Fausse science

 

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Il y a différentes manières d’être un « scientifique », ou, simplement, d’avoir à faire quelque chose avec « la Science ». L’une consiste dans une attitude de modestie face à la quantité de savoir que nous n’avons pas et que nous n’aurons jamais. Cette attitude est informée de ce que les « vérités de la science » sont toujours relatives. Elles sont relatives à un cadre d’hypothèses donné, à des possibilités d’expérience limitées et au fait que le domaine du pensable ou du pensé n’est pas extensible indéfiniment. Après tout, notre aptitude à connaître fait elle-même partie de ce que nous avons à mieux connaître, elle est enracinée dans notre monde physique et biologique, dont elle est une composante. Noam Chomsky a dit des choses très originales sur ce sujet, qui tranchent avec « l’idéalisme » de la plupart des philosophes et scientifiques (je renvoie à son livre traduit en français sous le titre « Nouveaux horizons dans l’étude du langage et de l’esprit », éditions Stock, 2005). Une autre manière consiste à se draper dans l’orgueil du scientifique, le « supposé savoir » comme disait Lacan, bref, celui qui sait, et qui de ce « savoir » songe immédiatement à faire un « pouvoir ». Et quand, en plus, ce savoir porte sur les relations à l’intérieur des communautés humaines, donc… sur le pouvoir, alors là, l’effet est redoublé. Non seulement ces scientifiques « savent » donc ont le pouvoir conféré par un tel savoir, mais en plus… ils savent sur le pouvoir. Alors, là, dit vulgairement, vous n’avez plus qu’à fermer votre gueule.

Et ces gens, qui font de « la Science » ( ?) et à propos du pouvoir, font des « expériences », ce sont des expérimentalistes, fiers de l’être en plus car ils s’imaginent de ce fait rejoindre ceux qui sont supposés être les meilleurs fabricants du savoir que sont les physiciens et les biologistes. On les aura reconnus, ce sont les « socio-psychologues expérimentalistes ».

C’est leur jour de gloire aujourd’hui puisqu’ils nous proposent triomphalement leur dernier chef d’œuvre, l’émission de télé qui tue (littéralement !), afin de nous asséner cette vérité dure à entendre : les humains sont prêts à tous les asservissements dès qu’une relation de pouvoir s’installe, fût-elle par le biais de la science (Stanley Milgram) ou bien par celui de la télé. Ils ne se posent évidemment pas la question de cette curieuse mise en abîme qui aura choqué plus d’un : l’expérience consistant dans ce faux jeu de télévision est elle-même un montage, légitimé par des impératifs « scientifiques ». Autrement dit, il y a double manipulation, celle, bien sûr, des pauvres candidats par une présentatrice télé, mais aussi bien entendu celle de la présentatrice télé elle-même par les metteurs en scène de l’expérience. On ne s’attarde pas assez sur le fait qu’elle aussi subit, accepte d’obéir. Or si elle sait que les tortures infligées par les candidats sont fausses, elle n’ignore pas, elle, que les tortures mentales qu’elle inflige aux candidats sont bien réelles ! Que ne se demande-t-on pas comment il se fait qu’elle accepte son statut?

De façon semblable, dans l’expérience initiale de Stanley Milgram où il s’agissait de montrer que les gens acceptaient d’obéir aux injonctions sous l’emprise d’une légitimité, celle de la science, c’était la science même qui réalisait un dispositif de manipulation pour prouver que la science manipulait. La structure de ce genre de montage ressemble beaucoup à la figure de raisonnement qu’on appelle « pétition de principe ». Toute expérience de psycho-sociologie, même celles qui n’ont pas trait directement à cette question du pouvoir, suppose dès le départ un assujettissement des « cobayes », c’est donc dans la manière constitutive de fonctionner que présente cette discipline que surgit la question « mais pourquoi acceptent-ils de se plier aux injonctions? » (même et peut être surtout quand le but de cette expérience est dissimulé).

