Jean-Claude Milner dévoile le pot aux roses

Lire les articles consacrés à Chomsky dans « le Monde des Livres » d’aujourd’hui réserve des surprises et en particulier un scoop incroyable : il y aurait selon J.C. Milner (ex-linguiste chomskyen devenu philosophe) une spécificité des philosophes français que les étrangers ne comprennent pas : ils ne prennent tout simplement pas en compte l’existence d’une logique de l’argumentation ! Le passage que je reproduis ci-dessous est stupéfiant :

Il y a des raisons de fond [à l’hostilité que rencontre Chomsky auprès des intellectuels français]. Il faut bien voir que Chomsky place au centre de l’activité intellectuelle un certain type de raisonnement, reconnaissable à deux critères.

Premièrement, une argumentation digne de ce nom doit pouvoir être représentée, sans reste, par le calcul des propositions : si un raisonnement ne peut pas être présenté sous forme logique, il ne vaut rien.

Deuxièmement, la conclusion doit être présentée comme falsifiable, c’est-à-dire comme pouvant être confrontée à un test empirique, comme cela se pratique dans les sciences de la nature. Or, en France, beaucoup d’intellectuels considèrent que la logique formelle classique n’épuise pas le champ des raisonnements possibles ; ce n’est pas vrai seulement de Derrida ou Lacan, c’est aussi vrai de Sartre ou de Lévi-Strauss.

Traduisons pour ceux qui trouveraient (légitimement) cela obscur.
La première chose que l’on demande en principe à quelqu’un qui prétend être philosophe ou scientifique et qui souhaite donc présenter des idées, voire une théorie, est d’être capable d’argumenter en faveur de ces idées ou de cette théorie, c’est-à-dire de présenter des justifications et des arguments face à des objections potentielles. Un discours qui ne s’impose pas ce genre d’impératif est un discours religieux. Nul ne songe à interdire un tel discours, de même que nul ne songe à interdire la poésie et plus généralement la littérature. Mais il ne faut pas mélanger les genres. Argumenter suppose le respect par tous les participants dans une discussion d’une certaine norme. Cette norme est la logique. Les raisonnements que l’on avance doivent pouvoir s’articuler (afin d’être discutés) au moyen de règles d’inférence. La règle fondamentale est appelée depuis l’époque médiévale le modus ponens. Elle est très simple : si vous admettez qu’un fait A implique un fait B, si vous avez A, vous avez B. Cette règle est la règle fondamentale du calcul des propositions dont parle Milner. Si vous n’admettez pas cette règle, si vous vous autorisez à ne pas la suivre, alors vous n’avez plus aucune règle d’inférence, et votre discours n’est plus soumis à aucune norme rationnelle. Evidemment, les textes que nous lisons ne se présentent pas en conformité immédiate avec les règles en question, ce serait bien sûr trop lourd et trop pénible à lire. Aristote avait déjà vu le problème et, dans sa Rhétorique, il disait qu’il fallait laisser le syllogisme à la science (le syllogisme étant une variante du modus ponens, en fait) et que dans le discours ordinaire, ou en philosophie, on devait utiliser l’enthymème. Un enthymème est une figure de style qui ressemble à un syllogisme, sauf qu’on lui a retiré sa proposition du milieu. Imaginez que vous ayez :

          BHL est un intellectuel parisien

          Or, les intellectuels parisiens ignorent la logique

          Donc BHL ignore la logique

Ceci est un syllogisme. L’enthymème que l’on en tire est simplement : BHL étant un intellectuel parisien, il ignore la logique. Ca suffit, dit comme ça : à nous de rétablir la phrase du milieu. Mais on voit qu’en s’exprimant de cette manière, on se ménage toujours la possibilité de présenter les choses conformément à la logique « propositionnelle ». Aristote dit que souvent on s’exprime par enthymèmes parce que, grâce à ce moyen, on peut gommer les vérités générales qui, si elles étaient exprimées, révèleraient un peu trop à notre d’interlocuteur le lieu d’où nous parlons ! Mais on peut toujours rétablir, avec un peu d’efforts, les prémisses manquantes.

