Je commente peu l’actualité… on l’aura remarqué ! C’est une position délibérée de ma part. L’actualité, c’est l’écume. Mais il y a des occasions où on ne peut faire autrement, où ne pas faire serait même une sorte de lâcheté. Cette semaine, deux évènements se sont « collisionnés », si j’ose dire… la mise en route du (justement…) collisionneur de hadrons, et la visite du Pape. Un régal pour nos médias ! Ils peuvent consacrer tout leur temps aux… rapports entre science et religion ! Rarement entendu autant de bondieuseries faciles sur les ondes de France-Inter. Un plaisantin a dû dire quelque part que le LHC, chargé de détecter le boson de Higgs, allait du même coup…. découvrir la particule de Dieu ! Rien de moins. Et les journalistes de prendre ça très au sérieux. « Allons, voyons, monsieur Ouaknin, est-ce bien raisonnable ? » et l’autre de répondre, avec mine compassée de rigueur : « mais non, le Savoir Absolu n’est pas possible, le jour où nous l’atteindrions, nous mourrions ( !!!) ». N’importe quoi . D’abord aucun physicien ni aucun scientifique, de manière générale, n’a jamais prétendu que nous étions prêts d’atteindre cet absolu…. Un peu de culture scientifique, un peu de lectures à droite à gauche (je recommande par exemple « Rien ne va plus en physique – l’échec de la théorie des cordes » de Lee Smolin, chez Dunod) nous montrent au contraire les doutes des physiciens contemporains, leur prudence, leur conscience que les modèles développés jusqu’à présent ne sont peut-être pas les bons etc.
Et puis arrive la sempiternelle question : « la Science et Dieu »… et là on devine qu’on va passer les plats à monsieur Razinger. La science, c’est bien beau, mais la Vérité ultime…. Mais il n’y a pas de Vérité ultime, ou alors comme l’expose la pensée bouddhique (j’y reviendrai) c’est le VIDE.
L’un de mes billets précédents, celui où je cite un Rinpoche illustre, peut prêter à confusion chez mes lecteurs. N’y aurait-il pas là, implicitement, un rappel de religion ? Le bouddhisme est une religion après tout. Certes. Comme je l’ai dit, c’est une religion au sens étymologique du terme (celui de « relier » les humains, et le concept de sangha dans le bouddhisme joue un rôle central). MAIS la différence majeure avec toutes les religions connues à ce jour, est qu’il s’agit d’une religion QUI FAIT L’ECONOMIE DE DIEU. Voilà ce que nos médias de toutes sortes (y compris les magazines, tels le Nouvel Obs, qui ont consacré des pages à la visite du Dalaï-Lama en France, mais en se gardant bien d’entrer tant soit peu dans la doctrine enseignée) se gardent bien de nous dire, tant il est admis, tant il doit être admis que bien sûr, n’est-ce pas, dans le fond, tout le monde pense pareil, évidemment tout le monde croit qu’il y a un Dieu patati patata qui est là-haut, qui a créé l’univers et nos pommes avec, plein de bienveillance et d’amour, j’en passe et des meilleurs…. Eh bien NON, tout le monde ne pense pas la même chose sur la terre. Il se trouve que la culture bouddhiste-tibétaine sécrète depuis des siècles une pensée qui s’élabore sur de toutes autres bases, faisant l’économie de ces deux notions pierres angulaires de notre pensée occidentale : le SUJET et DIEU.
Cela arrange nos médias de renvoyer cette pensée à son folklore, le Dalaï-lama à ses savates en caoutchouc et à son air rigolard. Personnellement, je reviendrai sans doute sur cette philosophie dans des billets ultérieurs car enfin…. Il s’y développe des idées sans commune mesure avec l’inconsistance du catéchisme débile dont on nous abreuve à longueur de journée sur nos ondes….
Merci, merci mille fois pour ce coup de gueule!
Mais est-il possible d ‘être audible dans le vacarme de la pensée unique?
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Je ne partage pas complètement ton exaspération, ni celle de Chantal, sur la façon dont France Inter a traité l’actualité du LHC, en la reliant à la visite du pape.
Certes, Stéphane Paoli n’a pas échappé à quelques clichés qui montrent, une fois de plus, le peu de culture scientifique des journalistes. C’était particulièrement audible quand Etienne Klein est intervenu samedi matin pour expliquer la notion de trou noir et des nombreuses dimensions de l’espace-temps. Paoli, sans esse, rabaissait le débat sur sa superficialité, comme le risque d’un accident au moment de la mise en marche du LHC. Mais derrière, il n’était pas inutile d’évoquer les peurs irrationnelles que peuvent entraîner les technologies dont Daniel Boy a bien parlé.
Aujourd’hui dimanche, il a effectivement ressorti le coup de la particule de Dieu.
Mais les intervenants étaient de qualité. Et notamment Marc-Alain Ouaknin qui a rappelé qu’en vieux français, où le u et le v n’était qu’une seule lettre, « dieu » est un anagramme de « vide ». Cela ne rejoint-il pas la pierre angulaire de la pensée bouddhique ?
Pour ma part, j’ai essayé de faire un commentaire forcément maladroit et naïf du discours du pape au couvent des Bernardins : si tu as le temps, tu peux lire ce commentaire sur mon blog.
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Jean-Marie,
j’ai en effet saisi au vol cette remarque de M-A Ouaknin, et j’en suis resté coi. C’est bien de remarquer un jeu possible sur les mots, c’est autre chose d’en tirer des conclusions, or la conception de Dieu dans les religions monothéistes classiques me semble plutot être celle d’un trop-plein que celle d’un vide!
J’ai été également surpris, en parcourant le discours du pape dans « le Monde » de voir la place qu’il accorde à la langue…. Benoit linguiste? Je concède l’importance du rôle des moines dans l’édification de notre réflexion sur la langue (il suffit de visiter l’abbaye de Bec d’Helloin en Normandie, fief de Saint Anselme, et d’y consulter les oeuvres complètes de ce dernier pour se rendre compte que la réflexion des philosophes d’aujourd’hui n’a parfois pas beaucoup progressé par rapport à celle de l’an mille), mais c’est une constante universelle, partout où on a mis à part des individus au statut religieux supposés passer leur temps à réfléchir, il en est ressorti une réflexion sur le langage. Les moines tibétains – encore eux – en sont aussi le parfait exemple. Et puis la réflexion sur le lanage, en occident, doit surtout à Platon (Cratyle) et Aristote.
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