Maintenant, que conclure, une fois que le montage a eu lieu ? Ne peut-on penser que les candidats, parce qu’ils se trouvaient sur un plateau de télé, imaginaient tout simplement dès le début, que tout cela était factice ? L’effet « télévision » ne serait-il pas plutôt de « déréalisation ». Il y aurait beaucoup d’hypothèses à faire qui ne sont pas nécessairement celles qui viennent les plus spontanément à l’esprit. On peut s’entendre sur le fait que dans toutes les situations de ce genre (voir par exemple « la rafle ») une attitude constante semble être manifestée par les individus pris au piège, c’est l’incrédulité. C’est si énorme que ça ne peut pas être vrai.

Une question que nos chers psycho-sociologues ne se posent pas au spectacle de ce soir : comment se fait-il qu’aucun candidat ne réagisse en disant : « une décharge de 460 volts est mortelle, cela est une vérité scientifique, or, vous me demandez d’infliger une telle décharge, évidemment je ne peux pas croire un seul instant que vous me demandiez de tuer quelqu’un, donc vous n’êtes pas sérieux, donc ceci est une mascarade, donc adieu… ». Personne ne réagit de cette façon ? Pourquoi ? A mon avis une première réponse possible est qu’ils se disent que … de toutes façons, l’émission est bidon(*), mais une deuxième réponse possible est … que les gens ne savent pas qu’une décharge de 460 volts est mortelle ! Ce qui est à incriminer ici, ce n’est donc pas nécessairement la propension à l’asservissement des gens, mais en premier lieu leur ignorance . Ce que cette manipulation psycho-sociologique aura donc ainsi prouvé, par la bande, c’est qu’en fait de « science » (mais alors de vraie science, celle qui porte sur des réalités physiques tangibles)… celle-ci est bien mal partagée !

(*) lisant « Libé » ce matin, je lis que les promoteurs de l’expérience répondent à cet argument en accusant ceux qui le proposent de « déni », meilleur moyen de se prémunir contre toute objection. Nous voilà alors dans le cas où un discours se présente comme de toutes façons infalsifiable (au sens du philosophe des sciences Karl Popper), ce qui est souvent proposé comme la marque d’un discours non scientifique.

merci à Olivier S.C. pour avoir signalé ce billet sur son blog .
en revanche je ne remercie pas « les rédacteurs du Monde », qui ont refusé de le faire.

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16 commentaires pour Fausse science

  1. Olivier SC dit :

    Je pense que vous parlez d’un programme que l’on aurait plus attendu sur TF1 … Ce truc lamentable va donc faire du buzz … En liant votre article, serais-je le seul à mentionner I comme Icare ?

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  2. jmph dit :

    J’avais cru au départ que l’émission de « Le jeu de la mort » était une vraie émission déjà passée et que celle de ce soir était une attaque en règle contre les excès de la télé-réalité. Ce n’est que la semaine dernière, ‘en lisant « Télérama », que je me suis aperçu que « Le jeu de la mort » n’était qu’une manipulation sur la télé qui manipule.
    C’est évidemment très contestable sur le plan moral et scientifique. Il est évident que je ne regarderai pas l’émission de ce soir.
    Mais quelle confusion ! Quelle manipulation qui se réfléte de miroir en miroir qui se font face…

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  3. mimi dit :

    horrible
    ignoble
    je n’ai pas supporté plus d’1/4 h cette émission !
    scandaleux …

    manipulation

    je ne suis déjà pas trop « télé » mais ce soir je fuis l’écran (:

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  4. El Flaco dit :