Dire comme le fait Milner que « en France, beaucoup d’intellectuels considèrent que la logique formelle classique n’épuise pas le champ des raisonnements possibles » c’est laisser entendre qu’il y a d’autres raisonnements ( ?) mais que leurs critères de validité sont mystérieux, autrement dit, auxquels personne ne peut objecter puisque personne ne connaît la règle permettant d’objecter quoique ce soit ! Milner révèle alors ce que bon nombre de chercheurs (à commencer par Chomsky bien sûr, mais pas seulement, en France il y a Bouveresse par exemple, mais bien d’autres encore) disent ou soupçonnent depuis longtemps, à savoir qu’une certaine littérature philosophique qui emplit les rayons des bibliothèques françaises n’est tout simplement pas de la philosophie, n’articule aucun discours rationnel et qu’on ferait mieux de l’ignorer si on veut comprendre quelque chose.

Ceci sonne, pour moi, comme un coup de tonnerre. Pendant longtemps en effet, j’ai essayé de comprendre ce qu’un Derrida voulait dire. Souvent je ne comprenais rien et quand je croyais comprendre, je trouvais ce que je comprenais absurde. Mais je continuais, me disant : « il y a des subtilités qui m’échappent ». Maintenant que je sais que Derrida, comme d’autres, a toujours considéré qu’il ne valait pas la peine de s’embêter avec la logique de l’argumentation…. Je n’aurai plus de scrupules ! Je suis très content pour mes amis blogueurs (comme Carole ) qui depuis longtemps posent des questions sur leur blog, se demandant avec anxiété comment s’orienter dans la masse de livres qui existent. Ils savent, maintenant !

Dernier mot : les propos de Milner sont évidemment absurdes. Le pauvre Claude Lévi-Strauss doit se retourner dans sa tombe fraîchement creusée, lui qui au contraire, accordait une grande valeur à la rigueur logique (le fait qu’il ait confié une partie de son œuvre à formaliser par des mathématiciens comme André Weil le prouve amplement).

Encore un tout dernier mot: dans cet article, Milner, l’intellectuel parisien type, accuse Noam Chomsky de…. provincialisme! Cela en dit long sur l’arrogance de nos prétendues « élites ».

A propos de Milner, lire aussi ceci , car c’est très édifiant.

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15 commentaires pour Jean-Claude Milner dévoile le pot aux roses

  1. Carole dit :

    Je sais surtout que je ne sais rien :-))) ce qui est un bon début pour philosopher ! en fait, je ne suis pas d’accord avec tout ça, et pour moi ce qui compte n’est pas la logique, ni même la vérité (ou la justesse) mais la justice ! ainsi on aura beau me démontrer par A+B que l’économie est une science exacte par exemple, ça ne m’ôtera pas de l’idée que les économistes trahissent la réalité humaine en fondant nos vies sur leurs préceptes… (je suis hors sujet là ?). Merci pour le lien, mais je vais rougir 🙂

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  2. Alain L dit :

    Carole, il faut bien avoir des outils pour comprendre. Si on refuse d’en avoir, on se perd dans le néant. Cela ne signifie pas qu’il faille nécessairement des « mots savants » ou un jargon particulier, juste assez de vocabulaire et de connaissance de la manière dont s’articule un discours pour qu’on puisse lui répondre. Penser avec ses tripes, c’est bien mais les tripes n’autorisent pas beaucoup le dialogue…
    Quant à l’économie, bien sûr que non, ce n’est pas une science exacte. Le fait que ça le soit n’est aucunement démontrable.

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  3. Carole dit :

    je ne refuse pas les outils pour comprendre : mais ce que je souhaite comprendre n’est pas le sujet de la philosophie je crois. celle-ci s’occupe de questions beaucoup trop élevées, beaucoup trop abstraites pour qu’elles puissent m’être utiles et avec eux ou sans eux, je me perds dans le même néant. Je sais que je ne pourrais pas dialoguer avec Derrida, Deleuze ou Levis-Strauss, je ne serais pas au même niveau. Si les « tripes » n’autorisent pas beaucoup le dialogue comme vous dites, je crois que la logique pure ne l’autorise pas non plus. pour penser j’ai besoin de me référer à mes expériences, à mes ressentis, à mes opinions… et puis je les confronte à d’autres. le peu de raison que j’ai analyse, tri, essaye de juger… mais je suis une personne tout à fait ordinaire donc, je ne peux pas me mêler des affaires des philosophes : on me renverrait dans mes cordes et on aurait raison : leur science est au-delà de toute critique, au delà de tout jugement « ordinaire »…

