitre annonciateur dans celui de Yannick Rumpala, Développement durable ou le gouvernement du changement total).

    J’aime

Laisser un commentaire