    Hier matin sur France Inter j’ai entendu l’interwiew de la présentatrice et dans l’après midi j’avais lu le post de A sur le blog. Pour me faire ma propre idée j’ai donc tenté de regardé l’émission. Cela à duré 20 minutes, c’était ensuite insupportable.
    Un pseudo professeur tournesol à cheveux ébouriffés explique l’expérience, il n’est absolument pas crédible, on dirait un acteur. La mise en scène est grossière et ne peut s’empêcher de penser que la télé à « choisi » (parmi les plus bêtes et les plus faciles à piéger) les candidats, donc immédiatement on à la sensation d’être manipulés nous aussi.
    Enfin et pour moi le plus grave (que personne n’a relevé ni ici ni dans l’émission) est que la comparaison avec l’expérience de Milgram est impossible car les postulats de base ne sont pas les mêmes. Lors de la première expérience les cobayes la réalisaient au nom de la science (avec un défraiement certes mais de 4 dollars / heure). Hier chaque candidat qui allait « au bout » (càd qui envoyait 460 ou 480 je ne sais plus volts) était censé toucher un million d’euro. Cela fait une sérieuse différence.
    Par ces temps de crise cette émission à surtout démontrer que pour l’argent, beaucoup sont prêt à faire n’importe quoi. Cela sans doute bien plus que par « obéissance »…

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  5. alainlecomte dit :

    Oui mais il faut quand même préciser que les participants étaient mis au courant (c’est le cas de le dire :-)) du fait que cette émission était un « pilote », c’est-à-dire un test avant de lancer le jeu, c’est-à-dire du fait qu’ils ne toucheraient pas le fameux million.

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  6. alainlecomte dit :

    ceci dit, en effet, on peut penser que les candidats, essayant de se mettre dans la situation réelle, devaient se dire que un million de dollars (partagé je crois avec le torturé) valaient bien quelques picotements aux extrémités…. La pseudo théorie « agentique » n’est absolument pas prouvée, elle met entre parenthèses tout le petit cinéma intérieur que se font les gens dans ce genre de situation, et pour cause: on n’y a pas accès, d’où mon idée: quand on sait qu’il y a des choses que de toutes façons on ne peut pas connaître, il vaut mieux s’abstenir, et en tout cas ne pas clamer « qu’on fait de la science ».

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  7. Don Jerry Can dit :

    Ou quand le télé se regarde le nombril …

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  8. Cybionte dit :

    Bonjour,
    Je dois dire que vous m’avez énervé sur cette dernière chronique. Suffisamment pour j’ai envie de vous répondre.
    Enervé d’abord sur cette façon d’essentialiser une profession, une communauté, les « socio-psychologues expérimentalistes. Je ne connaissais même pas le terme avant de vous lire. Mais c’est un non sens pour moi d’imaginer qu’il existe des « socio-psychologues expérimentalistes ». Il n’existe que des individus qui font de la socio-psychologie expérimentale. Et qu’on ne peut certainement pas mettre tous dans le même « sac ». Pour moi c’est exactement du même ordre que de parler des arabes, des juifs, des blancs… et tirer de ces catégorisations souvent abusives des conséquences pour un individu.
    Cela sent la querelle de clocher à plein nez, empêchant manifestement une analyse un tant soit peu objective de la question traitée.
    Deuxièmement, quelle morgue, quel ton hautain dans la façon de traiter les chercheurs qui se donnent la peine de confronter leurs théories au réel.
    Je suis psychiatre, de service public. Je passe une grande partie de mon temps à essayer de soulager les personnes parmi les plus en difficultés, le plus précaires, les plus malades, les plus dangereux que notre société abrite.
    Cela fait 20 ans que je supporte les conséquences désastreuses sur le plan pratique de théories psychologiques et psychanalytiques qui ont cru bon de se passer de l’expérimentation avant de l’appliquer en pratique quotidienne. 20 ans que je supporte des collègues psychiatres et psychologues qui rendent responsables les parents de la maladie de leur enfants, pensent que si une personne délire, ce n’est pas parce qu’elle est malade, mais au contraire parce que c’est l’expression de sa guérison, façon sans doute de cicatriser de la toxicité familiale…
    Sans le passage par l’expérimentation et validation sérieuse sur le plan scientifique, toutes les théories psychologiques ne sont que des instruments d’asservissement possible de l’autre, des objets d’onanisme intellectuel susceptible de procurer bien du plaisir à nos universitaires de bureau, mais responsable de bien des catastrophes pour les personnes souffrant de trouble psy et leur famille.
    Alors de grâce, un peu d’humilité, regardez un peu plus loin que le bout de votre bureau ! L’expérimentation en sciences humaines est indispensable, et particulièrement en psychologie et en sociologie car les théories débouchent sur des soins et des politiques et qu’elles touchent l’Homme là ou il est le plus vulnérable et le plus fragile.
    Cordialement,