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  4. Les intellectuels parisiens sont des pitres de cour, mais de mauvais pitres qui ne font rire personne. Ils ne méritent nullement le temps qui leur est consacré, ni l’intérêt qu’on leur porte, pris en otage que nous sommes par les médias dont ils dépendent. Je sais bien que ce jugement est à l’emporte-pièce, mais l « arrogance stupide » de ces penseurs mondains, est, à la fin, insoutenable.

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  5. quotiriens dit :

    A lire, dans philosophie magazine (oui je sais…) N°40, juin 2010, le commentaire de John Searle dans le dossier consacré à Michel Foucault, pour illustrer ce débat: le philosophe américain demande à son ami français: « Michel, pourquoi écris-tu si mal? – si j’écrivais aussi clairement que toi, les gens à Paris ne me prendraient pas au sérieux. Ils penseraient que ce que j’écris est enfantin et naïf. En France, il faut avoir au moins 10% incompréhensibles. » Il le pensait! Plus tard, j’en ai parlé avec Pierre Bourdieu, qui est allé plus loin, en me disant en substance: pour qu’un livre soit pris au sérieux en France, ce n’est pas 10% de passages incompréhensibles qu’il faut, mais le double! »

    Le plus dur ou le plus valeureux me semble d’arriver à avoir un tel discours abscons en public (séminaires de Lacan, de Derrida…). Est-ce là la vraie marque d’un philosophe dit « parisien »? Probablement, ce qui en fait un cercle si fermé (étanche).

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  6. Alain L dit :

    Les 20% d’incompréhensible permettent de faire passer aussi beaucoup d’approximations et d’erreurs: on lit en diagonale un auteur avant de lui répondre… Un exemple en est donné avec la controverse Searle/Derrida. Derrida est censé répondre à Searle sur la théorie des actes de langage, il y a manifestement un malentendu entre les deux, on cherche et on trouve que simplement Derrida n’a pas pris la peine de lire.
    Pour répondre à Carole maintenant, la logique pure ne permet pas à elle seule le dialogue, mais respecter des règles le permet toujours, en tout cas mieux que le cri ou l’affirmation péremptoire. Pour Chomsky, il n’y a pas de cassure entre l’intellectuel et le citoyen ordinaire. L’existence d’une telle cassure est une spécificité française. Tout un chacun doit pouvoir comprendre et argumenter.

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  7. jmph dit :

    … Quel débat ! J’ai lu le papier de Milner qui m’a laissé perplexe. Est-ce un débat intéressant que d’opposer les « intellectuels parisiens » (avec leurs tics) et les autres penseurs (je n’ose plus dire philosophes) notamment américains ? Il est dit que nul part hors de certaines universités américaines, quelques membres éminents de l’intelligetsia parisienne soient autant étudiés. Le fameux pragmatisme américain serait-il compatible avec les obscurités parisiennes ?
    C’est pour cela que présenter la visite de Chomsky sous le prisme de cette opposition me semble vain et improductif.
    Quant à l’accusation de « provincialisme » proférée par Milner, elle m’a fait fait sourire : l’Amérique n’est pas qu’une province. Mais le peu que je connaisse du discours de Chomsky sur l’état du monde me semble effectivement teinté … « d’américanisme » (oh lal la, je sens que je vais prendre des coups…).

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  8. Alain L dit :

    ah! ah! euh… non, tu ne vas pas prendre des coups! le papier de Milner joue à mes yeux le rôle de révélateur, c’est ce qui le rend intéressant. de manière générale, cette visite de Chomsky aura révélé beaucoup de choses aussi, notamment le souci délibéré d’une grande partie de notre intelligentsia de l’ignorer. On dit toujours (en France!) que la « French Theory » est abondamment étudiée aux Etats-unis mais je crains que ce ne soit essentiellement dans les départements littéraires voire de littérature française, mais pas beaucoup dans les endroits philosophiques ou scientifiques. Certains « américanismes » chez Chomsky? là, je suis d’accord avec toi… ça me paraît évident. Il tire tout dans le sens du rôle majeur de Washington et il a bien sûr une conception de la liberté d’expression qui, à mon avis, n’est pas LA liberté d’expression, mais une conception américaine (légaliste) de cette liberté. je connais mal les Etats-Unis mais il me semble que la liberté en question n’y est pas absolue comme il le dit. Il répondra sans doute que l’Etat n’intervient pas dans ces questions et que c’est là ce qui est vital pour lui (alors que l’état français etc.) mais on ne peut pas faire abstraction de la pression de la société.