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  9. Alain L dit :

    Cybionte:
    votre point de vue est intéressant et je le respecte. Ceci dit, non, ce n’est pas ici une « querelle de clocher ». Je ne suis pas psychologue, ni psychiatre. Mon domaine de recherches (linguistique formelle) en est très éloigné. Je me sens néanmoins le droit en tant que citoyen et en tant qu’intellectuel d’exercer ma vigilance critique à l’égard de pratiques qui se donnent pour scientifiques et n’en ont parfois que les aspects extérieurs. Comme vous dites, il faut une « expérimentation avec validation sérieuse sur le plan scientifique ». En disant « les psycho-sociologues expérimentalistes », je ne crois pas énoncer une forme de « racisme » comme vous le laissez entendre, un psycho-sociologue expérimentaliste ne se définit pas en effet par une essence, une appartenance biologique ou ethnique, ce terme ne fait que viser le fait d’adopter une certaine posture, disons celle qui veut que les comportements de groupe soient susceptibles d’expérimentation, ce ne sont donc pas les individus en tant que yels qui sont visés mais les méthodes qu’ils emploient. J’admets cependant que c’est un raccourci et que certains psycho-sociologues peuvent avoir une autre pratique, une autre vision des communautés humaines. Disons que tout cela ouvre un débat qui ne doit en aucun cas être occulté. je pense que les citoyens doivent en être informés, surtout quand on sait d’une part les risques que certains développements de la science elle-même peuvent faire peser notamment sur l’environnement, et d’autre part la méfiance de plus en plus marquée (et irrationnelle) des citoyens à l’égard de la science. Cette méfiance à mon avis souvent irraisonnée peut être combattue si les gens voient que les vrais débats ne sont pas éludés. Quelle vision de la science aura eu le citoyen lambda après avoir regardé l’émission de l’autre soir? celle d’un mage barbu manipulant des courbes non identifiées qui dessine sur un paperboard des croquis triviaux et assène des « Vérités » définitives.
    Je comprends votre désarroi en tant que psychiatre et votre agacement face aux dérives de certaines pratiques inspirées de la psychanalyse. Certes il y a et il y eut de nombreux abus (pensons aux thèses de Bettelheim sur l’autisme), mais ces abus ont eux-mêmes succédé à d’autres abus qui eux provenaient d’une méthode déjà soi-disant scientifique (lobotomie, electro-chocs etc.).
    Mais je pense que nous pouvons être d’accord sur certains points: il est vrai que l’acquisition de connaissances réelles notamment par le biais d’expérimentations bien conduites ne saurait nuire et est probablement essentiel pour éviter toute la charlatanerie qui a cours aujourd’hui.
    Ceci dit le fond de l’affaire était cette émission… vous, en tant que psychiatre, qu’en pensez-vous?

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  10. michèle dit :

    Cela fait environ un an et demi que l’on parle, sur la toile, de ce film qui se dit documentaire, autour des bourreaux.
    Si c’est pour nous prouver que chacun d’entre nous est capable du pire, merci, on le savait déjà. Je suis incapable de dire comment j’aurai réagi, même si j’espère secrètement faire partie de la petite minorité qui stoppe illico. Je n’en sais strictement rien.
    Ce qui me paraît intéressant c’est le départ : Hannah Arendt qui suit de près le procès d’un nazi, vers les années soixante, puis écrit un livre relatant l’ordinaire de cet homme qui obéit aux ordres car il est fonctionnaire. Ensuite, Stanley Milgram lisant la philosophe allemenade qui tente son expérimentation. Enfin, soixante ans après, la décision de se moquer de la télé-réalité mais en faisant de la télé-réalité.
    Effectivement, drôle de mise en abyme. Je pense à la toile de Dali qui peint Gala qui se mire dans un miroir, miroirs à l’infini. Imbrications. Jeux de rôle.