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  9. erikantoine dit :

    Bonjour !
    je disconviens respectueusement.
    Tout d’abord, il faut arrêter avec la bataille de chiffonnier avec ‘les intellectuels français/parisiens’. Honnêtement, que ce soit en France ou ailleurs, qui se soucie, s’il est un peu curieux et un peu amateur de pensée, de style et d’honnêteté intellectuelle de nos pîtres médiatiques BHL, Finkie, Glucks et autres Bruckner de tête de gondole ? Franchement. Que Chomsky se sente en droit d’être supérieur et de cracher sur la France parce que ce qui sert d’intellectuel au Monde ou au nouvel obs est un ramassis d’idiots prouve simplement qu’il ne connaît de la vie intellectuelle française que l’écume. Il a le droit de ne pas s’en soucier, mais pourquoi se sent-il alors obligé d’en parler ? Ellul, Debord, Michéa, Reclus, Castoriadis (bon, grec, c’est vrai), Lucien Israel, Félix Guattari, ils ont existé aussi, non ? On ne peut pas s’attendre à ce que des penseurs dérangeants et irrécupérables par le cirque médiatique soient en tête d’affiche. Je note par contre que lorqu’un intellectuel digne de ce nom pose de très bonnes questions sur son positionnement dans l’affaire faurisson, il ne répond pas, sous prétexte que des imbéciles lui ont aussi posé la question:
    http://www.anti-rev.org/textes/VidalNaquet81a/

    Par ailleurs, ce n’est pas non plus parce qu’il n’aime pas Lacan, que son enseignement ne vaut rien. Je rappelle au passage que Lacan n’est pas un philosophe, quoiqu’on veuille en dire. Et les séminaires de Lacan sont beaucoup plus lisibles que ses Ecrits. Mais là aussi, tout le monde n’est pas forcé de s’intéresser à la psychanalyse. Mais c’est pas une raison pour cracher dessus sans connaître.

    Quant à votre billet, cher hôte, vous omettez une sacrée caractéristique de l’enthymème, qui n’est pas une figure de style mais un type d’argument: c’est le syllogisme de la dialectique qui repose sur des prémisses seulement vraisemblables et non vraies, comme dans la démonstration. Vraisemblable non pas parce que c’est un sophiste qui le manie, mais parce qu’il y a des domaines qui ne relèvent pas de la démonstration de type logico-mathématique, mais de l’argumentation. Aussi bien si les prémisses ne sont que vraisemblables, il conviendra à l’orateur de les faire paraître le plus vraisemblables possibles, mais il risquera toujours d’être contré par une autre argumentation. Exemple:

    (Les intellectuels ont tendance à préserver leur position institutionelle pour préserver leur confort)
    Chomsky est un intellectuel
    donc il cherche à préserver sa position institutionnelle et son confort

    mais on peut aussi penser que:

    (les intellectuels poursuivent la vérité afin de la dire quel qu’en soit le prix)
    chomsky est un intellectuel
    donc etc.

    Or dans ces domaines (originairement chez Aristote: le judicaire, le politique, l’épidictique) où ne peut avoir de certitudes mais où il faut tout de même délibérer et trancher, deux prémisses peuvent paraître aussi vraisemblables l’une que l’autre. Et ainsi en philosophie, pour maintenir la tension, on peut tâcher de penser pendant longtemps A et non A, car elles pourraient bien être vrai toutes les deux, mais pas en même temps, ou pas du même point de vue etc.
    Chomsky, à mon sens, est trop attaché à une rationnalité de type positiviste rigide qui le fait exclure une option dès lors qu’il a opté pour une autre. Il tient trop à ce que la linguistique soit une science relevant de la démonstration, alors que je pense qu’elle relève sans doute en partie de la démonstration, mais beaucoup aussi de l’argumentation, comme les autres sciences humaines et sociales: histoire, sociologie, psychologie etc. Etudier la chute des corps ou le mouvement des astres, c’est étudier des objets sans vie, et sans lien direct avec la vie même si la vie organique n’est pas sans lien avec le mouvement des astres. Contrairement au langage et aux langues humaines qui sont au coeur de la vie et façonnés par elle.