    La veille, avais entendu un dire en réunion publique, je suis fonctionnaire d’État. Là, je me demande comment la fonction peut-elle l’emporter sur l’homme ?

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  11. olivier b dit :

    Excellente analyse… Finalement, cette expérience est tautologique, les gens qui participent à un jeu y participent… jusqu’à ce que le jeu se mue en autre chose… alors ils arrêtent… Le tour de passe passe est de faire croire qu’on peut en tirer des conclusions portant sur la réalité alors que tout dans les circonstances du jeu est artificiel dans un espace où tout est possible…
    J’ai pris ce film pour une grande farce… et le scientifique (vrai psychosociologue spécialiste de la manipulation) m’a fait penser au père Fouras !

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  12. Cybionte dit :

    Bonjour,
    En ce qui concerne l’émission, je l’ai enregistrée mais pas regardée. Je n’en dirais donc rien pour l’instant.

    Pour le reste, il me semble difficile de lancer une discussion sur le thème « scientifique / non scientifique » sans se mettre d’accord déjà sur la façon dont on définit la « science » et donc une « méthode scientifique ».
    Il ne s’agit pas pour moi de donner une définition univoque et définitive, c’est actuellement la définition que je me donne de la science, définition opérationnelle, bien évidemment susceptible d’évoluer.

    Tout d’abord, la science est un mode de production des connaissances. Il n’est ni le seul, ni infaillible, mais pour moi c’est le plus efficace et le plus sûr.
    Elle procède d’un matérialisme méthodologique, elle nécessite des faits observables, s’appuie sur des théories réfutables (par d’autres mais aussi et surtout par soi-même) et généralisables et doit permettre à l’issu du processus de construction du savoir, un certain niveau de prédictibilité.
    Elle est nécessairement amorale, apolitique, transculturelle, elle n’est pas prescriptive.

    C’est évidemment une définition très générale et très théorique, car en pratique la « science » n’existe pas en tant que telle. Elle est faite / dépendante par des hommes qui sont eux politisés, moraux, qui appartiennent à une culture, sont soumis à des contraintes financières, de carrière… voir souffre de troubles de la personnalité. Tout cela induit bien évidemment un grand nombre de biais possible dans cette production de savoir et explique la nécessité de ne pas prendre pour argent comptant une publication aussi bien faite soit-elle et de recouper, reproduire, refaire.

    A partir de là, je ne peux pas être d’accord avec certains de vos propos :
    « les risques que certains développements de la science elle-même peuvent faire peser notamment sur l’environnement » La science n’étant pas prescriptive, sauf cas exceptionnel, ce ne sont donc pas les développements de la science qui peuvent être nuisible à l’environnement ou à l’Homme, mais les applications qui en sont en faites.

    « mais ces abus ont eux-mêmes succédé à d’autres abus qui eux provenaient d’une méthode déjà soi-disant scientifique (lobotomie, electro-chocs etc.). »
    La médecine n’est pas une science, c’est avant tout une pratique basée sur l’empirisme et bien souvent notre connaissance et compréhension de la biologie, de la physiologie, du cerveau de l’humaine en tant que machine vivante est bien trop partielle pour se passer des méthodes empiriques de soin, qui elles par contre, devraient être validée avec des méthodes scientifiques (statistiques en particulier) particulièrement rigoureuse.
    On commence à peine à savoir utiliser les connaissances dans les domaines de la physique, de la biologie moléculaire, de la physiologie pour créer des traitements en toute connaissance de cause, c’est à dire étant capable de produire un raisonnement causal qui part de l’action de la molécule (voir de l’atome), jusqu’au résultat final. Et même dans ce cas là, l’empirisme reste de mise pour valider l’efficacité et la tolérance du traitement (preuve en est ces médicaments régulièrement retirés du marché après commercialisation du fait d’effet secondaires graves).
    Les électrochocs et la lobotomie sont des méthodes de soins issus d’une époque ou l’on avait aucun traitement pour prendre en charge les malades souffrants d’affections psychiatriques graves, c’est-à-dire comportant des risques de mort, des troubles du comportement majeurs et des risques de passage à l’acte hétéro-agressif important. Les risques pour les patients et l’entourage étaient tellement grands que même les traitements avec un faible bénéfice risque étaient essayés.
    Avec le temps et l’apparition de méthode de traitement efficace (médicamenteuse en particulier) il n’a plus été déontologiquement possible de faire courir des risques aussi important aux malades psychiatriques. Les électrochocs comme la lobotomie ont vu leurs conditions de réalisation drastiquement évoluer pour limiter les effets secondaires les plus graves et leur modalité de prescription sévèrement évaluée et restreinte aux affections les plus résistantes. Ce qui en fait des traitements parmi les plus évalués en dehors des traitements médicamenteux et des thérapies comportementales, et qui, au moins pour les électrochocs, sont régulièrement prescrit du fait de leur efficacité.

    L’efficacité des électrochocs :
    Article de synthèse :
    http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article79

    Recommandation pour la pratique clinique :
    http://www.sfar.org/article/63/recommandations-pour-la-pratique-clinique-indications-et-modalites-de-l-electroconvulsivotherapie

    L’avis de la HAS (complications évolutives d’un épisode dépressif caractérisé de l’adulte)
    :

    Cliquer pour accéder à complications_evolutives_edc_-_argumentaire_v2.pdf

    La psycho-chirurgie :
    Rapport de la HAS, à partir de la page 41 :

    Cliquer pour accéder à toc_rap.pdf

    D’accord avec vous sur l’irrationalisme, le charlatanisme envahissant et l’inquiétante montée de la défiance envers la science.
    Cordialement,

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  13. Alain L dit :

    Il n’est de science que de démonstration, disait Cavaillès… je partage ce point de vue. Et en principe, on refuse les raisonnements circulaires (comme c’est le cas dans l »l’expérience » relatée, où il y a circularité parce que le dispositif censé administrer la preuve de la soumission repose sur cette même soumission). Ce ne sont pas seulement les applications de la science qui peuvent avoir des effets sur l’environnement, mais ses développements eux-mêmes (cf. biotechnologies, recherche nucléaire, nanotechnologies) et de plus, la séparation entre la science et ses applications devient de plus en plus délicate à établir.
    D’accord avec vous que si l’empirisme permet de soulager des souffrances, tant mieux. Mais comme vous le dites vous-même, il ne s’agit pas tellement de science à proprement parler dans ces cas. Ce qui était incriminé dans mon billet, c’était la propension, pour certaines pratiques (assez « bricolées ») essentiellement en sciences humaines, à se présenter comme « scientifiques ».
    Merci pour toutes ces références très intéressantes.

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  14. Cybionte dit :

    Mon analyse de l’émission. Une précision d’abord, je me suis spécialisé pour être dans ma pratique particulièrement attentif aux questions des traumatismes psychologiques.