    Ainsi, il choisit (dans les années 1950) de dire que le langage est un système computationel et il exclu toute autre approche (il l’a répété encore samedi 29 mai, on peut au moins admirer la constance dans l’acharnement). Comme si le langage ne pouvait pas être représenté ET comme un système computationel ET un phénomène culturo-social ET une réalité cognitive et psychique… Toute sa linguistique tend à rabattre le symbolique sur le biologique voire le mécanique. Ce n’est peut-être pas l’intention de départ, mais c’est une tendance, et, depuis le début, on ne compte plus les linguistes qui ont été formés en linguistique générative et qui sont allés voir ailleurs si on ne pouvait pas étudier un peu autrement le langage, en prenant mieux en compte ses spécificités.

    désolé pour ce long message…

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  10. erikantoine dit :

    Excusez-moi, j’aurais dû commencer par ça: je suis nouveau visiteur de votre blog et je le trouve super beau.
    Merci !

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  11. Ch. Retoré dit :

    « une argumentation digne de ce nom doit pouvoir être représentée, sans reste, par le calcul des propositions : si un raisonnement ne peut pas être présenté sous forme logique, il ne vaut rien. » Implicitement réduire la forme logique au calcul des propositions, est-ce de la mauvaise foi ou de l’ignorance? Heureusement que la logique a fait des progrès depuis: variables, quantification, ordre supérieur, interaction, prise en compte du sujet, ce n’est point Alain qui dira le contraire. Paradoxe: n’est ce pas en grande partie à ce même Milner qu’on doit de connaître les travaux de Chomsky en France, notamment par son livre « Introduction à une science du langage ». Tout finit par des chansons, « The times they are a changing » ou « L’opportuniste » c’est selon.
    Sans rapport: la question de la « falsifiabillité » ne s’applique qu’aux sciences empiriques, les mathématiques y échappent. La philosophie est elle empirique ou plutôt mathématique? Je ne sais pas. Et les commentaires sur Internet? Je ne sais pas non plus.

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  12. Franz dit :

    Il me semble que l’anarchisme chomskyenne est trop ‘rule-governed’ comme il est sa linguistique générative. Donc, naturellement, il y a une compatibilité inattendue mais paradoxale entre sa politique et sa linguistique. Il croit, peut-être, que la démocratie américaine, peut avancer, dans ou vers son anarchisme propre, au niveau nationale et globale, dans une manière gouverné par les règles bien ordonnés! L’anarchiste MIT-en solitaire est bien un anarchiste rationaliste.

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  13. blaka dit :

    C’est quand même intéressant que Milner ait réussi à relancer un ancien débat endormi
    (c’est la position de Gianbattista Vico, qui revient de loin, sur les deux rationnalités, celle de la logique et celle de la métaphore, le problème de la logique étant qu’elle ne produit pas de connaissances, et c’est moins parisien/ »parochial » qu’on pourrait le croire).
    Pour les intéressées par l’histoire un peu plus récente, regarder les pages consacrées à Milner dans
    Botha, Rudolf PChallenging Chomsky: The Generative Garden Game

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  14. Alain L dit :