    L’introduction. Montrant l’évolution des jeux télévisions vers toujours plus de violence et de souffrance « librement » consentie, de confrontation à la mort, elle vient justifier sur le plan éthique la transposition de l’expérience de Milgram dans l’univers des jeux télévisés. Elle est efficace sur le plan visuel, mais peu documentée sur le plan statistique en particulier. Elle se contente d’assener des propositions.
    Cette transposition c’est faite sur le plan scientifique avec une équipe sous la direction de Jean Léon Beauvois (un des acteurs important de la psychologie sociale française de ces dernières décennies), comportant Me Dominique Oberle, maitre de conférence à université paris ouest, département psychologie, Amandine Tonelli Département de Sociologie de l’université de Genève, Didier COURBET Chercheur et Directeur de Recherche à l’Institut de Recherche en Sciences de l’Information et de la Communication, IRSIC, EA 4262 et Pôle Méditerranéen de l’ISCC – CNRS plus l’équipe de télévision étroitement associée au processus, en tout cas pour la présentatrice.
    La transposition de l’expérience de Milgram est, à ce que j’ai pu en juger, particulièrement rigoureuse sur le plan méthodologique. L’analyse qu’en fait un autre chercheur en psychologie sociale, http://www.latetocarhaix.org/article-milgram-revient-en-france-decrytage-par-laurent-begue-de-l-umpf-grenoble-46969331.html Laurent Bègue, manifestement d’une autre tendance dans la psychologie sociale (plus personnologiste que situationniste si j’ai bien compris), va dans mon sens.

    En ce qui concerne le jeu lui-même. Ce qu’on nous a montré des réactions des « sujets expérimentaux » (mais on ne nous a montré qu’une petite partie des visages et des comportements) me laissent penser qu’ils étaient complètement pris dans le scénario et ne faisait pas « semblant ». Les arguments de Beauvois (que j’avais anticipé), comme les tentatives de tricherie, les réactions motrices, faciales, les rires, les hésitations sont assez convaincantes et à l’exception peut-être de quelques sujets, je pense qu’ils étaient persuadés d’administrer des souffrances réelles à l’acteur. Une chose qui n’a pas été mentionnée sur le plan clinique, et qui va dans le même sens, est la présence d’un état de dissociation (http://psychodoc.free.fr/spt.htm#dissociation ), à partir du moment ou les sujets continue à administrer des chocs alors même que cela entre en contradiction avec leur valeurs morales personnelles.
    Personnellement, j’ai ressenti à plusieurs moments une gêne en lien avec le niveau de souffrance infligée aux sujets expérimentaux en contradiction avec mon éthique personnelle.
    Cela dit, après avoir lu les arguments (convaincants) de Beauvois (http://liberalisme-democraties-debat-public.com/spip.php?article112 ) sur cette question, après avoir pris connaissance du processus de prise en charge (qualité du débriefing, suivi et évaluation à long terme) et en tenant compte de l’évolution des jeux télévisés dans cette direction, je souscris finalement, avec une légère réticence, au principe de l’émission.

    Sur la question maintenant de la scientificité ou non dispositif expérimental. Je pense qu’il est difficile de remettre en cause la rigueur avec laquelle l’expérience de Milgram a été transposée, expérience qui a profondément marqué à la fois le milieu de la recherche mais bien au-delà, puisque c’est finalement la seule chose que je connaissais de la psychologie sociale. Elle a été reproduite, avec de nombreuses variantes et permet de mesurer le niveau de soumission d’un individu lambda à une figure de l’autorité et illustre de façon saisissante la capacité de tout un chacun d’infliger des souffrances extrêmes, voir la mort, même sans menace ou promesse de gains importants.

    Pour l’analyse statistique, le mieux est de s’en remettre au chiffre communiqué par Beauvois ici : http://liberalisme-democraties-debat-public.com/spip.php?article112

    Si l’on doit remettre en cause quelque chose sur cette question, c’est donc bien la scientificité de la psychologie sociale et de ses paradigmes. Finalement, celui qui répond le mieux à cette question, et qui fait une analyse critique de la question est … Léon Beauvois lui-même, dans un texte de 2005 : http://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=CM_071_0195 et dans les motivations qu’il donne dans son article principal : http://liberalisme-democraties-debat-public.com/spip.php?article112

    Deux aspects ne me semble pas respecté et interdise de délivrer à mon sens un « brevet de scientificité » complet au dispositif expérimental :

    – La trop grande influence d’éléments d’ordre culturel dans les paradigmes de la psychologie sociale, rendant l’évaluation par les pairs impossibles au niveau international, violant un des éléments de la définition que j’avais proposé plus haut, l’aspect transculturel de la connaissance scientifique.
    – Le caractère prescriptif, violant un autre élément de la définition, non sans lien avec ces présupposés idéologiques et culturel, très directement revendiqué par Beauvois. Il accepte cette démarche pour quatre raisons, pas uniquement d’ordre scientifique mais aussi parce qu’il est d’accord avec la démarche militante de Christophe Nick, le réalisateur de l’émission, parfaitement bien exprimée ici :

    « Une quatrième (et dernière) raison qui m’a poussé à accepter est l’intégration de la recherche projetée dans un projet de politique télévisuelle plus vaste, donnant lieu à un documentaire sur les dérives de la télévision et les dangers de la téléréalité. Les comités d’éthique feraient mieux de se muer en comités d’évaluation des projets de téléréalité, car là, il y du stress, du danger, de la souffrance, de l’indignité et même de la vraie mort. Le projet de Christophe Nick avait évolué : il ne s’agissait plus de montrer le pouvoir de la télévision (en fait, de ce pouvoir, Christophe Nick était convaincu), mais de dénoncer son usage à des fins délétères avec le développement de certains jeux et de la téléréalité. Montrer que tôt ou tard, si on ne faisait rien du côté des politiques publiques, on assisterait à des meurtres en direct, devant des familles en fin de repas, à l’heure des desserts sucrés, voilà qui me convenait bien davantage qu’une simple transposition de Milgram destiné à montrer que la télévision dotait ses agents d’un pouvoir au moins aussi important que celui des scientifiques des années 60. »

    Donc non, la psychologie sociale ne satisfait pas à touts les critères nécessaires pour être qualifiée de « parfaitement » scientifique. Doit-on pour autant la ranger dans la catégorie des pseudosciences ? On voit bien qu’à ce titre, ce sont pratiquement toutes les sciences humaines qui basculeraient dans cette catégorie, car les critiques de Beauvois sont pertinentes pour bon nombre de discipline scientifique « molle ». Je préfère considérer que les critères qu’elle respecte sont suffisants pour l’accepter comme une discipline scientifique en construction, cherchant à se débarrasser des tares qui ont entachés bien des disciplines scientifique à leur naissance, même parmi les sciences « dures ». Des erreurs de jeunesse on pourrait dire.
    Qui ne remettent pas en cause fondamentalement les enseignements que l’on peut tirer de ce montage expérimental.

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  15. Alain L. dit :

    Merci d’accorder tant de soin à ce débat, même si je ne suis pas convaincu par vos arguments. Passe qu’on ait voulu reproduire l’expérience de Stanley Milgram, mais ce qui pose aussi problème c’est qu’on ait voulu en faire un spectacle. C’est là une chose tout aussi nouvelle que la « télé-réalité » et tout aussi questionnable, faire d’une « expérience scientifique » un spectacle. Bref cette émission ne fait qu’enchaîner les mises en abîme et les jeux de miroir, à ceux déjà cités s’ajoute le fait de prétendre s’en prendre à la télé réalité au moyen de quelque chose qui est l’essence même de cette télé-réalité, à savoir filmer les individus au moment où ils présentent le plus de failles, bref, le voyeurisme.

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  16. glentir dit :

    Pourquoi est-on soumis à l’autorité ?
    L’émission voulait illustrer ce phénomène.
    On retrouve cette situation dans certaines religions.
    L’autorité consiste à faire croire à l’autre que l’on possède quelque chose que l’autre n’a pas, à savoir le discernement.
    L’autorité c’est le contraire de la démonstration.
    Bref un excellent sujet pour le BAC philo.
    Albert EINSTEIN a dit tout le mal qu’il pensait de l’autorité, comme Jean FERRAT, Jacques BREL, Georges BRASSENS et Albert CAMUS et plus loin Ludwig van BEETHOVEN !
    Il aurait fallu inviter Jean Didier VINCENT.

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