    On part trois jours, on revient et on trouve sa boite aux lettres remplie… merci de tous ces commentaires très intéressants auxquels à mon tour, je vais tenter de répondre.
    Que Chomsky ne connaisse que l’écume de la vie intellectuelle française, qui le lui reprocherait… après tout, il est comme tout le monde et a accès d’abord à ce que les médias nous servent et n’oublions pas que, justement, son sujet est la critique des médias (et puis bien sûr il répond aux intellectuels qui l’ont attaqué, qui sont justement ceux-là). Certes, il faut modérer le propos quand on parle des « intellectuels parisiens » puisque Bouveresse notamment est l’un d’eux et que c’est lui qui a invité Chomsky. Et puis, ce que celui-ci fait en réalité, plus que de s’en prendre à des individus, c’est s’en prendre à un système, un système qui, par exemple, met la classe intellectuelle sur un piédestal et provoque l’apparition de ces stars qui s’auto-promeuvent.
    En ce qui concerne Lacan, je suis d’accord avec erikantoine: ce n’est pas un philosophe, mais un psychanalyste et il n’était pas directement visé par mon commentaire. Il faut de plus ajouter que personne ne sait d’où vient que le journaliste du Monde ait pu prétendre dans son article que Chomsky le traitait de « malade mental »… (article particulièrement malhonnête de Birnbaum).
    Sur l’argumentation, je ne m’oppose pas non plus à ce que dit le même « erikantoine »: la rhétorique, en tant que discipline initiée par Aristote et développée à l’époque contemporaine par Perelman et d’autres, manie le vraisemblable plutôt que « le vrai », mais cela n’empêche pas qu’il y ait des schémas valides et d’autres qui ne le sont pas. Les sophismes (comme celui du conséquent) restent des sophismes et la position de Milner a l’air de s’en moquer éperdument, « qu’importe que l’on commette des sophismes si l’impression globale est celle d’un texte brillant et qui donne le sentiment d’argumenter en faveur d’une thèse souhaitée ».
    Je respecte l’argument qui veut que la linguistique soit une science humaine comme une autre (psychologie, sociologie etc.) mais je n’y souscris pas: je pense qu’elle est très à part, à une situation frontière entre le biologique et les sciences humaines en question. La percée intellectuelle de Chomsky en ce domaine consiste à tenter, pour la première fois, d’articuler un lien, grâce à sa notion d’interface (interface entre langage interne et système CI ou système AP, voire avec le sensori-moteur ou le spatial, comme les travaux de P. Pica ont tenté de le montrer). Les théories consensuelles parlent de « l’influence de la culture », il s’agit là de termes vagues. La théorie chomskyenne, parce qu’elle essaie de prendre en compte les neurosciences, peut donner une explication. Je suis d’accord que le Chomsky actuel (de depuis les années quatre-vingt-dix) fait basculer la linguistique dans une conception qui a peu de choses à voir avec le « culturo-social » ou le « symbolique ». Je trouve cela très audacieux et intéressant. En vertu de cela, on n’a pas envie d’avoir des thèses seulement plus ou moins vraisemblables, mais des thèses ayant le même degré de fiabilité et d’argumentation en leur faveur que peuvent en avoir les thèses des sciences de la nature.
    Pour répondre à Christian, oui, bien sûr, la logique est plus complexe que la seule logique propositionnelle mais si les philosophes se contentent au moins de satisfaire aux critères les plus simples, ce ne sera pas si mal! (je crois qu’on n’est pas conscient d’utiliser les règles des quantificateurs, cela étant tellement encapsulé dans le langage). Le rapport entre les mathématiques et les sciences empiriques doit être étudié en effet, C’EST LA que je ne suis plus d’accord avec Chomsky! (vous voyez, il y a biend es endroits où je ne suis pas d’accord). Il a en effet dit au collège de France , le 31 mai, en réponse à une question de Stan Dehaene que « les nombres étaient une création du langage et que pour le reste, les mathématiques étaient une science empirique comme une autre » !!. That’s absolutely wrong, of course!
    Noter toutefois qu’il y a une forme de falsifiabilité en mathématiques: on ne va pas se lancer comme défi de démontrer un « théorème » qui n’aurait pas de sens eu égard l’état contemporain de la science mathématique, il y aurait tout de suite quelqu’un pour arguer à juste titre que le résultat est trivial et sans intérêt.
    Je crois aussi qu’il y a un lien entre la pensée linguistique de Chomsky et sa pensée politique (finalement!) et qui se trouve en effet dans cette espèce d’anarchisme « gouverné par des règles », la foi en une matrice qui générerait le comportement social (s’il était libre de s’épanouir) à la façon d’une Grammaire Universelle.
    Merci d’avoir noté que le blog était beau, ça me fait plaisir 🙂

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